L'inflation et la hausse des charges locatives consécutive à celle des prix de l'énergie pèsent sur le budget des ménages, même sur celui des classes moyennes. Dans l'Oise, Hélène, en invalidité, et Jean-Pierre, retraité, font très attention à leurs dépenses et ne s'accordent plus aucun plaisir.
"Il n'y a plus d'achats plaisir, plus de vacances, pas de loisirs, pas de restaurants. [...] Je compte absolument tout." Hélène, en invalidité depuis 2017, ne s'en sort plus malgré des ressources s'élevant à un peu plus de 2 000 € par mois. Locataire d'un appartement à Compiègne (Oise), elle doit faire face à une augmentation sans précédent de ses provisions de charges. Son loyer est ainsi passé de 800 à 1 040 € en quelques années.
"C'est impossible de payer tout ça d'un coup"
S'ajoutent à cela des régularisations de charges de plus en plus importantes. "En 2020, je leur devais 122 €. En 2021, 994 €. Et en 2022, 1 451 €. On a envie de pleurer. C'est impossible de payer tout d'un coup." Hélène a donc demandé à son bailleur un échéancier. Une requête pour laquelle elle n'a toujours pas eu de réponse. Il y a quelques jours, elle a même reçu un courrier de mise en demeure.
Dès que je trouve une promotion intéressante, j'en profite.
Hélène, locataire d'un appartement à Compiègne
Afin d'éponger une partie de ses dettes chaque mois, elle doit donc tout compter. "J'établis un budget mensuel. Je suis mensualisée grosso modo sur toutes mes factures. [...] Dès que je trouve une promotion intéressante, j'en profite. J'essaie aussi de profiter du système de cashback", explique Hélène. Elle rogne également sur l'alimentation en supprimant la viande rouge et le poisson ou encore sur l'eau chaude, qu'elle n'utilise plus qu'à de rares occasions.
Des classes moyennes endettées
"Le but est de tenir mon budget et surtout que je sois bien à zéro à la fin du mois", résume Hélène, qui est très inquiète pour son avenir. En cas de dépenses imprévues, et sans argent de côté, elle a peur de se retrouver "bloquée". Elle a donc décidé d'adhérer à l'association CLCV (Consommation logement cadre de vie), qui accompagne les consommateurs, car elle ne parvient pas à régler ses dettes.
On est très préoccupés par l'endettement qui ne concerne plus seulement les personnes les plus modestes, mais qui commence à toucher des catégories dites moyennes.
Jean-Marie Brignon, trésorier départemental CLCV Oise
Cette hausse des charges et ses conséquences, la CLCV la constate au quotidien. Depuis la crise sanitaire du Covid, la situation ne fait que s'aggraver, en particulier en 2022 et 2023. Avec la crise de l'énergie, le poste logement est celui qui a le plus augmenté en raison de la hausse des prix du chauffage et de l'eau chaude, sans parler de l'alimentation et du carburant.
"On est très préoccupés par l'endettement qui ne concerne plus seulement les personnes les plus modestes, notamment les locataires HLM, mais qui commence à toucher des catégories dites moyennes. Environ 40% des locataires ont eu au moins un impayé dans l'année 2023", expose Jean-Marie Brignon, trésorier départemental CLCV Oise.
Plus de cinéma, ni de vacances en mobile home
Et même les classes aisées commencent à sentir les effets de l'inflation sur leur quotidien. Avec une retraite très confortable de plus de 4 000€ par mois, Jean-Pierre Théry pensait couler des jours heureux dans sa résidence de Senlis (Oise). C'était sans compter sur une hausse de ses factures et une régularisation de charges importante, qu'il conteste.
Installé dans son appartement depuis 2008, Jean-Pierre Théry a fait ses calculs. En 16 ans, ses charges ont augmenté de plus de 56%. Ses factures d'énergies ont explosé : + 144% entre 2008 et 2024. Et son loyer est passé de 743 à 987€. En parallèle, sa retraite n'a augmenté que de 13%.
Ma vie se concentre dans l'appartement, ça évite des dépenses.
Jean-Pierre Théry, retraité et locataire d'un appartement à Senlis
Ce retraité de la fonction publique et sa femme, qui ne touche qu'une toute petite retraite, doivent désormais se restreindre et faire des choix. Non seulement sur l'alimentation, mais aussi au quotidien, dans la maison. "On fait plus attention à l'utilisation de l'électricité, j'essaie de couper le maximum d'appareils le soir et on essaie de choisir des périodes creuses pour faire tourner certaines machines", illustre-t-il. Le couple est également vigilant quant à sa consommation d'eau, et en particulier d'eau chaude.
Le pôle loisirs en pâtit aussi. Fini le cinéma et le vélo pour Jean-Pierre. "Ma vie se concentre dans l'appartement, ça évite des dépenses." Le couple a également renoncé à ses vacances. "On a eu un mobile home pendant 33 ans. Avant, je partais environ six mois par an, mais en 2018, j'ai arrêté. Le coût était devenu excessif. On avait 8 000€ de location de terrain par an, sans compter les frais de déplacements", explique-t-il.
Malgré les difficultés, Jean-Pierre tient aujourd'hui à aider ses voisins dans leur combat contre cette hausse des charges, car il s'estime, malgré tout, plus chanceux que d'autres.
Avec Camille Di Crescenzo / FTV