Témoignage. La maladie de Charcot, une double peine : "c’est dur d’entendre vous allez mourir, mais on ne peut pas vous aider"

Publié le Écrit par Elise Ramirez
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Loïc Résibois, atteint de la maladie de Charcot, dénonce, dans une vidéo, les injustices dont la plupart des malades sont victimes. Privés de traitement expérimental, la loi leur refuse également le droit de mourir dans la dignité.

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"Bonjour. Je m’appelle Loïc, j’ai 45 ans et je vais mourir. Je vais mourir parce que, comme 6 000 à 7 000 personnes en France, je suis atteint par la maladie de Charcot." C’est ainsi que commence la vidéo de Loïc Résibois, un Amiénois, qui a décidé de se lancer dans un combat pour interpeller les pouvoirs publics. Il dénonce la double peine imposée par la médecine et la loi aux patients atteints de la maladie de Charcot.

Un diagnostic sans espoir

Pour Loïc, le diagnostic tombe en septembre 2022. Quelques mois plus tôt, il observe des tremblements involontaires de sa main. Après plusieurs consultations et de nombreux examens à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, à Paris, les médecins lui annoncent qu’il est atteint de la maladie de Charcot. "Ils me précisent alors qu’il n’existe aucun médicament pour guérir la maladie et que le seul traitement expérimental est réservé aux patients dont les symptômes ont commencé moins de 18 mois avant le diagnostic. J’apprends aussi que 40 % des personnes reçoivent un placebo et que ce traitement ne fait que ralentir la maladie, mais ne la soigne pas. Je comprends alors que mon espérance de vie est de trois ans maximum", rapporte Loïc.

Ce quadragénaire, marié et père de deux enfants, décide alors de quitter son travail de directeur de proximité, à la ville d’Amiens. "Mon état se dégradait et je ne pouvais plus assurer toutes mes missions. Il y a eu une grande mobilisation autour de moi. Mes collègues m’ont proposé de me donner des congés. Cette solidarité m’a beaucoup touché", souligne Loïc.

Une maladie incurable et sans traitement

La maladie de Charcot ou Sclérose latérale amyotrophique (SLA), dont Loïc est atteint, est une maladie incurable touchant les neurones moteurs, les cellules nerveuses qui commandent les mouvements volontaires. Elle toucherait environ 7 000 personnes en France. Elle conduit à une paralysie progressive de l’ensemble des muscles du corps, y compris les muscles respiratoires.

Cette maladie se déclare vers l’âge de 50 ans et évolue, en moyenne en trois à cinq ans, vers la paralysie complète des muscles et conduit au décès du patient, généralement par insuffisance respiratoire.

C’est terrible d’entendre 'Vous allez mourir, mais on ne peut pas vous aider'. C’est de la maltraitance.

Loïc Résibois

Dans 90 % des cas, les causes de la maladie sont inconnues et il n’existe, à ce jour, aucun traitement curatif, mais un traitement expérimental permet de ralentir la progression des symptômes et d’allonger l’espérance de vie. Il est indiqué aux patients dont la maladie est apparue depuis moins de 18 mois. Loïc en est exclu. "Les spécialistes tentent d’abord d’éliminer d’autres maladies neurologiques avant d’établir le diagnostic de la maladie de Charcot. Ça prend du temps, des mois, des années. C’est terrible d’entendre 'Vous allez mourir, mais on ne peut pas vous aider'. C’est de la maltraitance. Le législateur pourrait intervenir pour changer les règles", plaide Loïc qui garde espoir.

Il s’est tourné vers la médecine douce. "Je n’ai pas grand-chose à perdre. La médecine traditionnelle ne m’apporte rien. Petit à petit, les tremblements ont touché les bras, les épaules et depuis un an, mes jambes sont atteintes. Je peux encore marcher, mais je ressens le poids de la gravité à chaque pas. J’ai encore espoir que la maladie s’arrête. Ce qui arrive dans certains cas sans que les médecins ne sachent l’expliquer."

Un espoir à l’étranger

Malgré un affaiblissement progressif, il reste combatif, s’informe sur les nouvelles recherches et se construit un réseau. Depuis peu, il s’est tourné vers la Suisse. "J’ai entendu parler du combat que mène Olivier Goy, qui a réalisé le documentaire Invincible été, sur son quotidien avec la maladie de Charcot. Il m’a donné le contact d’une neurologue en Suisse", explique Loïc.

La neurologue [...] m’a dit, très honnêtement, que l’espérance de vie pourrait être augmentée de 12 à 28 mois.

Loïc Résibois

Après plusieurs visio avec la spécialiste, la transmission de son dossier médical et de nombreux examens, il y a deux semaines, il a enfin reçu les médicaments par voie postale, un traitement dit à usage compassionnel. "J’étais heureux qu’on me permette de suivre ce traitement. La neurologue qui me l'a prescrit, m’a dit, très honnêtement, que l’espérance de vie pourrait être augmentée de 12 à 28 mois, mais sans amélioration de l'état. Ce médicament ne sert peut-être à rien, mais il m’offre l’espoir. J’avais déjà contacté les États-Unis où on me proposait un traitement à 20 000 euros par mois. Il existe un vrai business sur ce marché où des entreprises profitent du désespoir des patients", déplore Loïc.

Un combat pour le droit de mourir dans la dignité

Depuis quelques mois, il mène un autre combat pour faire évoluer la loi Claeys-Leonetti. En 2016, cette loi a créé de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Elle ouvre la possibilité pour le patient de demander l’accès à une sédation profonde et continue jusqu’au décès.

Si la loi n’évolue pas, je me suiciderai avant l’échéance, avant d’être prisonnier de mon corps, avant de ne plus pouvoir bouger

Loïc Résibois

L’accès à ce droit est encadré par des conditions très strictes : le patient doit souffrir de façon insupportable et son décès doit être reconnu comme inévitable et imminent. Pas suffisant, d’après Loïc. "Cette sédation est décidée par des médecins et cela peut prendre des mois. En attendant, on vit dans un sarcophage, dans un corps qui ne répond plus alors que notre cerveau fonctionne très bien. Je ne veux pas de cette vie, ni pour moi, ni pour mes proches. Je veux pouvoir choisir le moment où je vais partir", défend Loïc, qui assure que cette décision lui appartient. "Si la loi n’évolue pas, je me suiciderai avant l’échéance, avant d’être prisonnier de mon corps, avant de ne plus pouvoir bouger."

À travers sa vidéo, il tente de sensibiliser les pouvoirs publics au droit à mourir dans la dignité, chez lui et non en Belgique, qui a légalisé l’euthanasie, ou en Suisse, où le suicide assisté n’est pas pénalement réprimé. "Je veux profiter de ma famille jusqu’au dernier moment, mourir en regardant la mer, un soir."

Une vie en sursis

Avant la maladie, Loïc était sportif. Il doit désormais composer avec un corps affaibli. Il ne peut plus manger seul, se couper les ongles, se laver les cheveux. Des gestes simples que sa femme doit désormais faire pour lui. Elle est officiellement aidante familiale à mi-temps. "Elle fait tout à la maison, l’entretien, le jardinage et les obligations quotidiennes", relève Loïc. Pour la soulager, il s’accorde des pauses une semaine par mois à l’île de Ré avec ses parents. Chaque jour, il fait du vélo électrique et se baigne. Des activités qui lui sont encore possibles. "Mes parents m’aident beaucoup et ça me permet de retrouver un semblant de vie normale. Cette maladie est un exhausteur de goûts. Je mesure la chance que j’ai de pouvoir encore faire tout ça. Je profite de chaque journée." Ses amis du club de tennis, dans lequel il jouait, sont aussi très présents et Loïc continue à coacher des élèves l'été.

De nouveaux traitements expérimentaux sont en développement et des essais cliniques en cours. Mais aucun médicament ne permet encore de guérir de la maladie de Charcot. En attendant, les patients qui le peuvent se tournent vers d’autres pays qui ont autorisé la mise sur le marché de certains traitements.

Avec sa vidéo, Loïc espère alerter Emmanuel Macron, son gouvernement et les députés, de l’injustice vécue par les malades pour que tous soient enfin traités de la même manière, avec le même accès aux soins. 

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