Des bâtons dans les roues des steaks végetaux. Le gouvernement a publié ce mardi 27 février 2024 un décret interdisant aux alternatives végétales produites en Fance d'utiliser des dénominations bouchères comme "saucisses" ou "merguez". Une décision largement constestée par les acteurs du secteur comme cette entreprise près de Douai qui a lancé une campagne de publicité parodique.
Après l'interdiction des steaks végétaux, Accro rit jaune. Pour le fabricant du pas-de-Calais, le décret publié le 27 février au Journal Officiel est l'occasion de faire un pied de nez au gouvernement. Dans sa nouvelle campagne de communication, rapidement lancée à l'annonce de l'interdiction, la start-up française remodèle l'orthographe des célèbres spécialités bouchères qu'elle a l'habitude de reproduire en version végétale.
Une justification jugée "infondée"
Les boulettes, nuggets et steaks se muent en "boulaites", "neugâtes" et "stêques". Impossible désormais de les confondre avec leurs homologues carnés, s'amuse l'entreprise sur ses réseaux sociaux. Bien que déjà séparés dans les rayons, le végétal ayant obtenu avec son expansion son propre étalage, l'argument utilisé pour cette interdiction reste la "tromperie" du consommateur.
Les agriculteurs ont appuyé cette thèse lors du salon de l'agriculture, et la promesse du président a été tenue : le décret est publié avant même la fin de l'évènement.
Sur l'emballage on dit que c'est 100% végétal, à base de blé et de pois, il n'y a aucune volonté de tromperie.
Renaud Saisset, PDG d'Accro
Un non-sens pour Renaud Saisset, le PDG de l'entreprise Accro qui a installé sa première usine à Vitry-en-Artois il y a moins de deux ans. "Sur l'emballage on dit que c'est 100% végétal, à base de blé et de pois, il n'y a aucune volonté de tromperie", fulmine-t-il.
Pourtant dans les locaux de l'entreprise des Hauts-de-France, on s'est déjà creusé le crâne pour trouver des alternatives. Une campagne ironique qui veut montrer du doigt cette décision jugée "absurde" par les acteurs de la production de viande végétale française.
Voir cette publication sur Instagram
En trouver pour de vrai serait un casse-tête, si ce n'est une mission impossible pour les équipes, visiblement joueuses en temps normal :"être capable de décrire ce qu'est un steak ou une saucisse c'est extrêmement compliqué, on va devoir utiliser des phrases longues et complexes.", justifie le PDG.
Car en réalité bien que les produits ne contiennent pas de viande ces appellations véhiculent quand même une information pour le consommateur, rappelle Renaud :"l'objectif, c'est de montrer aux gens quelque chose qu'ils connaissent et comme ça ils savent directement comment le cuisiner".
Un sentiment d'injustice
Autre aspect de la décision critiqué par les principaux visés, l'interdiction ne s'appliquera qu'aux produits français. Les produits fabriqués dans le reste de l'Union Européenne pourront continuer à utiliser ces appellations et à être vendus en France.
Des entreprises qui produisent ces mêmes produits ailleurs pourraient les commercialiser en France sous ces dénominations.
Renaud Saisset, PDG d'Accro
Pour les entreprises françaises, cette décision est discriminante :"car des entreprises qui produisent ces mêmes produits ailleurs pourraient les commercialiser en France sous ces dénominations", s'agace Renaud. Et ce sans perdre un centime.
Car oui, pour Renaud et les autres, refaire les packagings coûte cher : "on risque de perdre plusieurs dizaines de milliers d'euros par gamme", s'étrangle le patron. Il juge donc la décision profondément injuste. Pour lui, elle vise majoritairement "des producteurs français qui travaillent avec des partenaires français" et qui sont donc à l'origine "d'un cercle vertueux" d'emplois et de production de richesses sur le territoire.
En effet l'entreprise est jeune et sa croissance bien lancée : "nos ventes de l'année dernière ont été par 4 et on recrute énormément", explicite Renaud, qui présente son entreprise comme un moteur de l'économie locale : "on pénalise les acteurs locaux au profit de grandes multinationales européennes", finit-il par lâcher.
Un décret similaire avait été proposé en 2022, et rapidement rejeté par le Conseil d'Etat grâce à l'argument de la justification infondée. Le fabricant et un collectif de marques végétales (comme La Vie et HappyVore) ont déjà entamé une procédure de recours dans l'espoir d'obtenir le même résultat : "à l'époque le conseil d'État nous avait donné raison et donc on a pu continuer à utiliser ces dénominations", précise le PDG.
Une décision qui pourrait s'avérer sage pour la transition écologique et alimentaire à venir. Selon le réseau action climat, réduire de 50% la consommation de viande sera nécessaire pour atteindre les objectif climatique de la France, et aussi bénéfique pour la santé. Les alternatives végétales pourraient être un outil de transition pour les éternels réfractaires.