Le Parlement européen a adopté en première lecture, mardi 12 mars, un texte qui autorise des camions, pouvant mesurer jusqu’à 25 mètres, à rouler sur les routes de l’Union Européenne. On vous explique.
Les méga-camions : qu'est-ce que c'est ?
Aussi appelés les "giga-liners" ou "méga-trucks", ces camions sont constitués d'un conteneur auquel est attachée une remorque. Ils sont plus longs et plus lourds : jusqu’à 25 mètres de long, soit presqu'un terrain de tennis, pour 60 tonnes. À titre de comparaison, aujourd'hui, le code de la route autorise la circulation de poids-lourds mesurant au maximum 18,75 mètres, pour 44 tonnes.
Certains méga-camions sont d'ores et déjà en circulation dans des pays européens comme l'Espagne, la Suède, la Finlande, les Pays-Bas ou l'Allemagne.
À partir de quand en France ?
Le texte voté au Parlement européen doit encore être validé par le Conseil européen. Chaque État membre pourra ensuite accepter ou non le passage de méga-camions sur son territoire.
Du côté de la France, Patrice Vergriete, ministre des Transports et ancien maire de Dunkerque, s’est montré ferme dans un post publié sur X (ex Twitter) : "Après le vote du Parlement européen, la France redit son refus d'une libéralisation de la circulation internationale des camions de 44 tonnes et des 'mégatrucks'", précisant qu’il fallait privilégier le transport ferroviaire.
Après le vote du Parlement européen, la France redit son refus d'une libéralisation de la circulation internationale des camions de 44 tonnes et des "mégatrucks". Aujourd’hui la priorité est le report modal, en particulier vers le ferroviaire.
— Patrice Vergriete (@P_Vergriete) March 12, 2024
Quel impact sur l'environnement ?
"Le train, c'est bon pour le climat, c'est bon pour l'emploi", approuve Karima Delli, présidente de la Commission des transports et du tourisme au Parlement européen. Sur France Inter, l'eurodéputée du Nord dit redouter l'arrivée de "10 millions de camions en plus sur les routes en Europe" et donc "6 millions de tonnes de CO2 par an" de plus.
Karima Delli souligne aussi les possibles conséquences sur la sécurité routière : "La distance de freinage de ces engins est beaucoup plus importante, ce qui pourrait augmenter les risques d'accident routiers de 80%", assure-t-elle.
Un point de vue partagé par Pascal Canfin, président de la commission de l'environnement. "Ces camions sont des aberrations pour la sécurité routière, la décarbonation de la route et pour le ferroutage", a indiqué sur X l'eurodéputé Renaissance, originaire d'Arras.
❌ La semaine prochaine, nous voterons non aux méga-camions sur les routes 🇫🇷 et 🇪🇺.
— Pascal Canfin (@pcanfin) March 7, 2024
Ces camions sont des aberrations pour la sécurité routière, la décarbonation de la route, et pour le ferroutage. @DominiqueRiquet @hugoclement @franceinter https://t.co/y30LMfGfOQ
Les routes sont-elles adaptées ?
Pour Bruno Bernardi, président d’une société de transports basée dans l'Aisne et dotée de 300 poids-lourds, la circulation de méga-camions "ne serait pas une bonne chose" : "Lorsque l’on est passés des 40 à 44 tonnes, en France, en 2012, ça a déjà abîmé les routes."
Un ressenti confirmé par une étude du cabinet allemand D-Fine, consultée par l'AFP : "dix camions de 44 tonnes font plus de dommages que quinze de 40 tonnes".
Pour moi, le paysage routier ne le permet pas aujourd’hui. Il y a aussi la question de l’état des routes en France. Là, ça risque de les détériorer encore plus... Qui va payer ?
Bruno Bernardi, président d’une société de transports basée dans l'Aisne
"Tout le réseau n'est pas dimensionné", ajoute Olivier Arrigault, secrétaire général de la Fédération Nationale des Transports Routiers dans le Nord. "La circulation d'un méga-camion peut s'entendre sur l'autoroute, il n'y a pas de risque dans ces conditions. Mais si une sortie du réseau autoroutier est nécessaire, les ronds-points ou les carrefours sont susceptibles de poser des difficultés", relève cet élu qui souhaiterait "une phase d'expérimentation", avant de prendre position.
La France, tout comme les autres membres du Conseil européen, devra quant à elle donner son avis en juin prochain.