Manuel T., "Gilet jaune" valenciennois, a perdu l'usage de son oeil gauche : ce que l'on sait sur cette affaire

Que s'est-il passé ? Comment va la victime ? Où en est l'enquête ? D'où vient le tir ? Qui est la victime ? Voici ce que l'on sait sur l'affaire du tir de grenade qui a éborgné un Gilet jaune originaire de Valenciennes.

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Que s'est-il passé ? 


Si l'affaire a tant marqué les esprits, c'est sans doute en partie à cause des images. Manuel T. a perdu son oeil et on peut savoir précisément comment. La caméra type "GoPro" utilisée par l'homme en face de lui, Fred, un street medic, a permis de voir précisément le moment-clé du tir polémique. On assiste à une conversation entre plusieurs manifestants. Manuel T. parle tranquillement avec 3 autres manifestants et sa compagne, Séverine. Pas de violences, pas de forces de l'ordre aux alentours.

"Ça pétaradait au loin mais la zone autour de nous était relativement tranquille. On discutait ensemble des conditions de la manifestation. On trouvait ça ahurissant que les autorités aient autorisé la manifestation ici, alors que la place était en chantier, avec des palettes à disposition et une tractopelle", raconte Fred à Checknews.

Tout à coup, on aperçoit un projectile atteindre son oeil à une grande vitesse. "Manu" s'écroule, se tient l'oeil. Fred, le street-medic, le prend en charge : "J'ai, j'ai, assieds-toi là..."

"Je l'ai vu tout de suite mettre ses mains (sur l'oeil) et du sang gicler de partout... On ne l'a pas vu arriver. En général, c'est lancé en hauteur, on a le temps d'évaluer où ça va tomber. Là, c'est arrivé droit dans son oeil, on n'a rien pu faire. Pour moi, c'était destiné à quelqu'un", affirme sa compagne.
 
 

Comment va "Manu", le "gilet jaune", victime de la grenade ? 


Dès le départ, les médecins qui l'ont examiné lui ont indiqué qu'il serait difficile de sauver son oeil gauche. Une intervention chirurgicale pratiquée ce lundi à l'hôpital Huriez l'a confirmé. Manuel T. a perdu définitivement l'usage de son oeil gauche.

"Le globe a été coupé à cause de la violence de l'impact. Les os sont fracassés, du coup, ça ne tient plus le globe oculaire. Il a maintenant l'oeil bandé. Par la suite, il devra sûrement mettre une prothèse. Il souffre beaucoup...", témoigne Séverine au bord des larmes. "Il souffre énormément de maux de tête en plus de son oeil. Et moralement... il est comme on peut l'être quand on vient d'apprendre qu'on n'aurait plus l'usage de son oeil gauche", a-t-elle déclaré à la sortie de l'hôpital.

La compagne de Manuel T. se dit très choquée et remontée : "Je suis en colère, je suis révoltée. Je prends ça pour de l'injustice. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas comment, en se levant le matin, en montrant notre mécontentement pacifiquement, on perd un oeil. Juste parce qu'on espère vivre mieux..."
 


Des photos de l'œil du blessé, ont été diffusées sur les réseaux sociaux. Avec souvent, des messages de soutien : "Il était venu ce samedi 16 novembre 2019, manifester pacifiquement pour une vie meilleure... Pour que chacun d'entre nous, pour que chacun d'entre-vous puisse vivre décemment... puisse vivre mieux ! Aucun mot ne pourra soigner les maux de Manu et de ses proches ! A qui nous apportons tous notre soutien... Nous sommes profondément horrifiés, choqués, abasourdis..."


D'où vient ce tir qui fait polémique ? 


Une certitude : Manuel T. n'a pas reçu de LBD, comme d'autres manifestants ces derniers mois. Le projectile serait "une grenade MP7", a indiqué David Le Bars, secrétaire du syndicat des commissaires de police (SCPN), sur le plateau de LCI, lundi. "C'est une grenade lacrymogène. Une fois qu'elle claque, elle diffuse du lacrymogène pour disperser une foule", précise-t-il. Ces grenades lacrymogènes peuvent être lancées à la main ou par un lanceur de grenades.
 


Cette information n'a pas été confirmée officiellement mais l'étude des images confirme qu'il pourrait bien s'agir de ce type de projectile. Ces grenades doivent être utilisées après sommations, sauf en cas de violences contre les forces de l'ordre, comme le détaille le code de la sécurité intérieure. "C'était un tir droit alors que c'est censé être des tirs cloche pour exploser avant de retomber, s'est étonné Séverine, la compagne de Manuel T.. Pourquoi à hauteur d'homme ? On ne comprend pas. La grenade a éclaté juste après l'impact sur Manu. Je n'ose même pas imaginer si elle avait éclaté au moment de l'impact."

Pour l'instant, rien ne permet de dire que ce projectile a été tiré par les forces de l'ordre. Le syndicat des commissaires émet même l'hyopthèse d'un tir de manifestant : «Cette grenade n'est pas forcément tirée par les forces de l'ordre. Si elle est ramassée et qu’elle n’avait pas explosé avant, elle peut aussi être lancée par un individu qui n'est pas dans les forces de l'ordre. […] Elle doit être lancée à terre pour diffuser le gaz quand elle explose, soit avec un fusil COUGAR en tirs obliques, et dans ce cas-là, la grenade doit arriver par-dessus», indique David Le Bars, le patron du syndicat des commissaires.

Une vidéo publiée ce mardi après-midi par la page Facebook Steet medic 21 propose un autre angle de vision. Avec ce commentaire : "Nous avons récupéré ce jour une vidéo qui permet de voir un départ de cartouche de lacrymo. Si c'est bien celle-ci le tir est bien en cloche donc réglementaire. Ça n’enlève rien au fait qu’un homme, Manu, à ce samedi 16 novembre place d’Italie très probablement perdu un oeil en discutant sur une place au cour d’une manif sans être dans une situation qui justifiait la moindre violence à son encontre…"
  

Où en est l'enquête ? 


Lundi, le préfet de police de Paris avait annoncé qu'il allait saisir l'IGPN, "à la demande du ministre de l'Intérieur", après la diffusion de la vidéo. De son côté, le parquet de Paris a ouvert une enquête judiciaire pour "violence par personne dépositaire de l'autorité publique avec armes ayant entraîné une interruption temporaire de travail de plus de huit jours" .
 

De leur côté, Manuel et Séverine vont porter plainte dans les prochains jours : "Évidemment, on va porter plainte, il est hors de question de laisser passer ça", a précisé Séverine D. "Il y a déjà eu assez d'éborgnés qui n'ont rien pu prouver. Là, on a la preuve, on ne peut pas dire qu'il était en train de faire quelque chose qu'il ne fallait pas, il était tranquille, il s'est fait blesser alors qu'il ne le méritait pas". 

Les manifestations de samedi, marquant le premier anniversaire des "gilets jaunes", ont été émaillées de scènes de chaos dans certains quartiers de la capitale. Selon le décompte du journaliste indépendant David Dufresne, 24 personnes ont été éborgnées depuis le début de ce mouvement inédit de contestation sociale.
 

Qui est Manuel T. ?


On sait peu de choses sur lui. Il a 41 ans. Il a participé à de nombreuses manifestations de Gilets jaunes depuis le début de mouvement, dont deux à Paris (celle de samedi et une autre auparavant). Il a 4 enfants. Sa compagne aussi.

Sur leurs profils Facebook, ils publient régulièrement des messages de soutien au mouvement des "Gilets jaunes". Ils disent militer pour "vivre mieux".
 

"On travaille dur, explique Séverine. On aimerait pouvoir vivre, et pas juste survivre. Nos enfants ne manquent de rien, mais on travaille, on paye, on ne fait que ça. On trouve ça injuste de perdre un oeil pour ça. C'est notre droit de manifester pacifiquement, pour exprimer notre mécontentement."

 
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