Entre mer et falaises, Mers-Les-Bains doit faire face à une double menace : la submersion marine et le recul de son trait de côte dû aux effondrements réguliers de ses falaises sous l'effet des vagues. L'utilisation des galets a longtemps permis de contenir la mer. Mais cette solution commence à montrer ses limites.
À Mers-les-Bains, avec la montée des eaux, le danger est multiple. Située en aval de la rivière la Bresle, ouverte sur la mer, la ville est aussi entourée de falaises hautes de 90 mètres. Des falaises vives, non protégées des assauts de la mer. Des falaises fragiles. En septembre 2023, un pan entier s'est détaché.
Truffées de blockhaus
Atout touristique pour Mers, ces falaises sont aussi une source d'inquiétude pour la commune. À leur sommet, la crête est en effet truffée de blockhaus datant de la Seconde Guerre mondiale. Bien réels, même s'ils ont été recouverts de terre par les municipalités successives. "80 ans plus tard, avec les phénomènes naturels d'infiltration, ça fragilise davantage l'homogénéité de la falaise. Un jour ou l'autre, ça basculera", s'alarme Michel Delépine, maire SE de Mers-Les-Bains.
L'autre marque de fabrique de Mers : sa plage de galets. Provenant des falaises et nécessaires, voire vitaux, pour la protection de la ville contre les submersions marines. Chaque année, 100 à 120 000 euros sont dépensés pour ce que l'on appelle un régalage, une recharge en galets. C'est ce qui explique que l'accès à la mer soit rendu plus difficile pour le simple touriste. "La déclivité de ce rideau de galets est nécessaire pour contrer les assauts de la mer et parfois une gêne pour l'accès à la mer, avoue Michel Delépine. D'où la difficulté de l'exercice de savoir allier les deux : maintenir impérativement un très bon niveau de protection et ne pas annihiler la vocation touristique der Mers-les-Bains."
Efficacité relative des galets
Pour parfaire ce dispositif, huit épis en béton, véritables casiers à galets, protègent la commune. Mais à chaque tempête, leur précieux chargement est emporté au large. Et régulièrement, le vent chasse les galets du sud vers le nord de la plage. Roulés en permanence, les galets perdent en granulométrie. Et donc, en efficacité. "Comme ils sont plus petits et plus légers, ils se déplacent beaucoup plus facilement. C'est un travail de titan parce qu'il faut sans arrêt aller les chercher. Ça coûte beaucoup d'argent. De l'argent et des moyens humains. Et ce n'est pas une ressource illimitée. Il y a des ouvrages aménagés sur le littoral comme Penly qui font que le galet se retrouve déportés beaucoup loin au large et qu'il est beaucoup plus difficile de le capter pour nourrir cet engraissement de galets qui nous est nécessaire", déplore Michel Delépine.
Après les inondations de 1990, un enrochement a été installé en 2006 à l’endroit exact où passaient les paquets de mer. Depuis, l'intérieur de Mers-les-Bains n'a plus subi de submersion marine.
Autant d’équipements qui ont un coût. Un coût tellement élevé que le Gemapi, en charge de la prévention des inondations pour les 28 villes sœurs entre Somme et Seine-Maritime, a décidé d'instaurer un nouvel impôt pour y faire face. "l'État nous a gentiment refilé le bébé, si je puis dire. Aujourd'hui, sur notre territoire, on va chercher 750 000 euros de taxe Gemapi. On va encore une fois ponctionner le contribuable, s'indigne Eddie Facque, maire de Flocques (Seine-Maritime) et président du Gemapi des Villes Sœurs. Et on nous met encore devant le fait accompli : on vous donne les choses et puis débrouillez-vous avec la gestion. Mais on n'aura plus les moyens, à un moment donné, d’entretenir. Donc aujourd'hui, on travaille plus sur la résilience que sur la résistance : il va falloir apprendre à vivre avec l'eau qui va rentrer dans les terres. On n'aura pas le choix".
Et de conclure : "On est sur 70,80 cm de montée des eaux. Et on commence à nous dire 1 m, 1 m 20. Et nous, on est entre nos deux rivières dont le niveau monte et la mer qui monte aussi. Et ce que montrent les modélisations est assez effrayant."
Avec Yolande Malgras / FTV