La "société française" annoncée lundi par Gérard Lopez pour "détenir le LOSC" a été immatriculée le 13 janvier dernier à Paris, sous le nom de L Holding. Une filiale à 100% de Victory Soccer, une société britannique contrôlée via deux sociétés offshore.
La société L Holding a été immatriculée vendredi 13 janvier auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris, le jour-même où Gérard Lopez s'est rendu dans la métropole lilloise pour sa passation de pouvoir médiatique avec Michel Seydoux. Le repreneur du LOSC apparaît - sous son véritable nom à l'état civil, Gerardo Lopez Fojaca - comme président de cette Société par Actions Simplifiée (SAS) au capital de 1000 euros, domiciliée place de la Madeleine, dans le 8e arrondissement parisien. Ses activités principales sont "la prise de participation, par voie d'apport, d'achat, de souscription ou autrement, dans toutes les sociétés, quelle qu'en soit la forme et l'objet ; toutes prestations de services et de conseil en matière administrative, comptable, financière, informatique, commerciale, de gestion ou autre", selon l'extrait Kbis que nous avons pu consulter. Elle devrait détenir, une fois la vente bouclée, 95% de la SA Lille LOSC ainsi que ses filiales comme la SCI qui détient le Domaine de Luchin, siège administratif et centre d'entraînement des Dogues.
D'autres formalités (attribution du numéro unique d'identification, modification SIRET...) sont également enregistrées à la date du mardi 17 janvier, veille du rendez-vous initialement fixé avec la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG), le "gendarme financier" du foot français. Un rendez-vous finalement repoussé d'une semaine à la demande de la nouvelle direction du LOSC. "Le LOSC a souhaité, pour des raisons purement administratives, reprogrammer l’audition initialement prévue le 18 janvier à la semaine prochaine et en a émis la demande auprès de la DNCG. Cette demande n’a aucun impact sur la bonne continuité des échanges et dossiers en cours", avait indiqué le club dans un communiqué.
Maillon supplémentaire
Les "négociations exclusives" sur la vente du LOSC ayant officiellement débuté le 16 octobre, il y a plus de trois mois, cette immatriculation survient très tardivement, 7 jours seulement avant l'échéance du 20 janvier, initialement annoncée par le LOSC pour le "closing" (vente définitive) après la signature, le 22 décembre, du protocole de vente entre Michel Seydoux et l'homme d'affaires hispano-luxembourgeois. Selon un document que nous avons pu consulter auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris (en date du 9 janvier), L Holding est la filiale à 100% de Victory Soccer, une société britannique qui, selon la biographie officielle de Gérard Lopez transmise par le LOSC, "regroupe (ses) activités d’investissement dans le monde du sport". Domiciliée à Londres, cette "maison-mère" - dont le capital social s'élève à 1000£ (environ 1155 euros) - est longtemps restée une société dormante, sans activité commerciale d'après les documents consultables au registre du commerce et des sociétés britannique. Elle a même failli être radiée au mois de juin 2016.Lundi dernier, nous révélions avec Mediapart et Mediacités que Victory Soccer appartenait à 100% à une société hong-kongaise, Chimera Consulting, elle-même détenue à 100% par Incredible Wealth, une offshore située dans les opaques Îles Vierges Britanniques. "Ces structurations sont tout à fait légales, et n’ont qu’un seul bénéficiaire économique en la personne de Gérard Lopez", nous avait répondu le repreneur du LOSC, par l'intermédiaire de son avocat Me Nicolas Huc-Morel. Ce que nous n'avons pas été en mesure de vérifier, les Îles Vierges Britanniques ne disposant pas d'un registre public des bénéficiaires des sociétés.
"Elles ont été approuvées par toutes les instances compétentes dont la DNCG", nous avait-on également fait savoir. Or, un porte-parole de la Fédération Française de Football (FFF) nous a précisé mardi que "la DNCG (Direction Nationale de Contrôle de Gestion) contrôle les finances des clubs, pas l’origine des fonds. Ce dernier point relève de Tracfin [le service de renseignement de Bercy qui lutte contre le blanchiment, ndlr]. La DNCG demande des informations sur l’actionnaire de référence , la surface et les garanties financières".
"Pour éviter les problèmes, on a créé une société française qui va détenir le LOSC. Toutes les parts de cette société seront détenues par Victory Soccer, société basée à Londres qui m'appartient à 100%", avait annoncé Gérard Lopez, lundi, à la suite de la parution de l'enquête menée avec Mediapart et Mediacités. Le capital de L Holding ayant été constitué le 9 janvier 2017, une semaine avant cette parution (et bien avant qu'on ne sollicite Gérard Lopez sur le sujet), il est désormais établi que la création de cette société n'est en rien la conséquence de nos révélations. Elle était déjà en cours de constitution lorsque Gérard Lopez s'est présenté devant la presse vendredi dernier.
Curieusement, lorsqu'on l'avait interrogé ce jour-là sur la future "société-mère" du LOSC, il n'avait parlé que de Victory Soccer, la société britannique, et n'avait pas mentionné L Holding, la société parisienne.La création de ce nouveau maillon français dans le montage opéré pour racheter le club nordiste change juste juridiquement l'"actionnaire de référence" du LOSC (celui qui en principe doit rendre directement des comptes à la DNCG, selon le porte-parole de la FFF) mais absolument rien à la chaîne de propriété (et de financement) qui conduit toujours vers Hong-Kong et le paradis fiscal des Îles Vierges Britanniques.