Alors qu'une nouvelle zone d'activités doit voir le jour dans l'agglomération d'Amiens, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, luttant contre l'artificialisation des sols, affirme travailler avec la collectivité pour qu'elle "revoit son projet". Le président Alain Gest dément.
L'Amiénoise Barbara Pompili accompagnait ce samedi le premier ministre Jean Castex sur l'ancien site Cosserat d'Amiens, pour vanter par l'exemple la politique de requalification des friches industrielles. Une stratégie de développement que la ministre de la Transition écologique oppose à l'artificialisation des sols, pourtant elle aussi à l'oeuvre à Amiens, notamment à travers le projet de ZAC Boréalia.
Interpelée sur le sujet par l'une de nos équipes, la ministre désavoue le projet.
Avec Boréalia, on est sur un modèle complètement dépassé. On a sur le territoire de la métropole d'Amiens suffisamment d'espaces pour construire des entreprises et des logements sans être obligé d'aller artificialiser. On travaille avec la collectivité pour qu'elle revoit son projet.
Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique
Envisagée depuis "un quart de siècle", la construction d'une zone d'activités de 62 hectares dans sa première tranche (elle pourrait être étendue plus tard jusqu'à 195 hectares) à l'ouest du quartier Renancourt a été présentée par Amiens métropole en mars 2021, pour une commercialisation en 2023, malgré les réticences de certains habitants.
Mais la collectivité doit prendre en compte la loi Climat et Résilience, promulguée en août dernier, qui prévoit de diviser par deux l'artificialisation des sols dans la prochaine décennie.
"Jusqu'en 2030, les élus peuvent artificialiser 9 hectares par an, or à Amiens, on est à 13 hectares et ça va exploser avec Boréalia", analyse Florence Grouillons, membre du collectif Stop Horror Boréalia, qui a rassemblé 32 000 signatures sur une pétition contre le projet.
Le démenti d'Amiens Métropole
"Il n'est pas question de revoir quoi que ce soit", rétorque catégoriquement Alain Gest, le président d'Amiens Métropole, à qui nous avons soumis les déclarations de la ministre. Selon l'élu Les Républicains, le projet se fera de toute façon.
Je n'ai jamais eu de contact sur ce sujet avec Madame Pompili, qui ne connait pas le projet et ne s'est jamais occupée des dossiers d'Amiens Métropole. Nous avons parlé avec la préfecture, nous avons suivi rigoureusement la procédure légale et nous irons jusqu'au bout, sinon ça veut dire qu'on va refuser des implantations d'entreprises, ça s'appelle la décroissance.
Alain Gest, président d'Amiens Métropole
Le président d'agglomération corrige la ministre sur les espaces disponibles en alternative : "On n'a plus de friches ! Celle de Goodyear a été rachetée et ça commence à construire dessus, celle derrière la gare va être refaite, l'ancien centre de tri de La Poste aussi... À part un peu d'espace sur le Pôle Jules Verne, on est au bout."
Alain Gest tape aussi contre le collectif "qui se mobilise contre tous les projets de cette nature à travers la France avec des pétitions signées partout par les mêmes en disant beaucoup de choses fausses." Il souligne qu'il ne s'agit bien "que" de 62 hectares. "Nous avons impérativement besoin de ces hectares supplémentaires", conclue l'élu.
Quelles entreprises ?
La nature des constructions envisagées fait aussi débat. Alain Gest, fier d'avoir accueilli Amazon et ses 600 CDI à Boves en 2017, souligne ici qu'il n'a "jamais dit que les parcelles étaient destinées à faire de la logistique et uniquement de la logistique."
Pourtant, selon le député insoumis de la Somme François Ruffin, également à Amiens pour la visite ministérielle, le projet participe à une dérive stratégique dans le développement de la Picardie : "Il y a des dizaines voire des centaines de bonnes terres bétonnées pour faire des pôles logistiques, mais je ne veux pas que ma région, qui était le grenier de la France, qui a été une grande région industrielle, devienne le hangar de l'Europe."
Le député renvoie le gouvernement et les élus locaux dos à dos, reprochant aux premiers de n'avoir pas créé de moratoire sur les créations de plateformes logistiques, et aux seconds de croire qu'elles créent de l'emploi alors qu'elles en détruiraient davantage.
"Un emploi créé en logistique, c'est 2,2 emplois supprimés dans le commerce de proximité", détaille pour sa part Florence Grouillons, reprenant en réalité un calcul discutable réalisé par le député LREM Mounir Mahjoubi en 2019 concernant Amazon.
Discutable, car il ne prenait pas en compte les dizaines de milliers de livreurs sous-traitants de la plateforme, et partait du postulat que les achats auraient été effectués dans le petit commerce si Amazon n'existait pas. On sait seulement, grace à France Stratégie, que la croissance de l'emploi dans le commerce de détail ralentit dans les secteurs où le commerce en ligne se développe.