Le guide Michelin a dévoilé mardi 22 mars la liste des restaurants étoilés. Aucun nouvel établissement ne s’est distingué en Picardie, mais cinq restaurants, tous situés dans l'Oise, conservent leur étoile. Plusieurs chefs ont accepté de nous livrer leur sentiment.
La grange de Belle-Église, Belle-Église
Recevoir une étoile lui procure toujours autant de plaisir, même trente ans après… Marc Duval, qui officie à La grange de Belle-Église, a décroché sa première récompense au guide Michelin en 1992. "Vivre avec la volonté de faire mieux, c'est important, mais conserver l'étoile, c'est déjà pas mal", confie-t-il. Pour lui, faire partie des 627 restaurants français mis en avant est déjà un honneur.
Dans le guide, la cuisine du chef est décrite comme classique, mais "nous sommes loin de nos cuisines d'antan quand même", annonce le chef qui s'attache à progresser dans la fraîcheur de l'assiette. "Bien sûr, je ne parle pas de la fraîcheur du produit, précise-t-il. Mais nous évoluons vers des cuisines dites nouvelles".
Marc Duval est aussi attaché à proposer des prix accessibles et à prouver que l'on peut manger dans un restaurant étoilé sans payer le prix fort. "Avec un menu à 27 euros le midi en semaine, nous faisons partie des 100 restaurants les moins chers de France et pourtant, il y a encore des manques...".
L'établissement n'affiche pas toujours complet en semaine. Mais les clients restent quand même au rendez-vous. Cette étoile demeure pour l'équipe un gage de la qualité du travail au quotidien, du respect des produits, et des clients. Alors que le guide Michelin évoque 30% de clients en plus grâce à cette distinction, Marc Duval parle, lui, de 40% en plus.
Et le chef ne compte pas s'arrêter là. Il a profité de la crise sanitaire pour rafraîchir son établissement avec l'aide d'un architecte décorateur et affiche ses ambitions : "On est toujours à l'affût des plats, on respecte les produits. Je fais Rungis donc je me sers dans ce qu'il y a de plus beau. Pour nous, il n'y a pas de débat. Si on peut évoluer, même après 30 ans, on le fera..."
L'Orée de la forêt, Etouy
Cela ne fait pas 30 ans que le restaurant L'Orée de la forêt, à Etouy, a décroché sa première étoile, mais pas loin. La première fois, c'était en 1992. Et le chef a conscience de la remettre en jeu chaque année. "Concernant les retours des clients, nous n'avons pas trop de tracas à nous faire, lance Nicolas Leclercq . Mais quand le guide sort, nous avons toujours une petite appréhension." Et d'ajouter : "dans toute la région, personne n'a été sanctionné, je suis content car il y a quand même beaucoup d'étoiles qui sont tombées". Comme à La grange de Belle-Église, après la crise sanitaire, les clients se sont faits un peu moins présents en semaine. "Notre clientèle a changé ses habitudes", explique Nicolas Leclercq, que la flambée des prix de l'alimentation inquiète aussi. "Le week-end, ça va, mais la semaine, c'est beaucoup plus difficile."
Malgré tout, le guide Michelin reste pour ce chef, une "belle carte de visite". C'est aussi une motivation pour les collaborateurs. Et à l'Orée de la forêt, il y a également la volonté de ne pas décevoir des clients au rendez-vous depuis des années : "Nous avons des clients qui nous ont connus avant l'étoile et qui sont toujours fidèles. Certains reviennent et sont contents de voir que nous sommes encore là." Cette fidélité est d'autant plus précieuse que l'établissement, fondé par la grand-mère de Nicolas Leclercq en 1950, est une affaire de famille. "C'est une belle réussite, on est contents de ce qu’on a fait, c'est notre bébé on va dire", ajoute le chef.
Et pour ne pas "s'endormir" comme il le dit, Nicolas Leclercq mise sur une cuisine axée sur le végétal. Il s'occupe lui-même du potager, des légumes bio qui changent au fil des saisons. "Notre plat signature, c'est l'assiette Comme dans un jardin qui évolue au gré des cueillettes", explique le chef qui travaille par exemple en ce moment l'oseille sous toutes ses formes. Sans oublier dans un coin de sa tête, la deuxième étoile... "ça reste un des objectifs. Il faut toujours viser plus haut pour atteindre un but."
L'auberge À La Bonne Idée, Saint-Jean-aux-Bois
Lui espérait la deuxième étoile… Elle n'est pas venue mais elle fixe le cap pour l'année à venir. Sébastien Tantot a racheté L'auberge À La Bonne Idée il y a seulement 11 mois. "On a fait une très très belle année. Il y a encore quelques mois, personne ne connaissait Saint-Jean-aux-Bois sur la carte des destinations de haute cuisine... Et comme dirait Paul Bocuse, un restaurant avec un parking toujours plein, c'est ça, la récompense quotidienne…", raconte le chef.
Installé dans un tout petit village, Sébastien Tantot est déjà ravi d'être parvenu à conserver cette étoile : "c’est une super récompense pour le travail des équipes, c’est une fierté personnelle et ça veut aussi dire beaucoup de choses à la fois pour les clients et pour les petits producteurs qui nous suivent..."
Originaire de Coye-la-forêt, le chef âgé de 29 ans mise sur son expérience d’une douzaine d’années dans des restaurants trois étoiles et palaces de renom pour faire grandir son auberge où il est déjà passé de 19 à 46 salariés en 11 mois.
Et pour se démarquer, Sébastien Tantot parie aussi sur l'originalité. La transparence est sa "colonne vertébrale". Cette quête de la finesse se retrouve dans ses plats translucides à l'image du diaphane de grenouille : "on prend le meilleur là où il est et on essaie de faire une expérience client à part entière".
Avant de travailler encore plus dur pour espérer monter encore en gamme, le chef et son équipe vont quand même "fêter l'étoile". "Une étoile ça se gagne tous les ans.. On s’en félicite quand même… Plein de restaurants l’ont préparée et ne l’ont pas eue. Nous laisser l'étoile la première année, c'est déjà un encouragement…"
Le Verbois, Saint-Maximin
À la différence d'autres chefs comme Sébastien Tantot, Guillaume Guibet, lui, n'a pas de plat signature, mais cela n'a pas empêché son établissement Le Verbois, à Saint-Maximin, de conserver sa première étoile. Lui, ne jure que par une cuisine de saison, avec des produits frais de qualité : "J'ai un jardin, donc j'exploite mon jardin, le miel de chez moi aussi... Je travaille vraiment dans le local même si certains producteurs se trouvent ailleurs en France comme les agrumes à Perpignan…"
La philosophie du chef est simple : "80% de mon travail, c'est de chercher le bon produit, ensuite bien le cuire, y faire attention et c'est là qu’on passe de bons moments… J'aime changer régulièrement. Je demande à mon maraîcher ce qu’il a cette semaine, pareil avec le poissonnier… Ce n'est pas moi qui décide, c'est selon ce que la nature nous donne…"
Comme beaucoup d'autres restaurateurs, Guillaume Guibet avoue s'inquiéter de voir le prix des produits frais croître à ce point. "Tout augmente, il faut qu’on trouve une solution…", fait-il remarquer.
Mais grâce à l'étoile notamment, les clients sont au rendez-vous : "Cela attire une clientèle différente. Nous voyons des gens qui font deux heures de trajet pour manger dans notre restaurant." Alors le chef songe forcément à la deuxième étoile, mais sans pression : "Si elle tombe, elle tombe ; je suis encore jeune donc j’ai encore tout l’avenir devant moi. Pour le moment, je me lance dans un projet d'hôtellerie. 8 chambres juste derrière pour une expérience globale…"
De quoi donner le sourire à son père qui possédait l'établissement : "il n'avait pas d'étoile et ne voulait pas cette pression-là. ll me laisse faire puisque c'est moi qui l’ai voulue, mais il est fier."
La Table du Connétable, Chantilly
À Chantilly, La Table du Connétable est également parvenue à conserver son étoile au guide Michelin. Le chef Anthony Denon mise sur une cuisine rafraîchissante et accorde notamment une large place au végétal. Sur son site, il précise vouloir "préserver l’excellence du lieu tout en y apportant ses inspirations contemporaines et son expertise".