Le procès du meurtre de Yanis, 5 ans, s'ouvre lundi 16 novembre devant la cour d'assises du Pas-de-Calais. Le jeune garçon est mort dans la nuit du 5 au 6 février 2017, son beau-père voulait le punir d'avoir fait "pipi au lit". Ce dernier et la mère du garçon seront jugés à partir de lundi.
Quel enchaînement a conduit à la mort de Yanis, cinq ans, puni par une nuit de février pour un pipi au lit ? Les assises du Pas-de-Calais tenteront de le déterminer, à partir de lundi, en jugeant son beau-père, qui nie avoir voulu le tuer. La mère du jeune garçon sera également jugée pour ne pas avoir empêché un crime ou un délit contre son fils.
Dans la nuit du 5 au 6 février 2017, le beau-père de Yanis appelle les pompiers. Il explique que l'enfant est tombé inanimé après avoir couru pendant plus d'une demi-heure par une température de 5 degrés.
Arrivés à Aire-sur-la-Lys, où la famille passe le week-end dans un cabanon sans eau ni électricité, les pompiers trouvent le petit garçon allongé, en chaussettes et slip trempés, le corps froid et couvert de marques de coups. Ils ne parviennent pas à le réanimer.
Des violences habituelles
Son beau-père, Julien Masson, explique l'avoir fait courir le long d'un canal pour le punir d'avoir fait pipi au lit, en l'accompagnant à vélo, un type de punition dont il est coutumier. L'enfant, dit-il, s'est plaint de douleurs aux jambes avant de perdre connaissance.Modifiant ses déclarations à de multiples reprises, cet homme, alors âgé de 31 ans, finira par admettre quelques coups sur le crâne de l'enfant avec les doigts, assortis d'un léger coup avec une lampe de poche.
Une version incompatible avec les constatations des experts. Si Yanis est bien décédé d'un traumatisme crânien, des marques d'étranglement et de bâillonnement et des signes d'immersion dans le canal, semblent indiquer qu'il a vécu un véritable calvaire, achevé par un coup mortel violent. Les experts s'accordent aussi pour dire que certaines marques de coups dataient d'avant la nuit du drame.
"Zone d'ombre"
Jugé pour homicide volontaire sur mineur de moins de 15 ans, Julien Masson le sera également pour violences par ascendant depuis août 2015, date du début de sa relation avec la mère de Yanis. Il reconnaît lui avoir administré des fessées et frotté les cheveux pour lui faire "entrer des idées dans la tête".Son avocat, Me Stéphane Daquo, récuse toutefois l'intention de tuer mais aussi les violences habituelles. Julien Masson, présenté par le procureur de Boulogne-sur-Mer comme un "survivaliste", n'est ni un marginal ni un "bourreau d'enfant", insiste-t-il. "Il apparaît dans le dossier qu'il s'occupait plutôt bien de Yanis, lui était attaché, lui apprenait pas mal de choses", insiste Me Daquo.
"Pour le soir des faits, il y a une vraie zone d'ombre. Deux expertises médicales sont un peu contraires, on va se battre là-dessus, il y aura un vrai débat d'experts", assure-t-il, rappelant que son client a appelé les secours et couru sur les derniers mètres en portant Yanis.
" Cet enfant est passé au travers de toute surveillance"
"Enfants fantômes"
La mère de Yanis comparaîtra, libre, pour ne pas avoir empêché un crime ou un délit contre son fils. Selon ses proches, le comportement de cette femme, alors âgée de 23 ans, avait changé depuis qu'elle était en couple avec Julien Masson, dont elle était très dépendante affectivement.La jeune mère avait quitté son précédent compagnon - qui avait reconnu Yanis sans en être le père biologique - alors qu'il était incarcéré pour des violences envers elle et l'enfant.
La mort de Yanis est intervenue à un moment où le couple qu'elle formait avec Julien Masson connaissait des difficultés. Plusieurs associations de protection de l'enfance se sont constituées parties civiles. Dans ce département du Pas-de-Calais où le nombre d'enfants placés est particulièrement élevé, la famille n'était pas suivie par les services sociaux.
L'institutrice et la directrice de l'école de Yanis n'avaient pas remarqué de traces de coups, notant seulement un problème initial de socialisation et de fréquentes absences pour maladie.
"Cet enfant est passé au travers de toute surveillance", déplore Yves Crespin, avocat de l'Enfant bleu et la Voix de l'enfant. "C'est sûr qu'il y a des enfants qui passent sous les radars, des enfants fantômes".