Témoignage. Leur fille de 3 ans atteinte d’amyotrophie spinale : "il faut profiter de chaque instant avec elle, mais cela demande beaucoup de moyens"

Publié le Écrit par Elise Ramirez
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Charlotte est atteinte d'amyotrophie spinale. Une maladie génétique dégénérative qui attaque les muscles et les voies respiratoires. Dans quelques jours, elle fêtera ses 3 ans alors que son espérance de vie était de 9 mois d’après les médecins. Ses parents ont créé une association, et mis en ligne une cagnotte, pour les aider à financer du matériel d’autonomie, non remboursé par la sécurité sociale et pourtant indispensable au développement de l’enfant.

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Les journées de Charlotte sont rythmées par les soins. Dès le réveil, ses parents s’activent pour lui désencombrer les voies ORL, avec l’aide d’un aspirateur à mucosités et d’un appareil respiratoire. Charlotte ne sait pas expulser ses sécrétions et tousser naturellement. Elle souffre également d’une insuffisance respiratoire. Puis, Charlotte doit se reposer, car ce soin est éprouvant pour la petite fille.

Mais les activités reprennent vite avec l’arrivée du kinésithérapeute. Plusieurs fois dans la journée, Charlotte porte un corset pour rééduquer son squelette, déformé par une scoliose. Un exercice limité à quelques minutes pour éviter de la fatiguer. Les parents lui proposent également quelques jeux comme le dessin pour la distraire. Mais ces activités aussi l'épuisent rapidement.

Puis, c’est l’heure du bain et du repas. Charlotte est alimentée par une sonde gastrique abdominales car elle ne peut pas mâcher, ni déglutir. Avant la sieste, le soin ORL recommence puis Amandine et Florent, les parents de Charlotte, l’équipent du respirateur. L'après-midi, les soins recommencent. Des rituels bien rodés depuis trois ans. "Notre quotidien a complètement changé depuis que nous avons appris que Charlotte était atteinte de l’amyotrophie spinale. Notre vie est organisée autour de Charlotte. On est toujours à l’affût de moindre signe. Le jour et la nuit. Et on fait très attention aux virus", explique Amandine. Le plus petit rhume peut entraîner Charlotte aux urgences avec des complications pulmonaires graves.

Une maladie génétique rare

L’amyotrophie spinale (SMA) est une maladie neuromusculaire rare, d’origine génétique. Elle est évolutive et responsable d’une atrophie des muscles, d’une faiblesse générale, d’une perte des fonctions motrices et d’un ralentissement de la fonction respiratoire. Les premiers symptômes peuvent apparaître dès la naissance. Chaque année, une centaine d’enfants, atteints de SMA, naissent en France.

Le diagnostic n’est pas systématique à la naissance et les traitements spécifiques n’en sont encore qu’à leurs débuts. Deux médicaments et une thérapie génique, qui n'est prescrite qu’avant le début des symptômes de la maladie, ont été développés. Si ces traitements peuvent améliorer le développement moteur ainsi que la qualité de vie des patients, ils ne permettent pas de guérir la maladie.

Ça a été un choc pour nous, une tempête. On ne s’imaginait pas que des maladies aussi graves existaient.

Amandine, maman de Charlotte

Charlotte n’a pas pu bénéficier de la thérapie génique. La maladie a été diagnostiquée lorsqu’elle avait un mois, après les premiers symptômes. "Ça a été un choc pour nous, une tempête ! On ne s’imaginait pas que des maladies aussi graves existaient. On a fait la demande de la thérapie génique, mais on nous a répondu que notre enfant était condamnée, qu’elle n'atteindrait pas l’âge d’un an. Mais elle a un autre traitement, administré tous les quatre mois, par ponction lombaire. Les médecins nous disent qu’avec ce médicament, on va gagner du temps. Ça lui maintient un confort de vie", explique Amandine.

Une vie bouleversée par la maladie

La petite fille reste prisonnière d’un corps qui ne répond pas. Seuls ses bras et ses mains sont encore mobiles. Lorsque nous nous sommes rendus au domicile de la famille pour réaliser le reportage, Charlotte était allongée dans le canapé devant La Reine des Neiges, un de ses dessins animés favoris. Ses petites mains dansaient au rythme de la musique et elle affichait un sourire satisfait dès qu’elle apercevait l’héroïne.

Elle en oubliait qu’au bout de son orteil était attaché le câble du scope, l’appareil qui permet de surveiller ses constantes. Une machine dont ne se sépare que très rarement la petite fille. "Si elle a besoin d’oxygène, l’alarme nous avertit. Cela nous permet de nous absenter quelques minutes pour prendre une douche par exemple. Sinon, nous ne la laissons jamais seule, car elle peut avoir besoin de soins d’urgence quand elle s’étouffe. Son lit médicalisé à roulette est toujours dans la cuisine dans la journée pour qu’elle puisse rester en famille avec nous. Et nous la transportons dans sa chambre à l’heure de la sieste et le soir au coucher", raconte la maman de Charlotte.

Nous nous sommes formés à l'utilisation de tous les appareils et aux premiers secours

Amandine, maman de Charlotte

Les parents ont aménagé tout l’espace rez-de-chaussée de la maison pour leur enfant. Amandine nous fait visiter. "L’entrée de la maison a été transformée en salon. Le canapé est disposé de telle sorte que Charlotte peut nous voir et inversement quand on est dans la cuisine. Le salon et la salle à manger sont devenus une salle de soins et la chambre de Charlotte. Il faut de la place pour la table de kiné, les bouteilles d’oxygènes, la baignoire adaptée et les différents appareils", détaille Amandine qui est devenue à la fois infirmière, aide-soignante et même parfois médecin. "Nous avons acquis quelques compétences de soignants à force de les voir faire. Nous nous sommes formés à l'utilisation de tous les appareils et aux premiers secours. C'est indispensable dans les cas où Charlotte est en insuffisance respiratoire et perd connaissance. Et parfois, il faut se débrouiller, inventer, on se sort de situations qu'on n'avait pas imaginées", insiste la maman.

Notre souhait est de sortir de ce monde ultra-médicalisé. On aimerait sortir, aller à la mer, au ciné. Il est temps que Charlotte ait la joie de découvrir l’extérieur.

Amandine, maman de Charlotte

Amandine et Florent ont quitté leur travail pour s’occuper, à plein temps, de leur petite fille et de sa grande sœur de 8 ans. "On s’est entièrement mis à la disposition des besoins de Charlotte. Le planning est très serré entre les soins, les rendez-vous médicaux et les hospitalisations", indique Amandine, qui a obtenu un statut d'aidant familial.

Chaque mois, elle perçoit une allocation d'à peine 1 300 €, un Smic, versé par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Une somme bien dérisoire pour subvenir à tous les besoins de la famille et surtout ceux de Charlotte. "Nous vivons depuis trois ans, entre la maison et l’hôpital, car le moindre déplacement est très difficile pour Charlotte qui se fatigue très vite. Mais notre souhait est de sortir de ce monde ultra-médicalisé. On aimerait sortir, aller à la mer, au ciné... Il est temps que Charlotte ait la joie de découvrir l’extérieur. Les médecins nous disent qu’il faut profiter de chaque instant avec elle. Mais cela demande beaucoup de moyens", se désole Amandine.

Grâce à la débrouille et à l’aide d’associations, la famille a réussi à obtenir un siège auto adapté et recevra bientôt un fauteuil roulant spécifique. "Neufs, ces accessoires coûtent plus de 3 000 euros chacun, sans les options indispensables au handicap de Charlotte. Nous avons pu les obtenir d’occasion grâce à l’aide de personnes qui nous aident, des amis, la famille. Mais tout est à notre charge. La sécurité sociale refuse de financer du matériel, qu’ils appellent "de confort", pointe Amandine.

Sortir de l'isolement

Les parents de Charlotte ont décidé de lancer leur association : Le combat de Charlotte contre l’amyotrophie spinale infantile, pour faire connaître la maladie et sortir de leur isolement. "Nous avons eu l’idée de monter cette association sur les conseils de nos amis qui ont vécu la même chose avec leur petit garçon et qui nous ont beaucoup aidés", explique Amandine.

Les deux couples se sont rencontrés à l’hôpital. Laëtitia et Gwenaël, ont perdu leur enfant, Raphaël, le 18 octobre 2022. Il avait cinq ans. Durant ces années, le couple axonais s’est battu pour obtenir du matériel d’autonomie. Eux aussi, ont dû arrêter leurs activités pour s’occuper de Raphaël, atteint de la même maladie. En 2018, ils ont créé l’association Le petit monde de Raphaël, ont organisé des collectes et ont fait appel à des associations locales.

Nous essayons de faire bouger les choses pour que le dépistage de cette maladie soit obligatoire dès la naissance. Cela sauverait des vies.

Laëtitia, maman de Raphaël

Depuis le décès de Raphaël, ils continuent à aider les parents dans le besoin. "Pour aider à financer le siège-auto de Charlotte, on a organisé une bourse aux jouets et un loto. Nous voulons continuer le combat pour faire connaître cette maladie et le quotidien difficile à vivre pour toute la famille : les nuits blanches, les séjours à l’hôpital, les angoisses des arrêts cardiaques à la maison... Nous apportons des conseils, soutenons des actions. C’est aussi une manière d’entretenir la mémoire de Raphaël. Et surtout, nous essayons de faire bouger les choses pour que le dépistage de cette maladie soit obligatoire dès la naissance. Cela sauverait des vies", assure Laëtitia Demaret, maman de Raphaël.

Amandine et Florent ont aussi trouvé de l’aide dans leur village. Véronique Briot est fonctionnaire à la mairie de Pont-Noyelles. Sur ses temps libres, elle a organisé une collecte de fonds pour la famille de Charlotte. "Ils ont besoin de beaucoup de choses, du matériel, de l’écoute, de la chaleur humaine. J’essaie de collecter des dons dans le village. Un menuisier du village a confectionné des boîtes que nous avons déposées chez les commerçants de Querrieu, la commune voisine et nous allons organiser un loto. Leur situation me touche. Charlotte est une petite fille adorable, très vive, que tout le monde devrait connaître", témoigne Véronique.

Amandine et Florent ont mis en ligne une cagnotte pour les aider à financer le matériel d'autonomie de Charlotte qui lui permettrait de s'ouvrir au monde.  

Ils ont aussi organisé une journée à la mer. Départ dans quelques jours, avec une pointe d'appréhension, mais d'excitation aussi. Grâce aux dons, espèrent faire sortir leur fille du monde médicalisé dans lequel elle vit depuis toujours et réaliser un rêve : aller à Disney. "Ce serait le rêve pour Charlotte, mais pour une journée au parc, il nous faut prévoir deux jours de voyage et les nuits d'hôtel. Sinon, c'est trop fatigant pour Charlotte. Si les dons le permettent, nous pourrons l'emmener", conclut Amandine.

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