Un préavis de grève a été déposé pour le 7 janvier 2023 aux Urgences de l'hôpital de Creil. En cause, un manque de personnel et de lits qui se traduit par une lassitude, une détresse psychologique et des arrêts maladie à répétition.
"Je n'imagine pas une ville de Creil sans Urgences", lance une patiente. Une autre note que "s'il n'y avait pas eu les Urgences, mon fils, aujourd'hui, je ne sais pas ce qu'il serait devenu".
Si les Urgences sont vitales, celles de l'hôpital de Creil tirent la sonnette d'alarme depuis déjà plusieurs années. Le personnel est épuisé, lassé et en détresse psychologique. En cause, des effectifs de plus en plus réduits et des lits fermés, le tout combiné à une triple épidémie Covid, grippe et bronchiolite, rendant la prise en charge de la patientèle extrêmement difficile.
Le service est au bord de l'effondrement. Les syndicats ont donc décidé de déposer un préavis de grève pour le 7 janvier 2023 afin de réclamer plus de lits, de meilleurs salaires et le retour de la maternité qui a été fermée en 2019.
Manque de personnel et de lits
"Le préavis arrive pour alerter sur une situation qui est le manque de personnel, mais surtout le manque de lits qu'on a fermés depuis des années", lance Loic Pen, médecin urgentiste et ancien chef des Urgences de l'hôpital, poste qui a disparu en 2018 après sa démission. Le personnel est "épuisé, on a des arrêts en cascade".
Pour vous donner une échelle, lundi il y avait 3 infirmières sur les 10 prévues. Hier, il devait y en avoir 5 et aujourd’hui, il y en a 6. En gros, on n’est plus capables de travailler en sécurité, faute de personnels.
Loïc Pen, médecin urgentiste
Certes, les épidémies jouent un rôle, "tout comme le Covid a joué un rôle, évidemment", mais aujourd'hui, il dénonce une problématique "structurelle". Il souligne que cela fait "des années qu'on ferme des lits, et là il est urgent d'en rouvrir".
La situation vécue par cet établissement de santé se pose aussi dans "toute la France", mais Creil se trouve dans une condition "particulièrement brutale et qui nécessiterait d'arrêter les arrivées aux Urgences".
Pour lui, en laissant ouvert ce service "on ne prend pas toutes nos responsabilités" car les patients ne sont "plus capables d'être complètement en sécurité. Il faudrait arrêter, le temps de régler le problème et garder le personnel pour les patients" hospitalisés à l'intérieur des Urgences. "Il y en avait une trentaine ce matin, ce qui n'est pas normal, il devrait y en avoir zéro", insiste-t-il.
"On alerte depuis très longtemps"
Pour Sylvie Poiret, déléguée CGT, "le gros souci, c'est que depuis très longtemps, on alerte, il y a des solutions qui ne sont pas pérennes et le personnel est arrivé à un point de non-retour".
Cela se traduit par "un épuisement" et "une souffrance" à la fois physique et psychologique. Car pour un soignant, ne pas pouvoir "apporter ce qu'il faut aux patients, c'est un non-sens à son travail et c'est très mal vécu psychologiquement parlant". De plus, selon elle, il manque beaucoup trop de médecins et de paramédicaux en France.
Concernant les jeunes infirmiers qui prennent leur poste dans les Urgences, "il faut un profil d'urgentiste, que ce soit médical ou non-médical, ça ne vient pas comme ça en sortant de l'école". Ils doivent être "tutorés", mais le personnel soignant n'a pas le temps de le faire. "Les jeunes diplômés, même les vacataires qui viennent faire des remplacements, ils ne restent pas, ils repartent", se désole-t-elle.
Un plan blanc mis en place par l'Agence régionale de santé
Depuis lundi, l'Agence régionale de santé a demandé aux hôpitaux du département d'activer leur plan blanc. Celui-ci vise, entre autres, à décaler des opérations et à réquisitionner du personnel. Néanmoins, il n'est pas vu, ni pour Sylvie Poiret, ni pour Loïc Pen, comme une solution durable. "Le plan blanc, c'est une arme atomique normalement, c'est un attentat, une catastrophe, rappelle-t-il. Là, c'est quasiment utilisé quotidiennement parce qu'on est plus capables et on est obligés de décaler les opérations, c'est une régression terrible".
De son côté, Sylvie Poiret rappelle que nous sommes "à peu près sortis de la pandémie", mais que tout le monde "n'en est pas remis" parmi le personnel. "Vous travaillez toute l'année et vous n'avez peut-être pas une fête avec vos enfants et vos proches", regrette-t-elle.
Le plan blanc est prévu au départ pour déprogrammer des opérations, pour libérer du personnel médical et non-médical, pour remplacer sur des Urgences, mais ça ne peut pas durer non plus éternellement.
Sylvie Poiret, déléguée CGT
Revaloriser la profession
Loïc Pen pointe également du doigt la réélection des "mêmes" qui n'arrange pas la situation de l'hôpital public et fait perdurer les problématiques qu'il observe. "On n'attend rien des pouvoirs publics sans rapport de force, donc on fera cette manifestation" prévue le 7 janvier à 14h30 pour exprimer "notre désaccord avec la politique qui est menée actuellement par les Macronistes."
Parmi les pistes envisagées pour revaloriser la profession, il faudrait rendre le métier "plus attractif". D'abord, par les salaires car "on a les infirmiers les moins bien payés parmi l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) et puis par les conditions de travail", note Loïc Pen.
Autre point indispensable : "il faut rouvrir des lits, rouvrir des capacités" et mettre en place un plan de formation d'infirmiers, demandé depuis plusieurs années, conclut-il.