Alors que Tiamat a été la première société à commercialiser un outil équipé d'une batterie sodium-ion en octobre 2023, la start-up amiénoise a annoncé vendredi 12 janvier avoir effectué une nouvelle levée de fonds de 30 millions d'euros pour la construction de son usine de batteries. Stellantis, Arkema et MBDA ont investi dans Tiamat.
En ce début d'année 2024, Tiamat passe au niveau supérieur. La start-up amiénoise spécialisée dans les batteries sodium-ion a annoncé, vendredi 12 janvier, avoir réalisé la première phase de sa troisième levée de fonds avec un financement de 30 millions d'euros en fonds propres et en dette pour son projet de construction d'une usine à l'horizon 2025 dans les Hauts-de-France. Cette gigafactory d'une capacité de 5 gigawattheures emploiera, à terme, plus d'un millier de personnes.
150 millions d'euros de financement
"On espère que ce sera à Amiens, mais cela dépend de beaucoup de paramètres", confie à France 3 Hauts-de-France Mathieu Morcrette, directeur technique de Tiamat depuis deux ans et directeur du Laboratoire de Réactivité et Chimie des Solides (LRCS) qui héberge Tiamat au Hub de l'énergie, à Amiens.
Le groupe automobile Stellantis, via son fonds de capital-risque Stellantis Ventures, le groupe chimique français Arkema et le spécialiste de l'armement MBDA ont annoncé vendredi avoir participé à la levée de fonds de Tiamat. Les actionnaires historiques de Tiamat et Bpifrance y ont également participé. Les montants des investissements ne sont pas connus.
Une première mondiale
En octobre 2023, une visseuse équipée d'une batterie sodium-ion fabriquée par Tiamat a été commercialisée dans les magasins d'une enseigne de bricolage en France. Une prouesse qui fait de Tiamat la première société au monde à avoir commercialisé une batterie sodium-ion dans un objet électrifié. "2 500 unités ont été fabriquées pour l'instant pour la première visseuse", précise le directeur technique.
La technologie sodium-ion n'est pas nouvelle. Elle a été étudiée dans les années 1970-90. Mais c'est finalement la technologie lithium-ion qui a été développée, car plus performante. Cette dernière est la technologie plus répandue aujourd'hui, notamment dans les voitures électriques et les ordinateurs portables.
Et les besoins grandissent. Or les ressources en lithium sont limitées et accessibles seulement dans quelques régions du monde. Son extraction demande des ressources et de l'énergie, et la Chine raffine à elle seule près de 60 % de cet "or blanc".
Charge ultrarapide
Les batteries sodium-ion s'affranchissent du lithium et du cobalt. Le sodium partage certaines caractéristiques chimiques et physiques du lithium. Mais il est moins coûteux. Il est aussi plus abondant puisqu'il est le sixième élément le plus présent sur Terre. Tiamat, fondée en 2017 à Amiens, s'appuie sur près de dix ans de recherche menée par des unités de recherche du CNRS et de l'université qui travaillent ensemble au sein du Hub d'Amiens.
Les avantages de cette technologie sont nombreux. "Les batteries sodium-ion se chargent et se déchargent très vite, c'est-à-dire qu'elles peuvent délivrer une quantité de courant très importante rapidement", détaille Mathieu Morcrette. En moyenne, les batteries sodium-ion de Tiamat se rechargent dix fois plus rapidement que celles au lithium. Cette technologie offre également un coût inférieur par kilowattheure.
Elles ont une très grande durée de vie et elles sont plus sûres que les batteries lithium-ion, car elles produisent très peu de surcharge thermique.
Mathieu Morcrette, directeur technique de Tiamat
Quant à l'empreinte écologique, elle est la même que celle des batteries au lithium pour la partie production. En revanche, "la matière première est fabriquée chez un chimiste européen. Donc les coûts de transport sont moindres", précise Mathieu Morcrette. Quant au recyclage de ces batteries, "le modèle économique sur le recyclage n'est pas encore établi. Les métaux plus disponibles, donc moins chers, ont moins de valeur quand on les recycle", explique le directeur technique.
Stockage stationnaire
Avec sa première génération de batteries sodium-ion, Tiamat répond à un besoin : "donner de la puissance avec le minimum de poids de batterie", résume le directeur technique de la start-up.
Cette première génération de batteries est donc destinée à répondre au marché de l'outillage électroportatif et du stockage stationnaire d'énergie. Les batteries sodium-ion pourraient être utilisées comme une alternative moins coûteuse et plus simple pour recharger rapidement un véhicule électrique.
"Par exemple, si vous avez dix stations de recharge de véhicules électriques au milieu de la Marne, il faut amener un câble pour faire la recharge et cela coûte cher. Donc il peut être intelligent de mettre une batterie tampon avec un système d'approvisionnement d'électricité moins compliqué à installer. Les batteries sodium-ion peuvent répondre à ce marché, illustre Mathieu Morcrette. Ce qui nous intéresse, c'est aussi le couplage avec l'hydrogène et les bus électriques qui font de petits trajets", ajoute le directeur de recherche.
Conquérir une partie du marché automobile
Mais cette première génération de batteries ne peut répondre aux besoins de l'industrie automobile. C'est pourquoi Tiamat va développer une seconde génération de batteries pour les véhicules électriques à batterie, en concurrence avec le géant chinois CATL et le suédois Northvolt AB. "Cela permettra à l'Europe de ne pas dépendre des éléments chimiques purifiés par la Chine et de garantir un coût stable des prix des batteries", estime Mathieu Morcrette.
Cette technologie répond à des questions de souveraineté de l'Europe et Tiamat est bien placée pour la développer.
Mathieu Morcrette, directeur technique de Tiamat
Ces batteries de deuxième génération pourraient ainsi équiper des véhicules électriques d'entrée de gamme. "Sur la génération 2, on cherche encore à augmenter la durée de vie de la batterie", résume le directeur technique. Mais le remplacement total de toutes les batteries lithium-ion par des batteries sodium-ion n'est "pas possible" selon lui parce que "l'énergie stockée par poids de batterie sera toujours inférieure à celle stockée par les batteries lithium-ion".
Dans les prochains mois, Tiamat va procéder à une nouvelle levée de fonds avec l'entrée de nouveaux investisseurs ainsi qu'à un mélange de dettes et de subventions afin d'atteindre 150 millions d'euros de financement pour cette première tranche. Le projet nécessitera à terme plus de 500 millions d'investissements. Tiamat souhaite vendre ses batteries dans toute l'Europe. "L'aventure est hyper enthousiasmante", se réjouit Mathieu Morcrette.