"J'ai vu la misère de près, je me dis qu'il faut se bouger" : un agriculteur donne 100 tonnes de pommes de terre aux Restos du Cœur

Un agriculteur retraité va offrir 100 tonnes de pommes de terre aux Restos du Cœur. Un don bienvenu alors que le nombre de bénéficiaires ne cesse d'augmenter.

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Jean-Claude Bouton est un homme de cœur. Et d'expérience. Au parcours atypique. À 74 ans bientôt, cet habitant d'Hérissart, à une vingtaine de kilomètres au nord d'Amiens, dans la Somme, a vécu plusieurs vies. D'abord professeur en économie rurale à l'UPJV, il quitte l'université et devient journaliste au Courrier picard où il est responsable des chroniques découvertes de la côte picarde. "J’ai repris l'exploitation familiale de mon père il y a neuf ans, j'avais 65 ans. D'une carrière dans la communication j'ai dû m'initier à un métier de la terre. Ce n'était pas tout à fait un univers inconnu de moi, mais je suivais ça de loin. Et puis il y a deux ans, on a vendu notre ferme, mais conservé une parcelle de trois hectares à la sortie du village. Un lopin déclaré en parcelle de subsistance".

Jean-Claude, homme d'engagement, profite de sa retraite pour devenir bénévole aux Restos du Cœur avec son épouse. Depuis quatre ans, ils participent régulièrement aux collectes dans les supermarchés ou les magasins de fournitures scolaires. "Ce fut un choc, une grande émotion. Découvrir la générosité des plus modestes, y compris ceux qui avaient bénéficié des actions des Restos, m'a poussé à m'engager plus loin encore dans l'action caritative. L'autre déclencheur pour moi, fut le discours de notre président, Patrice Douret, en septembre 2023. Il prévoyait la fermeture des Restos d'ici à trois ans si rien n'était fait".

"Ici, on produit pour les Restos du cœur"

"Alors, en mai 2023, mon épouse et moi décidons d'utiliser notre parcelle au bénéfice des Restos. Dans notre grande naïveté, nous espérions obtenir facilement quelques aides des collectivités, ce qui n'a absolument pas été le cas". Car le projet est chiffré à 15 000 € pour trois hectares par Jean-Claude Bouton. "Heureusement, une entreprise, Desmazières, à Arras, nous a offert trois tonnes de plants de la variété Esmée, une variété à peau rouge et d'un beau rendement. Pour nous, une économie tout de même de 6 000 €". Pour boucler le budget, c'est le siège parisien des Restos qui verse le reliquat nécessaire à cette opération.

"Il faut noter, nous explique Jean-Claude Bouton, que nous avions fait nos calculs. Et la tonne récoltée sur notre parcelle revenait à 140 € contre 500 à l'achat dans le circuit classique. Pour le Siège, c'était un tarif sans équivalent. Il fallait foncer". Les plants sont buttés, comme on dit, au printemps dernier et depuis, une grande banderole interpelle passants et automobilistes. On peut y lire : "ici, on produit pour les Restos du cœur".

1985-2025 : "un 40e anniversaire que l'on ne voudrait pas fêter"

La généreuse initiative de Jean-Claude Bouton tombe à pic, dans un contexte global de baisse des dons et de hausse de la précarité. "Les Restos du cœur ont été créés il y a 40 ans par Coluche et la pauvreté extrême est toujours et plus que jamais là", nous dit Joël Vast, bénévole et trésorier de l'Association départementale des Restos du Cœur. "En ce moment, nous sommes dans la phase des préinscriptions. Une sorte d'intersaison avant la réouverture mi-novembre. Heureusement, pour faire tourner la boutique, nous pouvons compter sur nos 650 bénévoles". Des effectifs dignes d'une grosse entreprise, répartis aux quatre coins de la Somme dans une trentaine de centres de distribution.

Il faut dire que les besoins ne cessent de croître : "du 1er mai 2023 au 30 avril 2024, nous avons reçu 22 900 bénéficiaires et distribué plus de 1 632 000 repas, rien que dans la Somme. Soit une hausse de plus 15 % par rapport à 2022". Une situation critique, sur fond de réductions de distributions de repas et d'ouvertures moins fréquentes des centres, pour faire face à la baisse des rentrées financières. "Alors c'est sûr, ces 40 tonnes de pommes de terre à un prix défiant toute concurrence, promises par Jean-Claude Bouton, sont attendues avec impatience", conclut Joël Vast.

"L’arrachage démarre la semaine prochaine : j'espère une récolte d'une centaine de tonnes de pommes de terre"

"La météo ne nous a pas permis de débuter l'arrachage plus tôt. J'espère que nous pourrons faire ça la semaine prochaine", nous explique Jean-Claude Bouton, soulagé que cette longue aventure trouve bientôt son épilogue."Elles seront mises en semi-remorques, livrées à un conditionneur puis mises en filets de dix kilos qui seront déposés sur des palettes. Chacun de ces filets portera la mention "2024, 100 tonnes de pommes de terre produites pour les Restos dans la Somme".

Ensuite, les bénévoles des différents centres du département viendront prendre livraison des précieux filets. "50 tonnes sont destinées à la Somme. 50 autres seront cédées à Solaal", précise Jean-Claude Bouton."Solaal, pour Solidarité des Producteurs Agricoles et des Filières Alimentaires, est une association implantée dans les Hauts-de-France. Elle se charge de répartir équitablement entre organismes caritatifs les dons des agriculteurs".

"Je réfléchis déjà à une prochaine opération en faveur des Restos"

"À 74 ans dans quelques jours, je suis toujours un franc-tireur. Et puis j'ai vu la misère de près, je me dis qu'il faut se bouger. La ramasse et les dons sont désormais insuffisants pour satisfaire les besoins de plus en plus considérables dans la population française". Alors notre infatigable bénévole a déjà sa petite idée pour rallier à sa cause d'autres agriculteurs.

"Mon objectif : offrir 1 000 tonnes de pommes de terre aux Restos du Cœur l'année prochaine. L'idée est simple, pour 1 000 tonnes, il faut 20 hectares de parcelles. Les Hauts-de-France comptent 6 000 patatiers, soit un cumul de 100 000 hectares dans notre région ! Si on n'est pas capable de trouver ensemble les parcelles nécessaires pour remplir cet objectif, on est nuls". Quant à la petite parcelle d'Hérissart, "elle ne peut pas accueillir deux années de suite des pommes de terre. Je vais sans doute planter du blé pour produire de la farine. D'après mes prévisions, j'espère en offrir 24 000 paquets aux Restos du Cœur en 2025".

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