Ludovic Pajot, 26 ans, a offert au Rassemblement National une seconde ville de plus de 20000 âmes dans le Pas-de-Calais, faisant la fierté de Marine Le Pen. Élu député à 23 ans, il rêvait depuis longtemps de prendre la mairie de Bruay-la-Buissière, bastion socialiste depuis des décennies. Portrait.
Il a officiellement enfilé son nouveau costume de maire au terme du premier conseil municipal depuis son élection, dimanche 28 juin. À seulement 26 ans, le nouveau maire de Bruay-la-Buissière est loin d’être novice en politique. Élu député de la 10ème circonscription du Pas-de-Calais en 2017 sous les couleurs du Rassemblement National (RN), Ludovic Pajot est propulsé aux devants de la scène nationale et connu dans les médias nationaux pour ses positions anti-migrants. Il n’a alors que 23 ans et devient le benjamin de l’Assemblée Nationale.
Né en 1993 à Beuvry et petit-fils d’agriculteurs – il aime le préciser – Ludovic Pajot n’est pas encore majeur lorsqu’il adhère au Front National. Marine Le Pen vient d’être élue présidente du parti, succédant à son père Jean-Marie. À cette époque, le jeune militant frontiste fait la rencontre de Laurent Brice, alors secrétaire départemental du parti, et d’un certain Steeve Briois, dont il admire déjà le travail de terrain. À leurs côtés, il distribue ses premiers tracts à l’effigie de Marine Le Pen pour l’élection présidentielle de 2012.Je tiens à remercier chaleureusement les Bruaysiennes et Bruaysiens qui me font ce soir l'honneur de devenir leur Maire pour les six années à venir.
— Ludovic PAJOT (@ludovicpajot) June 28, 2020
Vous pouvez compter sur notre équipe qui se mettra très vite au travail pour donner un nouvel élan à Bruay-La-Buissière ! pic.twitter.com/qwIJLcnDYy
Propulsé député
Investi dans la vie locale du parti, le jeune étudiant en droit à la Catho de Lille est rapidement propulsé suppléant d’Aurélie Beigneux, en lice dans le Béthunois pour les élections législatives de 2012. Leur liste obtiendra 17%. Une défaite qui durcit son engagement, élections après élections. Il devient conseiller municipal d’opposition à Béthune, puis conseiller régional des Hauts-de-France, avant d’être investi par le parti pour concourir en 2017 dans la 10ème circonscription du Pas-de-Calais, territoire où Marine Le Pen a récolté 59% des voix au second tour des élections présidentielles la même année. "C’est un type de terrain", affirme Steeve Briois, maire RN d’Hénin-Beaumont depuis 2014, réélu dans sa commune avec plus de 74% des voix le 15 mars dernier. Après une très nette avance au premier tour, il obtient 52,58% des suffrages (17 854 voix) et bat la candidate En Marche Laurence Deschanel.Objectif Bruay
Au lendemain de son entrée à l’Assemblée Nationale, de nombreux observateurs l’imaginent déjà briguer la mairie de Bruay-la-Buissière, bastion socialiste depuis la fusion des villes de Bruay-en-Artois et de Labuissière en 1987 (aux élections présidentielles de 2002, Lionel Jospin atteint les 25% dans la commune, bien loin devant les 17% de Jean-Marie Le Pen). Dans son propre camp, aucun doute, il a la carrure. "Lorsqu’il avait émis le souhait d’être candidat aux municipales, il fallait en mesurer la portée, rappelle Steeve Briois. Être député, c’est un mandat beaucoup plus politique, au sens noble, alors qu’être maire c'est beaucoup plus pragmatique. Ça lui va à merveille."Après quelques mois de faux suspens, le jeune député décide de se lancer, et calque sa campagne sur celle du maire RN de la commune voisine. "Quand on est maire, on bâtit quelque chose, c’est ce qui me plaît" explique Ludovic Pajot. Face à lui, deux candidats : le maire sortant de gauche Olivier Switaj et Bernard Cailliau, ex-PS, déjà battu par Ludovic Pajot aux législatives de 2017.
260 voix d’avance
Renforcement de la sécurité, revitalisation d’un centre-ville à l’agonie… des thèmes chers au Rassemblement National qui se déclinent facilement à l’échelle de la commune de Bruay-la-Buissière, dépourvue de police municipale et vidée de ses commerces de proximité années après années, alors que le taux de chômage frôle ici les 30%. Au premier tour des municipales, le député RN obtient plus de 38%. Arrivé en troisième position, le maire sortant Olivier Switaj se désiste pour mettre en place un front républicain qui ne suffira pas : Ludovic Pajot l’emporte au soir du second tour face à Bernard Cailliau, avec 260 voix d’avance et une mobilisation en légère hausse par rapport au premier tour.Une victoire pour le parti. Le RN en rêvait, Pajot l’a fait. "Ludovic a explosé le plafond de verre, se réjouit Steeve Briois. C’est un mandat qui est fait sur mesure pour lui. Je connais très bien son caractère, sa personnalité. Ludovic est quelqu’un qui a de l’empathie et qui veut rendre service aux autres." Une proximité avec les habitants confirmée par son désormais premier opposant, Bernard Cailliau, qui attribue sa victoire à "la banalisation du Rassemblement National et l’héritage de 20 ans de gestion de la commune avec très peu de proximité.""Bienvenue au club"
Dimanche 28 juin. Peu après 20 heures. Marine Le Pen n’attend pas la proclamation des résultats officiels pour annoncer la victoire de son poulain, qui permet au RN de rafler une seconde ville de plus de 20 000 habitants dans le bassin minier. "Avec Marine Le Pen, le courant passe très bien parce que c’est le portrait type de l’homme politique engagé", avance Briois.
Explosion de joie devant le QG du candidat. Ses fervents soutiens entonnent son prénom, suivi d’une marseillaise et de nombreuses accolades. Les drapeaux bleu-blanc-rouge sont de sortie. Une victoire doublement savourée par le nouveau maire, les sondages lui étaient alors défavorables. À ses côtés, Steeve Briois et Bruno Bilde (député RN de la circonscription voisine) sont présents et n’auraient raté ça pour rien au monde.
Tout sourire, le maire d’Hénin-Beaumont lance à son ami un simple "bienvenue au club" alors que le maire fraichement élu prend le micro pour s’adresser à ses sympathisants. "Cette victoire n’est pas la mienne, c’est la victoire de toutes celles et tous ceux qui ne se résignaient pas à voir Bruay-la-Buissière continuer son déclin." Son premier opposant, lui, "aborde ces six prochaines années avec un sacré mal de tête."