Le LOSC bientôt devant la DNCG : faut-il être optimiste ?

Auteur d'une excellente première moitié de saison sur le terrain, le LOSC a rendez-vous d'ici la fin du mois avec la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) pour faire le point sur ses finances. Le club peut-il espérer une levée des mesures d'encadrement imposées cet été ? 

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"Gerard Lopez est en train de réussir son pari". Mercredi, en marge du tirage au sort, à Lille, des 8e de finale de la Coupe de la Ligue, Damien Castelain, le président de la MEL (Métropole Européenne de Lille), affichait un optimisme souriant quant à l'avenir du LOSC. Pour lui, cela ne fait aucun doute : le redressement spectaculaire opéré sur le plan sportif (le club est 2e de Ligue 1 après 13 journées) aura forcément un impact positif sur les finances. Mais qu'en est-il exactement, alors que les dirigeants lillois ont bientôt rendez-vous à Paris, avec la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) pour faire le point sur les comptes ?
 

 
L'an dernier, à la même époque, c'était la douche froide. Le LOSC avait été interdit de recrutement au mercato d'hiver et menacé d'une rétrogradation administrative à cause de sa situation comptable. Fin mai, le retour à la normale était amorcé, moyennant toutefois un encadrement du recrutement et de la masse salariale par le "gendarme financier". Cet été, les nouvelles recrues ont ainsi été validées au compte-gouttes jusqu'au dernier jour du mercato d'été. Un joueur comme Loïc Rémy a dû attendre plus d'un mois pour l'homologation de son contrat. Un processus contraignant dont le LOSC aimerait sans doute pouvoir se libérer au prochain mercato de janvier.

"On était encadré, on a eu des problèmes avec la DNCG mais ils ont bien compris le projet, on a amené un business plan", a expliqué Marc Ingla, le directeur général lillois, le 7 novembre, sur le plateau du Late Football Club sur Canal +. "On a démontré qu'on était capable de l'accomplir, de remplir les paramètres principaux, les engagements. On ne sait pas (si les mesures d'encadrement vont être levées), on va voir lors de notre passage fin novembre, mais on avance, on récupère un peu le retard qu'on a pris sur le projet qui a causé un coût financier. Je pense qu'on démontre que notre business plan est solide, on a un business plan à moyen et long terme très solide."
 


"Cet été, au mercato, même si on a fini 17e la saison dernière, on a fait des ventes très importantes (près de 60 millions d'euros NDR), on a investi...", a ajouté l'ancien dirigeant du Barça.   
   
Aujourd'hui, deux éléments semblent en effet plaider en faveur du LOSC : les perspectives d'augmentation des recettes et le refinancement de sa dette opéré l'été dernier. 
 

Vers une hausse des recettes 


En finissant 17e de Ligue 1 la saison dernière, Lille n'a empoché que 26,5 millions de droits TV, soit 6,5 millions d'euros de moins que lors de la saison 2016-2017 conclue sur une 11e place. Cette saison, si le club nordiste maintient sa place sur le podium, le gain pourrait être spectaculaire. D'autant plus si le LOSC décroche la deuxième place qualificative pour la phase de groupe de la Ligue des Champions, synonyme d'un pactole d'au minimum 15 millions d'euros l'an prochain. A condition toutefois que le club remplisse bien tous les critères du Fair Play Financier européen...

Avec un nombre d'abonnés et une fréquentation en baisse par rapport à la saison dernière (30 583 spectateurs en moyenne au Stade Pierre-Mauroy contre 33 200 la saison dernière), les recettes billetterie, elles, risquent, au mieux, de stagner. C'est surtout sur les ventes de joueurs que le LOSC peut espérer empocher de grosses sommes d'ici l'été prochain.  Selon les évaluations des chercheurs de l'Observatoire du Football CIES en Suisse, la valeur totale de l'effectif professionnel du LOSC a progressé de 68% depuis le mois d'août, passant de 119,3 à 200,4 millions.
 

Infogram
Certes, ces chiffres doivent être pris avec prudence, car certaines cotes ci-dessus semblent un peu sur-estimées, d'autres au contraire sous-estimées. Mais elles montrent clairement une tendance très favorable. Nicolas Pépé (8 buts, 5 passes décisives) intéresse désormais les plus grands clubs européens, ce qui laisse déjà envisager une vente record pour le LOSC l'été prochain (le CIES l'estime à 43,5 millions d'euros), le président lillois Gerard Lopez ayant répété plusieurs fois qu'il ne se séparerait pas de son attaquant ivoirien au mercato de janvier, "même à 100 millions d'euros"... D'autres joueurs, comme Jonathan Bamba, Jonathan Ikoné, Thiago Mendes ou Mike Maignan voient eux aussi leurs cotes progresser.

Le LOSC devra-t-il quand même concéder quelques ventes cet hiver ? "Si nous ne vendons pas, nous ne recruterons pas", a déjà prévenu Luis Campos, conseiller spécial de Gerard Lopez, lors d'une interview sur RMC début novembre. "C'est important d'avoir un équilibre. Si j'ai trop d'argent, ma vie est facile. Mais le LOSC n'est pas un club très riche." Depuis plus de 10 ans, en effet, le LOSC doit vendre des joueurs pour équilibrer ses comptes, ses recettes commerciales (droits TV, billetterie, merchandising) étant nettement inférieures à ses dépenses. Selon les variations du chiffre d'affaires, les Dogues doivent trouver chaque saison entre 30 et 50 millions d'euros, sur le marché des transferts pour boucher les trous.
 

Sur les 60 millions d'euros de ventes de joueurs réalisées l'été dernier, 35 millions concernaient l'exercice comptable 2017-2018, clos le 31 juillet. 25 millions ont été générés depuis le 1er août pour la saison en cours. Schématiquement, si le LOSC parvient à ramener son déficit commercial à 30 millions, 5 millions seulement seront nécessaires pour être à l'équilibre d'ici le 31 juillet 2019. Si le déficit est de 50 millions, alors le club devra vendre pour 25 millions minimum. Un challenge qui n'aura rien d'impossible pour le LOSC. Trois joueurs actuellement en prêt dans d'autres clubs (Anwar El Ghazi, Junior Alonso et Yassine Benzia) pourraient notamment rapporter environ 18,5 millions d'euros si les options d'achat sont levées en juin prochain. 
 
 
Des besoins de trésorerie pourraient également pousser à vendre dès cet hiver. Lors de son précédent passage devant la DNCG, fin mai, le LOSC avait rassuré sur ce point en présentant près de 90 millions d'avance en compte courant bloqué, grâce à un nouvel emprunt obligataire émis par sa holding luxembourgeoise, Lux Royalty. Mais une question demeure toutefois : cette avance intégrait-elle le manque à gagner lié à l'absence durable de sponsor maillot principal depuis la fin du contrat Partouche en juin dernier ? Pour le moment, malgré les excellents résultats sportifs, le blason du club reste bien seul sur le torse des joueurs. "On s’est laissé la liberté de voir avec qui nous allons travailler pour le sponsor maillot", assumait Gerard Lopez, fin septembre, dans une interview au Figaro.
 

"Nous avançons sur plusieurs dossiers, mais nous voulons prendre le temps de trouver le meilleur sponsor pour notre maillot", expliquait de nouveau le directeur commercial du club, Yann Chevallier, dans un article publié par le site Sportbuzzbusiness le 30 octobre. "Nous avons des discussions depuis le printemps dernier avec plusieurs partenaires majeurs. Par ailleurs, récemment nous avons été sollicités pour un achat au match mais ce n’est pas une piste prioritaire pour l’instant. Nous voulons quelque chose de pérenne, un engagement dans la durée en adéquation avec notre projet. Nous sommes confiants car nous avons un important pôle économique dans la région avec beaucoup d’entreprises possédant un ancrage régional fort doublé d’une dimension nationale et même internationale." En clair, le LOSC ne veut pas brader son maillot. Mais jusqu'à quand pourra-t-il se passer de cette manne financière ? Questionné sur ce sujet, le club n'a pas donné suite à nos sollicitations.        
 

Le refinancement de la dette


Le LOSC n'ayant pas publié ses comptes depuis la saison 2015-2016, antérieure au rachat du club par Gerard Lopez, difficile d'y voir clair sur le niveau d'endettement réel du club. Dans son rapport 2016-2017, la DNCG avait communiqué des chiffres plutôt inquiétants : déficit d'exploitation de 60 millions d'euros, perte nette de 40 millions, capitaux propres négatifs de 43 millions avec une dette financière de 111 millions. Mais il s'agissait de chiffres provisoires estimés au 30 juin 2017, les comptes étant arrêtés au 31 juillet. Depuis, le club a pu revoir sa copie.

Le 8 janvier dernier, le LOSC, par la plume de son directeur général Marc Ingla, avait sollicité (et obtenu), auprès du tribunal de commerce de Lille, une prorogation de six mois du délai de réunion de l'assemblée générale des actionnaires chargée d'approuver ces fameux comptes 2016-2017, "dont la présentation est amenée à être modifiée, notamment sur les éléments devant impacter la présentation des capitaux propres". Ils ont fini par être approuvés le 14 juin. Selon le journal L'Equipe, un abandon de créances, validé par le fonds d'investissement Elliott auprès duquel la holding Lux Royalty s'est endettée, a permis de remettre les capitaux propres à flot - conformément aux demandes de la DNCG - et de transformer la perte anticipée de 40 millions en léger bénéfice au 31 juillet 2017.
 

Autre élément important survenu cet été : la banque américaine JP Morgan aurait racheté pour 50 à 60 millions d'obligations détenues par Elliott. Alors que depuis fin mai, Gerard Lopez était sous la menace d'une dilution de ses parts dans la holding Lux Royalty s'il ne remboursait pas le fonds d'investissement américain dans les cinq ans, la donne a changé le 20 août dernier. Les dispositions qui permettaient cette dilution ont été retirées des nouveaux statuts de la "maison-mère" luxembourgeoise du LOSC (Elliott conserve toutefois un important pouvoir de contrôle, notamment sur tout ce qui touche le financement du club).

JP Morgan, qui a racheté une partie de la dette du LOSC, n'est pas vraiment un nouveau venu dans le dossier lillois. Sur le site du cabinet d'avocats international Ropes & Gray, l'un des associés, Michael Kazakevich, explique avoir "agi pour JP Morgan dans l'arrangement et l'émission d'obligations PIK holdco pour financer l'acquisition du club de football de Lille par Victory Soccer Limited". Là, un petit décryptage s'impose. Des obligations PIK (Payment in kind) constituent un emprunt caractérisé par le fait que le paiement des intérêts ne se fait pas systématiquement en cash, mais aussi par d'autres titres de dette, des titres de la société emprunteuse ou par l'émission d'options d'achat d'actions. Victory Soccer Limited est la société londonienne qui possède 99,8% de Lux Royalty, maison-mère du LOSC. Elle est elle-même détenue à 80% par Gerard Lopez (via la société Chimera Consulting domiciliée à Hong-Kong) et à 20% par Marc Ingla (via la société barcelonaise Kramink SL). 
 En clair, JP Morgan a contribué au rachat du LOSC par Gerard Lopez en janvier 2017. La banque américaine avait-elle déjà avancé elle-même des fonds dans cette opération ? Contacté par courriel, Michael Kazakevich nous a seulement confirmé être intervenu dans le cadre du financement du rachat du club (et non sur le rachat de dette de l'été dernier). Mais il s'est refusé à tout autre commentaire. "JP Morgan ne souhaite pas faire de commentaires à ce sujet", nous a également fait savoir ce vendredi un porte-parole de la branche française de la banque américaine. Le LOSC n'a pas donné suite non plus à nos sollicitations concernant JP Morgan et le refinancement de la dette opéré cet été.

Les comptes 2017 de Victory Soccer, publiés fin septembre dans une version abrégée, ne permettent pas d'y voir plus clair. On y apprend juste que la société de Gerard Lopez et Marc Ingla a essuyé une perte nette d'environ 2,1 millions d'euros sur cet exercice et que sa dette s'élevait au 31 décembre 2017 à 7,37 millions d'euros, avec seulement 181 473 euros de dette à l'actionnaire. Les noms des autres créanciers ne figurent pas dans le document.

Quoiqu'il en soit, la dette du LOSC et de ses sociétés mères pourrait bien s'alléger prochainement si le club parvient à dégager un gros bénéfice en vendant au prix fort Nicolas Pépé et d'autres talents lillois d'ici le 31 juillet 2019. Un argument important en vue du rendez-vous à la DNCG dont la date exacte n'a pas encore été communiquée.

  
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