Au palais des sports Saint-Sauveur à Lille, enfants français et ukrainiens ont oublié les frontières pendant une dizaine de jours. Tous sportifs, ils ont partagé leurs entraînements et leur quotidien dans une ambiance chaleureuse. Pour les jeunes ukrainiens, c'était l'occasion de retrouver une bulle de sérénité.
Kimono, justaucorps, short de foot ukrainiens et français se mêlent et deviennent indiscernables. Cette semaine du 20 avril 2024, les clubs sportifs lillois ont accueilli une quarantaine d'enfants de Kharkiv pendant leurs entraînements. Les enfants partagent leur activité sportive et des visites touristiques. La barrière de la langue n'a pas empêché l'amitié franco-ukrainienne de perdurer : des liens forts se sont tissés entre les enfants. Ce vendredi 26 avril, dans le gymnase, c'était l'effusion des derniers instants ensemble.
L'accueil des sportifs
Après leur long voyage depuis l'Ukraine, 39 enfants ont peu ainsi découvrir Lille. Pendant une dizaine de jours, ils ont participé à des entraînements de sport et visité les Hauts-de-France.
Chez nous, on ne peut plus s'entraîner, on doit aller dans une petite salle de gym car la nôtre n'a plus de fenêtres.
Anna, gymnaste de Kharkiv
Au programme : de la détente, loin des bombardements qui détruisent leur ville depuis deux ans. Toute la semaine, ils ont visité le zoo de la Citadelle, Nausicaa, ont participé à un City Tour et expérimenté la gastronomie française.
Parmi ces moments inoubliables, ils ont aussi eu l'opportunité d'assister à un match du LOSC et de rencontrer les joueurs.
Une chance, pour ces jeunes athlètes du club de gymnastique de Kharkiv. "Chez nous, on ne peut même plus s'entraîner, explique Anna, on doit aller dans une petite salle de gym, car la nôtre n'a plus de fenêtre".
La situation géographique de leur ville natale l'a placée aux avants postes de la guerre. Située proche de la frontière, elle subit régulièrement les assauts des bombes russes. Fin avril 2024, l'Ukraine déplorait plus de 37 000 disparus et 20 000 enfants déportés depuis le début de l'invasion.
Pour les sportifs, impossible de suivre l'hygiène de vie à laquelle ils aspirent : "Ici, je peux dormir, estime une judokate, en Ukraine, je dors dans un couloir avec ma sœur et ma mère, pour être éloignée des fenêtres au cas où elles exploseraient."
Une parenthèse de la guerre
Le sommeil, mais aussi l'hypervigilance, empêchent la bonne concentration des jeunes athlètes : "je dois toujours surveiller le bruit, pour savoir si je dois aller me cacher dans la cave", souffle Ihor, judoka.
L'émotion est trop forte pour l'entraîneuse des filles gymnastes, Olena Filenko. La cinquantenaire aux traits fatigués ne peut retenir ses larmes : "c'est vraiment difficile, notre salle a été bombardée, alors on fait comme on peut."
Bien que leurs conditions d'entraînement se soient dégradées, les adolescentes n'ont pas voulu abandonner leur sport. Une ténacité qui force l'admiration de leurs homologues françaises : "à leur place, je pense que j'aurai arrêté", confesse l'une d'elles.
On oublie un peu la guerre, on dort normalement et on peut se sentir comme une enfant normale.
Une jeune judokate ukrainienne
Alors les Français ont tout fait pour rendre le séjour de leurs amis transfrontaliers reposant. Et l'objectif est réussi, selon Anastasia, gymnaste à Kharkiv : "on oublie un peu la guerre, on dort normalement et on peut se sentir comme une enfant normale".
Seul obstacle à leurs liens : la langue. Alors, les judokates ont su être inventives. "J'ai deux amies françaises, sourit une jeune sportive de Kharkiv, on parle avec Google traduction, elles essayent d'apprendre l'ukrainien." Dans leur conversation, la vie quotidienne, le plat du midi et l'activité du soir. Tous cherchent à garder la guerre loin de leurs esprits.
Une longue amitié avec la ville ukrainienne
Ce n'est pas la première fois que Lille se pose en soutien de Kharkiv depuis le début de l'invasion Russe en février 2022. Envois de colis d'hygiène, d'aliments et de médicaments, et désormais accueil des enfants, Lille ne manque pas de soutenir sa jumelle ukrainienne.
Car les deux villes sont unies par un lien indéfectible : jumelées en 1978, elles s'accordent une grande empathie mutuelle. Marie Pierre-Bresson, adjointe à la coopération décentralisée de la mairie de Lille, est venue réaffirmer ce lien fort : "la mission d'une ville amie est de répondre aux demandes de l'autre. Quand Kharkiv nous a demandé d'accueillir ces enfants, on ne pouvait rien répondre d'autre que oui."
Le séjour est un succès, pour les Lillois qui ont pu concrétiser leur amitié pour les Ukrainiens, pour les sportifs qui ont pu échanger sur leurs pratiques, et surtout pour les enfants venus de Kharkiv, heureux de trouver un peu de sérénité.
Cette initiative ne devrait pas s'arrêter là, Marie Pierre Bresson indique que d'autres projets sont en discussion, pour accueillir des sportifs de Kiev et d'autres villes pendant l'été.