"Certains pêcheurs ne vont pas bien du tout" : la pêche à la moule, une pratique ancestrale "pleine d'avenir" mais en crise

La pêche à pied a été interdite sur sept des treize gisements de moules du Pas-de-Calais. Une décision préfectorale visant à préserver la denrée sur la Côte d'Opale, où beaucoup de moules ont été détruites par les récentes tempêtes. Une situation qui inquiète les pêcheurs à pied professionnels, qui se sentent oubliés par les institutions.

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Sur la Côte d'Opale, les couches de coquillages jonchés sur les rochers de l'estran se font de plus en plus fines. Les amateurs et professionnels de pêche à pied s'inquiètent face au déclin des coques, des couteaux, mais surtout des moules, d'habitude pourtant nombreuses sur les plages du Pas-de-Calais, qui compte treize gisements naturels aux alentours de Boulogne-sur-Mer.

Mais depuis le 8 mars 2024, un arrêté préfectoral pris par le préfet de Normandie - qui encadre la pêche à pied des moules sur les gisements naturels du Boulonnais - interdit la pêche à pied sur sept des treize zones.

"Considérant les stocks disponibles" les gisements de Wissant, d'Ambleteuse, les gisements de La Pointe aux Oies, des Dunes de la Slack et de la Pointe de la Rochelle et l'Ailette à Wimereux, le gisement de Ningles au Portel et d'Equihen, ne peuvent plus être exploités jusqu'à nouvel ordre.

Tempêtes et inondations, le fléau des moules

"Pour les moules et les coques en ce moment c’est très compliqué", confirme Myriam Pont, pêcheuse à pied chez la "La Paysanne des mers" depuis 41 ans. "Les coquillages ont été énormément abîmés avec les tempêtes de ces derniers mois. Sauf que les moules mettent du temps à se poser et à grandir... Jusqu'à présent on avait seulement eu des alertes mais jamais de fermetures de gisements aussi massives."

Jusqu'à présent on avait seulement eu des alertes mais jamais de fermetures de gisements aussi massives.

Myriam Pont, pêcheuse à pied

Myriam et ses enfants, eux aussi professionnels de la pêche à pied, ont donc eu une saison 2023-2024 très compliquée, entre les alertes sanitaires concernant la coque l'été dernier et les arrachages de moules à cause du vent, du courant et des inondations. Des dégâts qui se répercutent sur les recettes : ces dernières années, l'entreprise familiale a perdu plus de 120 000 euros rien que pour la pêche à la moule.

Un déclin financier lié en partie à une baisse des récoltes, nécessaire pour pouvoir respecter la ressource - très sensible en ce moment - et les normes environnementales. "Et puis on a eu moins de ventes avec les inondations car les personnes n'avaient plus de maison, ni de cuisine, ou simplement pas l'envie de cuisiner", fait savoir Myriam Pont, désolée devant la souffrance de ses voisins, mais également devant celle qui subsiste dans sa profession.

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"On a besoin d'un coup de main"

Il y a tout juste deux ans, Myriam et ses employés récoltaient 45 tonnes de moules chaque année. Aujourd'hui, armés de leurs pelles et de leurs cagettes, ils n'en ramassent plus que 20 tonnes. Une raréfaction des moules qui provoque de nombreux problèmes financiers chez la cinquantaine de pêcheurs de la Côte d'Opale qui pratiquent la pêche à pied.

"Certains pêcheurs ne vont pas bien du tout", rapporte Myriam Pont. "On ne reçoit aucune indemnité lorsque la saison est mauvaise. Les bateaux et les agriculteurs en reçoivent et c'est bien normal, eux aussi sont en souffrance. Notre métier manque de reconnaissance, derrière il y a des hommes et des femmes qui sombrent dans la misère."

On ne reçoit aucune indemnité lorsque la saison est mauvaise. Les bateaux et les agriculteurs en reçoivent et c'est bien normal, eux aussi sont en souffrance. Notre métier manque de reconnaissance.

Myriam Pont

Administrativement, Myriam ne se sent donc pas épaulée, ni écoutée. Pourtant, cette maman d'un enfant autiste de 36 ans, malade et très éprouvé par les difficultés que rencontre sa famille, aurait "bien besoin d'un coup de main". La seule solution qu'envisage l'entrepreneuse est de désigner un représentant pour faire valoir leurs droits devant le département et la Région, faute de syndicat et d'associations sur la Côte d'Opale.

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Un métier "plein d'avenir"

Toutefois, Myriam Pont continue de garder espoir et croit en l'avenir de son métier, qui promeut une pêche plus respectueuse de l'environnement. "Quand un gisement est abîmé il faut être raisonnable, pour pouvoir vivre de son métier il faut respecter la nature, sinon il n’y aura plus rien les années suivantes", nuance-t-elle face aux arrêtés pris par la préfecture. "Avec le dérèglement climatique la ressource souffre, les animaux marins sont perturbés et l’homme a tendance à surproduire, la pêche à pied peut être une solution."

C'est une pratique ancestrale à valoriser et à protéger. Il faut que les politiques se posent un peu et nous écoutent, pour ne pas perdre ce métier traditionnel, mais plein d'avenir.

Myriam Pont

Alors la paysanne des mers imagine des moyens pour promouvoir son métier, en sensibilisant les plus jeunes dans les écoles ou lors de classes découvertes par exemple. Une façon de faire découvrir cette facette du patrimoine des Hauts-de-France, qui permettrait également aux pêcheurs à pied de toucher un salaire versé par la Région en période creuse. "C'est une pratique ancestrale à valoriser et à protéger. Il faut que les politiques se posent un peu et nous écoutent, pour ne pas perdre ce métier traditionnel, mais plein d'avenir."

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