Bercy a définitivement écarté Altifort du dossier de reprise de l'aciérie Ascoval de Saint-Saulve dans le Nord. Le groupe industriel, basé à Ham dans la Somme, avait annoncé ne pas être en mesure de fournir les fonds promis pour la poursuite de l'activité. Qui est Altifort ?
Depuis le 1er février, l'aciérie Ascoval de Saint-Saulve dans le Nord faisait partie de la longue liste d'entreprises appartenant au groupe Altifort. Un repreneur surprise qui avait obtenu en justice la reprise d'Ascoval et qui est désormais définitivement écarté du dossier : Altifort n'a pas l'argent qu'il s'était engagé à payer pour ce rachat. Soit 35 des 152 millions d'euros du plan de financement : 10 millions en ressources propres et 25 millions de levée de fonds.
Mais qui est Altifort ? La réponse en 5 points...
1 - Un groupe jeune
Sur son site Internet, Altifort se définit comme un groupe dont "les valeurs (...) se résument en trois mots : l’audace, la curiosité et le collectif. Pour les salariés du Groupe, ces trois mots se déclinent au quotidien par oser et entreprendre chaque jour les missions confiées, regarder le monde avec des yeux d’enfants et solliciter les forces de chacun."Dans la longue histoire de l'industrie française et régionale, Altifort est effectivement un enfant. Le groupe est jeune. Créé en 2014 par un Belge flamand, Bart Gruyart, et un Français, Stanislas Vigier. Les deux ingénieurs de formation, le premier en industrie navale, le second en agronomie, sont passés dans de grands groupes avant de réunir leur envie d'entreprendre. Le duo constitue Altifort et font leurs armes en rachetant une société de tailleur de pierre puis un fabricant de meubles de style.
Deux ans plus tard, Altifort s'oriente vers l'industrie en prenant les rennes de l'entreprise Catteau, spécialisée dans le béton. En 2017, le groupe s'installe à Ham dans la Somme en rachetant, à la suprise générale, Pentair qui fabrique des valves et emploie une centaine de salariés. L'entreprise s'appelle aujourd'hui PVI, Picardie Valves Industrie.
2 - Un patron charismatique
Altifort, c'est Bart Gruyaert. Des deux fondateurs, c'est lui qui parle et que l'on voit le plus. Charismatique, ce Belge d'origine flamande est souvent décrit comme direct voire brutal dans ses relations aux autres. Lui, revendique une proximité avec ses salariés. Né le 2 janvier 1977 à Tielt dans un milieu ouvrier, il perd très tôt ses parents. Diplomé en 2000 en ingénierie navale, il commence sa carrière chez Phillips. Puis ce sera Saint-Gobain, ArcelorMittal, Ahlers qui l'envoie 6 moix au Kazakhstan et enfin le sous-traitant Punch (candidat éconduit à la reprise de l'usine Ford de Blanquefort en Nouvelle-Aquitaine).Mais ce que veut Bart Gruyaet, c'est être patron. En 2006, il saute le pas et crée une société d'informatique, en parallèle de son poste chez ArcelorMittal. En 2014, sa rencontre avec Stanislas Vigier, ingénieur agronome ex-CapGemini et Carrefour, est déterminante dans son parcours.
Ils se font rapidement une spécialité de la reprise d'entreprises difficulté.
3 - Une stratégie pointue
Reprendre des entreprises industrielles en difficulté, les redresser puis réorienter leurs débouchés, c'est la stratégie d'Altifort. Aujourd'hui, elle est déclinée dans chacune des entreprises rachetées : se développer dans le secteur des matériaux spéciaux appliqués à des activités pointues comme le nucléaire, l'automobile, l'agro-alimentaire, les énergies renouvelables ou encore la pétrochimie.C'est avec la reprise en 2016 de Pentair, un fabricant de vannes installé à Ham dans la Somme, que le groupe décolle. Avant cette opération, Altifort était présente dans la construction et la décoration, le traitement des sols et des eaux, les systèmes de sécurité et de sûreté et enfin dans la robotique au service de la maintenance d'actifs industriels. Basée à Coupru dans l'Aisne, l'entreprise employait alors 146 collaborateurs pour un chiffre d'affaires de 20 millions d'euros.
4 - Des dizaines d'entreprises dans son giron
Un peu plus de 4 ans après sa création, Altifort a racheté de manière effrénée des dizaines d'entreprises partout en France. Aujourd'hui, le groupe possède 15 sites de production et autant de services.En octobre dernier, la liste des acquisitions était la suivante :
- Altifort PVI (Picardie Valves Industries), fabricant de vannes et de robinets industriels à Ham ;
- Altifort Tobler, spécialiste mondial de mandrins à Louvres (Ile-de-France) ;
- Altifort Catteau, conception, fabrication et pose d’éléments sur-mesure en béton préfabriqués pour la construction à Strazeele (Hauts-de-France) ;
- Altifort SMFI (Société de Matériel de Forage International), à Cosne-Cours-sur-Loire (Bourgogne) et Tarbes (Occitanie) ;
- Altifort HP Systems à Périgny (Nouvelle Aquitaine) ;
- Altifort GLI (Gaz Liquéfiés Industrie) à Bischwiller (Grand Est) et Civray (Nouvelle Aquitaine) ;
- Altifort ITC (Industriel de Tuyauterie et de Chaudronnerie) à Feyzin (Auvergne Rhône-Alpes) ;
- Altifort FCT pour la pétrochimie à Albi (Occitanie) ;
- Altifort Wire, activité de tréfilerie à Commercy (Grand Est) et Sainte-Colombe-sur-Seine (Bourgogne Franche-Comté) ;
- Altifort D2FC à Thiétreville (Normandie).
Sans oublier des sites à l'étranger comme Altifort Boart qui fabrique des outils abrasifs de rectification, de découpe et de perçage de matériaux à Nivelles en Belgique.
5 - Une croissance insolente
Avant le rachat de Pentair en 2016, Altifort employait 146 salariés dans l'Aisne et affichait un chiffre d'affaires honorable de 20 millions d'euros. Depuis, plus de 1.500 personnes travaillent dans les entreprises du groupe et génèrent un CA de 200 millions d'euros. Mais sur son site internet, Altifort annonce un chiffre d'affaire estimé de 380 millions d'euros.Avec l'échec de la reprise d'Ascoval, les dirigeants assurent que VPI ex-Pentair ne sera pas impactée. Mais en octobre dernier, Bart Gruyaert avouait que trois sites pourraient être touchés si Saint-Saulve n'intégrait pas le giron de son groupe. Sans toutefois en donner les noms.
Propos recueillis par Camille Di Crenscenzo
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