Insultes, mains aux fesses, regards insistants... En 2022, 120 agressions sexistes et sexuelles ont été recensées par Ilévia dans ses bus, tramways et métros. Malgré les dispositifs de lutte de l'opérateur, le fléau persiste.
"Le soir, le métro c'est craignos." Alicia, 23 ans, est serveuse dans un restaurant près de la place de la République, à Lille. Pour venir le matin et pour rentrer chez elle après le travail, elle emprunte les transports en commun, jusqu'à Tourcoing. Sans être vraiment rassurée.
"On m'a déjà mis une main aux fesses", raconte-t-elle. Un geste, ou plutôt une agression sexuelle qui, rappelons-le, est punie de cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende. Elle évoque aussi ces "regards insistants", de la part d'hommes, qui la font éviter de prendre le métro en soirée, quand elle le peut.
"Casse-toi sale pute"
Il y a les insultes aussi, qui semblent communes à entendre celles qui les reçoivent. "Les : 'casse-toi sale pute' par exemple, illustre Dalila, 54 ans, aide à domicile. Que ce soit pour une simple place dans le bus ou bien une cigarette. Et de la part de jeunes..." Amandine, 25 ans, confirme : "oui ça m'est arrivé d'entendre des 'sale pute'".
"Je me suis mis dans un coin et je suis sortie sur le quai pour prendre le métro suivant."
Julie-Alexandra, 38 ans
Julie-Alexandra, 38 ans, usagère régulière des transports, se rappelle avoir été contrainte de quitter une rame du métro après une mauvaise rencontre, il y a trois ou quatre ans. "Un monsieur en face de moi me fixait, il jouait avec sa langue, insistait et se rapprochait de plus en plus de moi, se souvient-elle. Je me suis mis dans un coin et je suis sortie sur le quai pour prendre le métro suivant."
"Je me fais discrète dans le métro"
Pour éviter d'être la cible de ces agissements, certaines de nos interlocutrices rencontrées à la sortie de la station République Beaux-Arts, à Lille, confient avoir adapté leur comportement dans les transports. "Ça m'arrive de mettre ma capuche, puis j'évite de porter des jupes", témoigne Alicia. Malgré son "gros caractère", Julie-Alexandra avoue "se faire discrète".
"Avant je fermais ma bouche, mais ils continuaient, alors maintenant je leur réponds, même si je ne suis pas à l'abri de prendre une baffe."
Dalila, 54 ans, aide à domicile
Dalila, elle, décide de se confronter à ses harceleurs : "avant je fermais ma bouche, mais ils continuaient, alors maintenant je leur réponds. Ça me soulage, et pourtant, je ne suis pas comme ça dans la vraie vie." Pour autant, elle assure que la peur est bien présente au moment de se défendre. "On n’est pas à l'abri de prendre une baffe."
120 agressions recensées en 2022 par Ilévia
Les expériences d'Alicia, Dalila, Amandine et Julie-Alexandra sont loin d'être des cas isolés. En 2022, Kéolis Lille Métropole, exploitant d'Ilévia, en charge des transports en commun dans la MEL, a recensé "120 faits de harcèlement sexiste et sexuel" sur l'ensemble de son réseau.
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Un chiffre qui minimise potentiellement l'ampleur du phénomène, alors qu'en 2016, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) publiait une étude qui démontrait que 87 % des usagères interrogées avaient déjà été victimes au moins une fois de violences sexistes et sexuelles dans les transports d'Ile-de-France.
Angela, descente à la demande... Les dispositifs de lutte
Face à ce fléau, l'opérateur lillois ne reste pas sans rien faire. La société fait savoir que, ces trois dernières années, "320 agents (de terrains, de sécurité, des contrôleurs) ont été sensibilisés à propos du harcèlement". Ces derniers ont suivi une formation pour développer "les bons réflexes à avoir en tant que témoin mais aussi comme premier accueillant de victime."
Dans le même sens, Ilévia a lancé le dispositif Angela en 2022. Ce nom de code permet à toute personne en situation de harcèlement ou d’insécurité de bénéficier d’une zone refuge et d’une aide adaptée, dans les agences commerciales. Les agents se chargent, ensuite, de prévenir la police des transports. "Le dispositif a été déclenché plusieurs fois depuis sa mise en place", indique Ilévia.
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Autres mesures : la descente à la demande après 22 heures dans les bus ou encore l'installation de bornes d'appel. Aussi, symboliquement, "les collaborateurs de Kéolis Lille Métropole, participeront à la marche contre les violences faites aux femmes, organisée le 24 novembre", assure l'entreprise.
La brigade du respect
Cette année, une carte blanche a été donnée au collectif féministe La brigade du respect. Dans plusieurs stations de métro, des militantes ont réalisé des graffitis sur le sol, mentionnant des punchlines à l'adresse des agresseurs. Exemples à République Beaux-Arts : "sans le savoir, tu es relou" ou "me follow pas tu me stresses". "C'est une forme de soutien, on ne reste plus dans le silence comme avant", réagit Jade, 18 ans, en faisant référence au mouvement MeToo.
Parmi la douzaine de femmes interrogées pour ce reportage, toutes ne déclarent pas avoir été victimes d'agression ou de faits de harcèlement. Aussi, plusieurs se disent plus tranquilles ces derniers mois, voire ces dernières années. Signe d'une meilleure prise en compte de la question des violences sexistes et sexuelles dans la société ?