Le conseil municipal de Toulouse prévu ce vendredi 27 juin s'annonce tendu : consacré aux questions budgétaires il devrait voir s'opposer vivement la nouvelle majorité de Jean-Luc Moudenc à l'opposition menée par l'ancien maire Pierre Cohen qui entend bien défendre son bilan.
Les élections municipales de mars dernier sont déjà loin et pourtant le débat sur l'état des finances de la ville de Toulouse risque d'être aussi mouvementé que pendant la campagne électorale, vendredi lors du conseil municipal consacré au compte administratif 2013.
Un conseil municipal très attendu
Seules 10 délibérations sont inscrites à l'ordre du jour de ce conseil municipal, dont 3 seront défendues par Sacha Briand, l'adjoint aux finances de Jean-Luc Moudenc. L'une concerne le vote du Contrat d'Objectifs et de Moyens (COM) liant la ville à la chaîne locale TLT, dont nous vous avons dévoilé le contenu ici-même et qui prévoit le versement de 2,1 millions d'euros à TLT en 36 mois et la création d'un comité de contrôle et de suivi.Les deux autres concernent le compte administratif 2013 de la ville de Toulouse et le compte de gestion du budget 2013, c'est à dire l'état des finances de la ville de Toulouse.
Des semaines d'échanges musclés
Depuis le changement de majorité au Capitole, l'état des comptes a déjà donné lieu à de nombreuses passes d'armes, notamment médiatiques, entre l'ancien maire PS Pierre Cohen et son successeur UMP Jean-Luc Moudenc. Mais c'est la première fois que cet état des lieux sera débattu, documents à l'appui, en conseil municipal.Les deux opposants politiques jugent d'ailleurs le sujet suffisamment important pour organiser chacun deux conférences de presse jeudi 26 juin, à la veille du conseil municipal.
"De la mise en scène" pour Pierre Cohen
"Les masques tombent", "c'est de la mise en scène". C'est la gauche unie (PS-PCF-PRG-EELV) qui a ouvert le feu ce jeudi matin dans un registre théâtral. Autour de Pierre Cohen, les élus de gauche du conseil municipal ont souligné que, selon eux, le discours de Jean-Luc Moudenc a changé : "Ce n'est plus notre mauvaise gestion qui est mise en cause, a souligné notamment Joël Careiras, l'ancien adjoint PS aux finances. Maintenant Jean-Luc Moudenc dit que c'est la baisse des dotations de l'Etat ! Qu'il ne dise pas qu'il ignorait pendant la campagne que les collectivités locales allaient être impactées par le plan d'économie voulu par François Hollande".Pour l'intergroupe de gauche, le "scénario" prévu est en train de se réaliser : le nouveau maire de Toulouse cherche des arguments pour abandonner une partie d'un programme que la gauche estime irréalisable.
Polémique autour du "trou" dans les finances de la ville
Ces dernières semaines, le maire UMP Jean-Luc Moudenc a reproché à Pierre Cohen d'avoir laissé les caisses vides. Dès le 15 avril, moins de 3 semaines après l'élection, l'entourage du maire avait fait fuiter des chiffres dans la presse : il manquerait entre 90 et 100 millions d'euros pour clore le budget 2014, préparé par l'équipe précédente. Pour Joël Careiras, l'audit commandé par Jean-Luc Moudenc à un cabinet spécialisé "n'a pas trouvé de trou de 90 ou 100 millions, parce qu'il n'y en a pas !".90 millions nécessaires ?
Dans l'interview qu'il avait accordée au site internet de France 3 Midi-Pyrénées à l'occasion de ses deux premiers mois au Capitole, fin mai, Jean-Luc Moudenc donnait moins de détails sur les chiffres mais promettait un débat autour de la publication du compte administratif 2013, ce qui sera donc le cas ce vendredi. Mais devant la presse jeudi, son adjoint aux finances Sacha Briand, s'appuyant sur les conclusions de l'audit commandé par la ville, estime que si tous les investissements inscrits au budget 2014 par l'ancienne équipe étaient réalisés, il faudrait recourir à 90 millions d'euros d'emprunt pour équilibrer le budget. Jean-Luc Moudenc veut donc faire des économies tout de suite (lire plus bas), pour avoir à recourir "au minimum" à l'emprunt en fin d'année."Pratiques anormales" et budget "électoraliste"
Jean-Luc Moudenc avait également accusé Pierre Cohen d'avoir "arrosé" les associations durant les premiers mois de l'année, c'est à dire pendant la campagne électorale. L'ancienne majorité de gauche, par la voix de Pierre Cohen a qualifié les accusations du nouveau maire de "mensonges". Jean-Luc Moudenc a réitéré devant la presse ce jeudi ses accusations : "Le budget 2014 voté en 2013 était un budget électoraliste, a-t-il dit, et insincère avec par exemple une sous-évaluation de 10 millions d'euros de la masse salariale ou des événements même pas budgétés, comme le Cirque de Noël".Des "contraintes fortes jamais connues", selon Jean-Luc Moudenc
Devant la presse Jean-Luc Moudenc a estimé que Toulouse se trouvait selon lui face "à des contraintes financières fortes comme elle n'en a jamais connues". Le maire estime que l'état des finances laissées par l'équipe précédente (notamment la volonté de l'ancien maire Pierre Cohen de "détruire l'épargne" selon les termes de son successeur) couplée à la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités locales placent la ville et la communauté d'agglomération face "à des aléas très forts".510 millions de baisse des dotations de l'Etat d'ici 2020 ?
Selon Jean-Luc Moudenc, la ville va devoir faire face à une forte baisse des dotations de l'Etat : le plan d'économies du gouvernement pourrait conduire à une perte, selon les services de la ville, de 240 millions d'euros pour la ville et 270 millions d'euros pour la métropole sur la mandature (2014-2020). Cela aura "des conséquences dramatiques sur l'économie locale" selon Jean-Luc Moudenc qui précise toutefois qu'il s'agit encore "d'estimations qui demandent à être affinées".Chasse aux dépenses et non-remplacement de départ à la retraite
Jean-Luc Moudenc a donc chargé ses équipes de faire la "chasse aux dépenses inutiles". Il veut tenir sa promesse de ne pas augmenter les impôts locaux mais indique vouloir ajuster le programme d'investissement en 2015 et éventuellement reporter des projets. Ces contraintes conduisent Jean-Luc Moudenc à vouloir "reconstituer l'épargne pour accomplir notre projet" mais "selon un calendrier qui sera peut-être bousculé".Des secteurs seront "sanctuarisés" comme la sécurité (avec le recrutement de 30 premiers policiers municipaux supplémentaires financé selon Jean-Luc Moudenc par "le non-remplacement d'agents municipaux partis à la retraite").
Il précise aussi que l'ensemble du Grand Projet de Ville (GPV) dans les quartiers difficiles sera exécuté en 2014, à l'exception de La Maison de l'Image à la Reynerie qui a déjà été abandonnée.
Un audit, deux interprétations
L'audit commandé à un cabinet spécialisé par le maire Jean-Luc Moudenc produit deux interprétations selon le camp politique. La gauche reconnait avoir puiser dans l'épargne de la ville mais selon elle, cet audit prouve que l'épargne globale n'a pas baissé entre 2008 et 2013 si l'on additionne les bas de laine de la ville, de la communauté urbaine et du syndicat mixte des transports (SMTC) : 115 millions en 2008, 114 en 2013.Faux, dit la droite, par la voix de Sacha Briand, car la transformation de la communauté d'agglomération en communauté urbaine a rapporté 27 millions d'euros de plus en dotation de l'Etat par an et par conséquent le total de l'épargne devrait être de 140 millions.
Et l'ex-majorité fournit aussi des arguments à l'encontre de Jean-Luc Moudenc : Pierre Cohen indique avoir puisé dans les économies de la ville et de Toulouse Métropole pour désendetter le syndicat mixte des transports en commun (SMTC-Tisséo) qui croulait sous les dettes laissées par l'ancien maire de Toulouse (de 2004 à 2008) : Jean-Luc Moudenc ! "Monsieur Moudenc a inauguré la ligne B de métro, souligne l'écologiste Michèle Bleuze, et nous ensuite, nous nous sommes donnés les moyens de la payer !". Ce que conteste fermement les équipes de Jean-Luc Moudenc.