Fin juin 2023, des émeutes éclataient dans plusieurs villes de France, notamment à Amiens, dans les quartiers Nord et Étouvie, en réaction à la mort du jeune Nahel, tué par un policier à Nanterre. Un an plus tard, certaines structures ont réussi à renaître de leurs cendres, à l'image de l'association Synpase 3i et du tabac du Colvert.
Le 27 juin 2023, Nahel, 17 ans, était tué à Nanterre par un policier après un refus d'obtempérer. Une scène filmée et largement diffusée sur les réseaux sociaux. Le suspect a été mis en examen pour homicide volontaire. Un an après, l'instruction est toujours en cours. Sa mère appelle à une marche "contre l'impunité policière" samedi 29 juin 2024 à Nanterre.
Les quelques jours qui ont suivi la mort du jeune homme ont vu éclater d'intenses émeutes dans plusieurs villes. À Amiens, ces violences se sont principalement concentrées dans les quartiers Nord et Étouvie. Parmi les bâtiments touchés, citons la mairie de secteur Nord Atrium, le centre d'animation jeunesse L'Odyssée, une partie de la piscine le Nautilus, mais aussi la future médiathèque ouest, un projet important pour le quartier Étouvie, dont une partie de la toiture a complètement brûlé.
Des écoles d'Amiens ont également été prises pour cible, comme l'école Jacques Prévert dans le quartier sud-est et la maternelle Michel-Ange dans le quartier Saint-Ladre, dont une partie du toit a été détruite. À l'époque, les assurances ont estimé le coût total des dégâts à 6 millions d'euros.
"Je suis dans un état d'esprit très positif"
Parmi les cibles de ces émeutes, les locaux du centre d'insertion professionnelle Synpase 3i, situés au sud-est d'Amiens, avaient été détruits par un incendie. L'association a rebondi en un temps record. Début août, elle retrouvait un nouveau local, à Amiens Nord. En tout, Synapse 3i a reçu plus d'1,6 million d'euros d'aides, dont 1,2 million de son assurance. Le reste a été financé par l'État, le département de la Somme, et Amiens Métropole.
Une aide précieuse, pour laquelle Jean-Pierre Motte, le directeur de l'association, est reconnaissant. Les différentes aides financières "nous ont permis d'avoir des avances pour reconstruire et [...] maintenir les paies et le fonctionnement de l'association", appuie le directeur. Jean-Pierre Motte souligne aussi "la force" et "la résilience" des salariés de Synapse 3i, qui ont contribué à permettre une inauguration des nouveaux locaux cinq mois seulement après l'incendie.
On a redémarré. On est à plus de 110 salariés en revenus aidés qui viennent travailler tous les jours au sein de l'association.
Jean-Pierre Motte, directeur de l'association Synpase 3i
Nihad El Guili, assistante technique en couture, confie "beaucoup" se plaire dans ces nouveaux locaux. "On a un grand espace, ce n'est pas comme avant. On est ensemble en fait." Les anciens locaux disposaient de 1200 m². Aujourd'hui, ce sont 2 000 m² qui accueillent les ateliers.
"Il y a un an, j'étais dans un état d'esprit désespéré, blasé, on peut le dire parce qu'on ne comprenait pas la situation ni pourquoi ça nous était arrivé", se souvient Emmanuel Crinon, encadrant technique à l'atelier menuiserie. Depuis, toutes les machines brûlées, nécessaires au bon fonctionnement des divers ateliers, ont été rachetées.
Un an après, tout est reconstruit. L'atelier menuiserie est opérationnel et tout va bien.
Emmanuel Crinon, encadrant technique à l'atelier menuiserie de Synapse 3i
Dans les locaux, le bien-être et la bonne humeur sont de retour, même si certains salariés font désormais plus de route pour venir. "Avant, j'habitais à côté du premier Synapse, je venais à pied. Mais maintenant, je viens avec ma voiture, mais ça va, ce n'est pas loin pour moi", observe Fatma Fadel, assistante technique en couture, avec le sourire. Ces locaux, à l'origine temporaires, vont sans doute devenir définitifs pour les salariés.
Une nouvelle salle de boxe d'ici à début 2026
À Étouvie, il y a un an, la salle de boxe a aussi été entièrement détruite par le feu. Un évènement choquant pour les habitués du lieu inscrit dans le paysage du quartier depuis 30 ans. "C'était comme ma seconde maison", confie Maële Traoré, 16 ans, double championne de France de boxe française et adhérente du club.
Depuis septembre, les boxeurs s'entraînent dans le gymnase attenant à l'ancienne salle de boxe. Mais le club est passé de 622 à 230 adhérents. "Ça a fait peur à certains parents. Les gens sur Amiens pensent qu'il n'y a plus de salle de boxe française à Étouvie alors qu'on a une salle, on continue à tourner tous les jours. Forcément, la salle est un peu plus petite, on peut moins accueillir de gens, mais l'ADN n'a pas changé", assure Mohammed Oudji, le fondateur du club, qui se réjouit des "très bons résultats" de ses boxeurs.
"La salle nous manque, confie-t-il. Mais pour moi, le plus important était de garder le staff des cadres techniques au sein du club, de garder la confiance que les parents ont envers l'association et les dirigeants du club parce qu'on est une famille au sens le plus large."
Le club est aujourd'hui en négociations avec Amiens Métropole. Une réunion a eu lieu début juin.
Ils nous ont garanti la construction de la salle fin 2025 ou début 2026, pas très loin de la mairie annexe, dans une petite zone d'activités qui est à proximité du quartier Étouvie.
Mohammed Oudji, fondateur du club de boxe française d'Étouvie
D'ici là, le club de boxe française continuera de fonctionner dans le gymnase actuel.
"Selon les résultats, nous craignons qu'il y ait de nouvelles émeutes"
À Amiens Nord, le quartier du Colvert porte encore les stigmates des émeutes. Le goudron de l'avenue de la paix est encore noirci par endroits, là où des bus et des voitures avaient brûlé le long des trottoirs. Des entreprises et des commerces ont aussi été touchés.
Dans la nuit du 28 au 29 juin 2023, le tabac du Colvert avait été pillé puis incendié. "Des jeunes du quartier nous avaient prévenus. Nous savions que notre commerce était ciblé par les émeutiers", confient un an plus tard Agnès et Laurent Le Saint, propriétaires du tabac.
Un an plus tard, samedi 29 juin 2024, ils vont ouvrir à nouveau leur magasin après plusieurs mois de démarches administratives et de travaux. Tout a été réagencé, avec de nouveaux matériaux.
Nous sommes heureux de retrouver notre clientèle dans les prochains jours.
Agnès et Laurent Le Saint, propriétaires du tabac du Colvert
"Et nous aussi, on a besoin de reprendre une activité, c'est quand même très long un an. Les activités, ça se limite", ajoute Laurent Le Saint.
Néanmoins, l'épisode a marqué les esprits. Agnès Le Saint admet : "Il y a un peu d'appréhension dans le contexte actuel avec les élections législatives. Selon les résultats, nous craignons qu'il y ait de nouvelles émeutes ".
Une inquiétude partagée par Jean-Christophe Loric, l'adjoint au maire d'Amiens délégué au secteur nord depuis 2020. "Les gens sont tendus en ce moment avec le contexte politique. On n'est pas à l’abri que ça recommence." Depuis les émeutes de l'été dernier, la mairie assure avoir mis en place "plus de sécurité sur les bâtiments publics" avec "des rideaux et des dispositifs antibéliers".
Avec Gaëlle Fauquembergue, Lucie Caillieret / FTV