Les chalets de cette plage de Sangatte doivent être rasés car ils ne sont plus aux normes de la loi Littoral de 2006. Malgré de nombreuses contestations administratives, les occupants opposés n'ont pas eu gain de cause.
"Tristesse", "amertume"... C'est avec ces mots que les derniers occupants des chalets de Blériot-Plage, à Sangatte (Pas-de-Calais) décrivent leurs ultime instants sur place. En effet, après une longue saga administrative, ils ont été sommés de démolir ce qu'ils décrivent comme une "fabrique à souvenir" au risque de payer une amende de 50 euros par jour de retard.
En effet, ces 232 cabines datent de l'après-guerre et ne sont plus aux normes de la loi Littoral de 2006. Depuis ce décret, pour que les constructions ne soient pas présentes plus de six mois sur les plages, elles doivent pouvoir être démontables et ne pas occuper plus de 20% du linéaire de la plage. Ce n'est pas le cas de la majorité des cabines qui, en plus, dépassent les 2,5 mètres sur 2,5 mètres autorisés.
"C'est 15 ans de souvenirs"
Pour Quentin, occupant d'un des chalets concernés, c'est "15 ans de souvenirs" qui s'envolent, "que ce soit avec ma compagne, les enfants, les petits-enfants, la famille surtout". Les voisins aussi vont leur manquer car ils sont "devenus super proches, des amis, on se voit en dehors de la plage aussi, même l'hiver quand on ne vient pas là".
Quentin décrit son chalet comme "une boîte à messages" dans laquelle il s'est passé "tellement de choses". Quand "les gens n'avaient pas trop de place chez eux, pas de cour, je leur prêtais mon chalet : on met des paravents, on sort des tables, on se fait un barbecue".
Tout ce que j'ai emporté, c'est le nom de mon chalet, l'enseigne qu'il y avait dessus et le numéro qui était 336. Mon chalet s'appelait Lucette. Pourquoi ? Je n'ai jamais su exactement mais c'est chez moi maintenant. C'est tout ce que j'emporte.
Quentin, occupant d'un des chalets
Quant à la décoration, "tout a été donné" aux voisins. "On s'est dépanné, j'ai plein de vaisselle ici, on l'a distribuée parce que j'ai des voisins qui se mettent en appartement, qui commencent à s'installer dans leur vie, donc on distribue tout."
Pour deux autres anciens occupants, le chalet a été passé de génération en génération. "On a toujours été habitués à venir ici, dans les années 60, c'était ma grand-mère, ensuite c'était nous, nos enfants, nos petits-enfants, et des gens qui ne sont plus là", précisent-ils.
Ils y ont vécu "plein de belles choses". Et même lorsque le temps ne s'y prêtait pas, les voisins de chalet - devenus une grande famille - se déplaçaient et se voyaient malgré tout. "Le sable était gelé mais on marchait quand même".
La chaleur humaine suffisait.
"On est obligé de le faire nous-mêmes"
Quentin regrette de devoir tout démonter par lui-même. "On a demandé des bennes à la mairie, au moins pour qu'ils nous filent un coup de pouce pour ceux qui n'ont pas signé" le protocole de démantèlement, mais ils n'en n'ont pas reçu. "Donc on part à la déchetterie, il faut louer des camions, ça nous recoûte quelque chose, mais on va le faire".
Une fois les chalets démontés, la plage "restera à l'état naturel, comme ils le veulent", conclut Quentin en précisant qu'il va tout faire petit "petit à petit, pas trop vite parce que j'en ai pas l'envie". Il assume de faire "traîner un peu les choses".
Mais une chose est sûre, il démontera son chalet jusqu'au bout, "même les pieux", pour partir dignement.