Poussiéreux ou humide, accrocheur ou glissant… A chaque édition du Paris-Roubaix, son style et ses souvenirs. Nous avons choisi trois dates anniversaires pour vous raconter cette folle épreuve. 1973, 1983 et 2003. Trois moments où s'est écrite la légende.
La 120ème édition du Paris-Roubaix se profile. Un chiffre tout rond qui nous a semblé une belle occasion de se souvenir de trois dates anniversaires. Il y a 50 ans, la boueuse année 1973 marquée par la troisième victoire du cannibale Eddy Merckx. Il y a 40 ans, l'édition 1983 avec la persévérance d'Hennie Kuiper. Il y a 20 ans, le doublé de Peter Van Petegem, victorieux du Tour des Flandres et du Paris-Roubaix. De boue, de poussières et de pavés. Ainsi est faite l'histoire du Paris-Roubaix.
1973 : la troisième victoire du Cannibale
En ce mois d'avril 2023, il se sent en forme. La veille, il a encore roulé. "Pas sur les pavés, plaisante-t-il, c'est exclu !" Cinquante ans après sa dernière victoire sur le Paris-Roubaix, Eddy Merckx revient sur les traces d'un de ses plus beaux succès. Le cannibale est à Camphin-en-Pévèle dans le Nord pour inaugurer officiellement une stèle à son nom.
Eddy Merckx a marqué en profondeur la Reine des classiques. "Je ne fais pas souvent des manifestations de ce genre, mais pour moi, Paris-Roubaix, c'est vraiment inoubliable". Le coureur belge a remporté l'épreuve à trois reprises : 1968 avec le maillot de champion du monde, 1970 avec plus de 5 minutes d'avance, mais surtout 1973.
Cette dernière date, il ne l'a jamais oubliée : "En 1973, le Paris-Roubaix, c'était vraiment l'enfer du Nord". L'édition est boueuse, "épouvantable" se souvient Eddy Merckx. "A un moment donné, j'ai cru que j'avais cassé ma fourche et je me suis retourné comme une crêpe. C'était à cause de la boue et des conditions atmosphériques qui étaient vraiment atroces".
J'ai vraiment souffert. Quand on gagne, on se croit au paradis, mais quand on est sur le vélo, c'est vraiment l'enfer. On souffre. Après Paris-Roubaix, les articulations le lendemain, on est vraiment cassé en deux.
Eddy Merckx dit "le cannibale"
En écoutant les commentaires de l'époque, on ressent cette légende en train de s'écrire. La tranchée d'Arenberg est déjà passée. Seuls 17 coureurs bataillent encore en tête. L'explication entre les ténors commence. Eddy Merckx pousse. A 40 kilomètres de l'arrivée, il distance son compatriote Roger De Vlaeminck.
"Et c'est le récital", s'enflamme le commentateur. "Le morceau de bravoure de Monsieur Merckx. Un Merckx plus fort que jamais. Merckx est parti où il l'a voulu, quand il l'a voulu et personne n'a pu le suivre. On s'est habitué aux coups d'éclat d'Eddy Merckx mais on ne se lassera jamais d'admirer cet homme qui, à chaque fois, a élevé le débat à des niveaux jamais atteints. Merckx sort grandi de cette course démoniaque. Oui merci Eddy Merckx pour cette magnifique journée, nous ne l'oublierons jamais !" L'enthousiasme d'une époque.
1983 : la crevaison et la persévérance
A la veille de cette 120ème édition du Paris-Roubaix, un autre nom de légende est revenu dans la région. Il s'appelle Hendrikus Andreas Kuiper, dit Hennie Kuiper. En ce 6 avril 2023, il pose fièrement à côté d'une œuvre dressée en son honneur à Hem il y a 20 ans. Un autre champion est présent, le Nordiste Alain Bondue.
Hennie Kuiper a fini 6ème en 1978, 3ème en 1979 et une nouvelle fois 6ème en 1981. Mais son année, celle qu'il n'oubliera jamais, c'est 1983.
A l'époque, le cannibale n'est plus engagé sur le Paris-Roubaix. La Reine des classiques est alors dominée par deux noms : le Belge Roger De Vlaeminck et l'Italien Francesco Moser. Réputé dur au mal, Hennie Kuiper fait preuve d'une détermination sans faille. Pourtant, comme souvent sur l'épreuve, rien n'est simple cette année-là.
Le Paris-Roubaix, c'était ma course.
Hennie Kuiper, vainqueur de l'épreuve en 1983.
Elancé dans sa course, Hennie Kuiper ne voit pas un nid de poule en bord de route. Il déjante. Le coureur néerlandais se met alors à crier pour avoir un vélo de remplacement. Il s'agace mais rien ne vient. L'écart avec les poursuivants se réduit dangereusement. Quand son vélo arrive, tout est à refaire… ou presque.
Là encore, les commentaires des journalistes de l'époque démontrent l'intensité du moment : "Allez, on lui redonne un vélo et ça repart… mais avec 200 mètres, 300 mètres d'avance. Qu'importe… Duclos-Lassalle et Moser s'emploient à combler l'écart. Ils ne reverront plus Hennie Kuiper qu'une fois la ligne d'arrivée franchie. Et c'est la troisième manifestation qui permet de dire que le Hollandais était le plus fort. Un Hollandais exemplaire dans son métier et un beau champion". Une de plus pour Hennie !
2003 : le doublé Tour des Flandres et Paris-Roubaix
Changement d'époque en 2003. Il y a 20 ans, les regards sont rivés sur un Belge (encore un !). Johann Museeuw a déjà remporté le Paris-Roubaix à trois reprises. Cette année encore, il fait partie des favoris.
C'est sans compter sur les rebondissements de la Reine des classiques. Johann Museeuw crève laissant un boulevard à ses prétendants. La victoire est pour un autre Belge "impressionnant de puissance" selon les journalistes de l'époque. Il s'appelle Peter Van Petegem. Mais là encore, rien n'est vraiment dû au hasard. En 2003, le Belge vient de remporter le Tour des Flandres.
Cette année 2003 est exceptionnellement sèche sur le parcours. "Un Paris-Roubaix aux allures de Paris-Dakar", scande un commentateur. 190 coureurs sont engagés. Une poussière aveuglante s'élève des pavés.
Un épais brouillard a enveloppé le parcours masquant les pièges de la route. Résultat : des chutes en série. Glissades ou blessures plus graves. Seuls 63 coureurs seront classés à l'arrivée.
Un journaliste sur le Paris-Roubaix en 2003
Avec le beau temps, cette 101ème édition est très suivie. Peter Van Petegem n'entre pas seul dans le Vélodrome de Roubaix. Devant un public nombreux, il arrache la victoire au sprint final. "Après 6 heures de course dans un ultime effort, Peter Van Petegem ici en blanc s'impose au vélodrome de Roubaix, 7 jours après avoir remporté le Tour des Flandres. 260 kilomètres dans des conditions extrêmes. C'est inoubliable"
Dans un français hésitant, le coureur répondra aux questions des journalistes après sa victoire : "L'équipe était bonne. Je n'ai jamais eu de problème. C'était parfait !"