PORTRAIT. "Je sens bien que mes clients sont heureux", découvrez le métier de sellier-garnisseur

C'est un métier en voie de disparition, celui de sellier-garnisseur. La fabrication de la sellerie automobile est une tradition française qui demande un savoir-faire artistique. Patience et précision sont les mots-clés de Nicolas Cliquennois, installé à Laventie, dans le Pas-de-Calais. Il a décidé de perpétuer cette tradition. (Première publication le 09/06/2023).

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En entrant dans l'atelier du "Chas Noir", installé au fond d'une cour, au cœur de Laventie, on a l'impression de faire un bond dans le temps. Entre une vieille 4L qui attend sa restauration, un side-car des années 30 qui lui n'attend que ses passagers et la MGB qui rêve de reprendre la route, tout est fait pour vous donner l'envie de retourner dans le passé de nos belles anciennes.

Le maître des lieux, c'est Nicolas, lunettes larges sur le nez, regard affûté, ciseaux à la main, il coupe une peau de cuir pour l'intérieur d'une vieille Porsche 911 des années 80 et ce n'est pas le moment de trembler. Le geste doit être précis, à 450 euros la peau, il en faudra au moins 3, plus 6 m2 de moquette pour cette voiture mythique que son client lui a confiée. Alors, pas question de se louper, il reste concentré.

Sur l'établi, Nicolas dispose ses peaux de cuir et vérifie chaque centimètre carré à la recherche du moindre défaut. Il nous explique pourquoi il faut bien choisir la peau à travailler.

"Une peau représente 4,5 m2 environ et comme c'est une peau animale, il y a parfois des cicatrices, des brûlures, il faut donc faire très attention à bien choisir les morceaux à travailler pour obtenir une sellerie parfaite. Contrairement au simili cuir, dans une peau animale, il y a parfois de la perte.", explique Nicolas Cliquennois. 

Mais avant, il faut démonter tous les sièges du véhicule en évitant de toucher la carrosserie en les sortant, les déhousser sans les abîmer car les anciennes peaux serviront de gabarit aux nouvelles. Idem pour les moquettes, c'est un long chantier qui attend notre sellier.

Un ouvrage fastidieux, car refaire l'intérieur complet d'une voiture peut prendre 70 heures de travail et c'est encore plus long sur les voitures d'avant-guerre, de construction plus artisanale. Les techniques de restauration sont plus complexes et il faut absolument éviter la casse lors du démontage.

"Quand on refait l'intérieur d'une voiture ancienne, il faut faire attention à ne pas casser les pièces en plastique ou en bois, qui parfois sont introuvables et donc très chères. Certains collectionneurs en profitent aussi pour remplacer des pièces usées lors de la restauration, je préfère les prévenir avant", termine Nicolas.

Pour une restauration intérieure d'un véhicule de prestige comme cette Posrche 911, comptez entre 7 000 et 8 000 euros, tout en sachant que la voiture prendra encore plus de valeur au fil des années. Nicolas restaure aussi les sièges de motos, de bateaux, de camions, de camping-cars et plus rarement de l'ameublement.

Il ajoute que le cuir est cher, mais que certains tissus peuvent l'être aussi, surtout si l'on veut retrouver l'aspect d'origine du véhicule. Si vous avez une auto à petit budget, comme une 4 CV ou une 4 L, il faut bien réfléchir avant de vous lancer dans une restauration intérieure, à moins de pouvoir dépenser sans compter ou être vraiment amoureux de votre belle ancienne.

La passion dans la peau

D'où vient l'intérêt de Nicolas pour ce métier ? Peu de temps après avoir obtenu son permis de conduire, il achète sa première voiture, une Mini Austin et c'est la révélation. Il découvre la passion de restaurer les vieilles autos, il nous raconte son aventure.

"Au fil de mes restaurations de véhicules, je me suis pris de passion pour les intérieurs et de plus, il y avait peu de monde sur ce créneau. C'est alors qu'à 22 ans, j'ai décidé de faire une formation de sellier durant 9 mois, dans un centre d'apprentissage à Decazeville dans l'Aveyron", ajoute le sellier de Laventie.

Durant sa formation, Nicolas apprendra toutes les techniques du travail du cuir et de la couture avant de rejoindre une entreprise pour continuer à enrichir son savoir. Mais depuis 4 ans, il s'est installé à son compte et sa notoriété ne cesse de grandir. Alors quand on lui dit que d'ordinaire, la couture est un métier surtout exercé par les femmes, il botte en touche. Il explique que dans le monde de la sellerie automobile, ce sont surtout des hommes qui se cachent derrière les machines à coudre, mais pour lui ce n'est pas la couture qui est la plus compliquée dans ce domaine.

Ce qui est important dans la restauration de sièges de voitures, c'est surtout de s'imaginer la pièce en 3 dimensions. J'ai pu constater durant ma formation que beaucoup de personnes avaient du mal à l'intégrer. De ce côté-là, je n'ai pas de problème, c'est même un de mes atouts.

Nicolas Cliquennois, sellier-garnisseur à Laventie

La satisfaction du travail bien fait

Pour Nicolas, le client doit repartir avec un intérieur bien fini et de qualité, c'est sa carte de visite. Il y a de moins en moins de selliers et les plus anciens ferment sans même passer la main. C'est un métier exigeant qui requiert du sérieux et de la confiance. Confier un véhicule ancien pour une restauration, c'est parfois compliqué, il y a un attachement, des souvenirs, c'est souvent très sentimental. Il faut donc trouver le restaurateur qui lui-même se passionne pour les belles anciennes.

Nicolas avoue modestement que parfois, quand certains de ses clients viennent récupérer leur voiture restaurée, ils aiment toucher, presque caresser le cuir ou le tissu fraîchement posé, une renaissance pour eux et souvent les visages s'illuminent.

Il y a des clients qui expriment leur satisfaction avec un large sourire, d'autres sont plus dans la retenue mais je sens bien qu'ils sont heureux de retrouver leur voiture plus belle qu'avant. Pour moi, c'est une récompense et ça me motive encore plus à me dépasser et à aller plus loin.

Nicolas Cliquennois, sellier-garnisseur à Laventie

Aller encore plus loin

Nicolas ne veut pas s'arrêter là. Curieux, il veut continuer à enrichir son savoir dans le milieu de la restauration automobile.

"J'ai envie d'aller plus loin, essayer le travail de tôlerie, façonner des pièces, mais aussi pouvoir fabriquer des structures de sièges et continuer à restaurer des véhicules comme ma Chenard & Walcker Y10 de 1932, j'ai mis 5 ans pour la refaire entièrement. Après avoir eu une mini, une estafette, une MGB et quelques motos, je m'intéresse aux véhicules d'avant-guerre. C'est vraiment l'origine de la voiture et les premières créations qui me passionnent aujourd’hui.", ajoute Nicolas Cliquennois.

Avec Mustapha Nezzari / FTV

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