Dans son livre autobiographique, "Vers la lumière", publié mardi 4 octobre chez Transversales Éditions, Teddy Fournier, jeune Isarien, raconte sans détour le long chemin qu'il a parcouru avant d'accepter sa cécité, survenue à l'âge de 14 ans. Rencontre.
Teddy Fournier n'a plus peur de dire ce qu'il ressent. Après cinq années de réflexion, le jeune homme de 29 ans originaire de Breteuil, dans l'Oise, s'est lancé. Le 4 octobre, en cette journée nationale des aveugles et des malvoyants, il publie son premier livre chez Transversales Éditions. Un récit autobiographique, en collaboration avec l'écrivaine publique Céline Weissier. "Vers la lumière". Un titre évocateur pour celui qui a perdu la vue à 14 ans. "La lumière c’est être vivant, montrer qu’on existe, qu’on n’est pas oublié. Mais voir la lumière me manque aussi", souligne Teddy.
À l'époque, l'adolescent vit dans le déni total de sa cécité, qu'il cache à ses proches pendant plus de trois mois. D'une peur de s'exposer, naissent de la colère, de la tristesse, et de la violence. "Je voulais de l'aide, mais je ne savais pas comment l’expliquer. J'avais l'impression que personne ne me comprenait. Je me sentais seul et j'avais peur", confie-t-il.
Grâce à sa famille et ses amis, sa fille Lily-Rose, l'aide de sa compagne Tracy, sa chienne guide Idylle, mais aussi grâce à la boxe et à une foi grandissante, Teddy apprend à accepter son handicap, à s'apaiser et à prendre confiance en lui. Dans ce récit sans fard, le jeune homme dévoile ses sentiments et ses émotions, sans chercher à cacher les parts les plus sombres de sa vie, comme l'alcool dans lequel il se noie pendant quelque temps.
Mise à nu
Le récit de ses souvenirs est vif, les sentiments qui les accompagnent précis. "Ado, je n'avais pas les moyens d’écrire, mais j’ai toujours eu une bonne mémoire. Même quand j’avais la vue. Et ces passages de ma vie ont été si durs que je m’en souviens", détaille Teddy. À l'été 2007, lorsqu'il commence à perdre progressivement la vue, il cherche des solutions et invente des stratagèmes pour le cacher. Il se "prépare mentalement, sans [s]’en rendre compte" à devenir aveugle. Il commence ainsi à développer un autre sens, l'ouïe. Elle lui sert à se repérer dans l'espace et à tromper son monde.
Je m’adresse à tous ceux qui m’ont jugé sans me connaître, à ceux à qui j’ai fait du mal, et à ma fille pour qu'elle comprenne mes choix.
Teddy Fournier, auteur de "Vers la lumière" (Transversales Éditions)
Mais cacher son lourd secret lui pèse. Teddy devient agressif et violent verbalement, notamment avec sa famille. Lorsque le diagnostic tombe et que les médecins expliquent à ses parents que, bientôt, "[leur] fils ne verra plus rien" car ses nerfs optiques s'opacifient, il rejette la pitié des autres et l'affection de ses proches. Une attitude qu'il regrette amèrement aujourd'hui. S'il pouvait s'adresser au Teddy de 14 ans, il lui dirait : "Arrête tes conneries. T'es qu'un pauvre type. Dis plus souvent je t'aime à ta mère et à ton père", lâche-t-il sans hésitation. "Je me donnerais des claques. J'ai perdu plein de copains avec le handicap, mais aussi à cause de ma colère", réalise-t-il aujourd'hui.
Si Teddy a écrit ce livre, c'est pour "montrer [qu'il a] existé" et dire aux autres que "derrière chaque obstacle, il y a une réussite". "Je m’adresse à tous ceux qui m’ont jugé sans me connaître, à ceux à qui j’ai fait du mal, et à ma fille pour qu'elle comprenne mes choix. C'est aussi une façon de m’excuser auprès de ceux qui ont voulu m’aider", avoue-t-il.
Un travail d'équipe
La vie de Teddy semble parsemée de binômes. Celui qu'il forme avec Cédric, dit Kerel, tout d'abord. Ils se rencontrent en 2009 et avec lui, il y a deux ans, il donne sa première interview vidéo dans laquelle il raconte son histoire. Par la suite, ils continueront de créer de la musique ensemble. "C'est une échappatoire. On fait un vrai travail d’équipe avec Cédric, ça m’a beaucoup aidé", admet-il.
En 2014, c'est sa chienne guide Idylle qui débarque dans sa vie. "Elle m'a permis de commencer à m'assagir, l'avoir voulait dire que j'avais évolué. Idylle est mon amie, elle m'a fait me sentir aimé, et elle m'apporte beaucoup de réconfort", observe-t-il.
Dans son livre, Teddy décrit la naissance de sa fille, Lily-Rose, comme "un séisme". "Quand je l’ai prise dans mes bras, j’étais comme un gamin qui vivait quelque chose de magique. Elle a donné un sens à tout", résume-t-il. Il est aussi très reconnaissant envers Tracy, sa compagne, son "trèfle à quatre feuilles", qui l'a poussé à se rapprocher d'une écrivaine pour raconter son histoire. Avec Céline Weissier, il a trouvé un nouveau binôme, d'écriture cette fois-ci, auquel il a pu raconter toute sa vie "sans jugement" aucun.
Continuer de rêver
La nuit, Teddy rêve. "J'aime ça. Dans mes rêves, je vois. Je conduis une voiture, j'arrive à m'évader. J'imagine Tracy et Lily-Rose. Je revois le visage de mes parents, mais ils restent jeunes", note-t-il en riant. Quand il avait encore la vue, Teddy rêvait d'avoir "une moto, une bagnole, de partir à l'armée ou de devenir carrossier", mais aujourd'hui, ses rêves ont changé. Il souhaiterait travailler dans le domaine des espaces verts, "de l’animation avec des personnes âgées" ou créer "des groupes de parole avec des jeunes".
À 29 ans, Teddy reconnaît que son handicap "n'est plus un frein", excepté dans le monde professionnel. "Les gens ont beaucoup de stéréotypes, ils ne voient pas que je peux être à l’aise, que je peux faire des choses", regrette-t-il. Actuellement à la recherche d'un emploi, Teddy est bénévole dans une épicerie solidaire et auprès de personnes âgées. Il fait également de la sensibilisation au handicap dans les écoles. Avec son livre, Teddy aimerait être "une source de motivation" pour toutes les personnes qui, "sans s'en rendre compte, parfois, s'échappent".