Hafiz Mammadov, propriétaire du RC Lens, pointe toujours aux abonnés absents. L'insaisissable homme d'affaires azerbaïdjanais se débat depuis un an dans des soucis financiers et judiciaires. Mais certains médias, dans son pays, le disent pourtant prêt à refaire surface.

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"Je n’ai pas de nouvelles. Nous travaillons sur le dossier pour aboutir à une solution dans les quatre ou cinq mois qui viennent. J’étais encore à Paris mardi dernier pour ça. Soit il ressurgit, soit il est remplacé". Ainsi s'exprimait Gervais Martel, le 27 juillet dernier, au sujet de son associé et actionnaire majoritaire azerbaïdjanais Hafiz Mammadov.  

A ce jour, l'homme d'affaires reste donc le propriétaire du RC Lens, avec 99,99% des parts de RCL Holding, la "maison-mère" du club artésien. Associés au sein de cette holding basée à Paris, Mammadov et Martel ne se sont toujours pas réunis en assemblée générale pour approuver les comptes... de l'année dernière. Le tribunal de commerce leur avait accordé un premier délai jusqu'au 31 juillet 2015. Début août, ce délai a été prorogé jusqu'au 30 septembre. Les juristes qui accompagnent Gervais Martel ont-ils avancé sur le dossier ? "J’ai donné une deadline qui est décembre 2015", a répondu le président lensois, au micro beIN Sports lors du match contre Créteil. "On a encore du temps puisqu’on est le 14 août. Il reste du temps". 

Club relégué et prêts non remboursés

Dans son pays, Hafiz Mammadov reste tout autant invisible et insaisissable. Des journalistes de RMC et Ouest France ont voulu profiter des Jeux européens de Bakou, en juin, pour tenter de le rencontrer. En vain... Nos confrères ont juste pu constater l'état de délabrement de son autre club de football, le FC Bakou, qu'il ne finance plus depuis un an. "Des hommes nous ont interdit de prendre la moindre image mais la pelouse du terrain d’entraînement principal est brûlée, tandis que les sièges n’ont plus de siège que le nom", rapportait ainsi RMC (les dernières photos postées, mi-août, sur la page Facebook du club montrent toutefois une pelouse en bien meilleur état). L'équipe a d'ailleurs été reléguée administrativement en deuxième division, faute de garanties financières suffisantes. Le 8 août dernier, la saison 2015/2016 de Premyer Liqası, l'élite du football azerbaïdjanais, a donc débuté sans le FC Bakou, club que Mammadov avait pourtant conduit par deux fois au titre de champion national.


Mais il n'y a pas que sur le plan sportif que les choses vont mal pour Mammadov en Azerbaïdjan. Fin mai, des médias azéris annonçaient qu'il faisait l'objet d'un mandat d'arrêt et qu'il s'était réfugié à Londres, en Grande-Bretagne, où vit un de ses fils. L'homme d'affaire serait impliqué dans une vaste affaire de détournements de fonds, liés à des prêts frauduleux accordés par l'International Bank of Azerbaijan, une banque publique azerbaïdjanaise (à ne pas confondre avec la Bank of Azerbaijan, banque privée dont Hafiz Mammadov préside le conseil de surveillance). Selon AzPolitika qui revendique "des sources fiables", Hafiz Mammadov aurait bénéficié, pour son entreprise, le Baghlan Group, d'un prêt de 100 millions de manats (environ 85 millions d'euros) qu'il n'a jamais remboursé, ce qui expliquerait le gel de ses comptes survenu l'été dernier. A l'époque, "Hafka" avait vivement démenti avoir filé à l'anglaise. "L'information au sujet de ma fuite du pays est un mensonge absolu", avait-il fait savoir. "Actuellement, je suis à Londres pour un traitement. Je rencontre des problèmes avec ma jambe. Dans les prochains jours, je serai de retour à Bakou. Juste après mon retour, je suis prêt à vous rencontrer et à répondre à toutes vos questions."  

"Ceux qui m'ont frappé dans le dos seront punis"

Pendant les trois mois qui ont suivi, silence radio... ou presque. Lundi, Yeni Müsavat, l'un des principaux journaux d'opposition en Azerbaïdjan, a enfin donné de ses nouvelles. Alors que 17 personnes ont été interpellées et écrouées la semaine dernière dans le cadre de cette fameuse enquête sur les prêts frauduleux, Hafiz Mammadov aurait finalement été épargné. Son nom ne figurerait plus dans la liste des débiteurs de l'International Bank of Azerbaijan. "Selon nos informations, la dette d'Hafka aurait été miraculeusement réglée le mois dernier", explique Yeni Müsavat. "Cela confirmerait l'amélioration de la situation financière du président du FC Bakou. Ainsi, il y a quelques jours, Hafka a dit que les salaires des joueurs seraient versés avant la fin août. Il leur a redit, depuis, qu'ils seraient payés en temps et en heure".


Le journal cite également un Mammadov vindicatif et prêt à en découdre. "Ceux qui m'ont frappé dans le dos seront punis", prévient-il. "Tous mes problèmes sont presque résolus. Il ne me reste qu'une ou deux choses à régler." Hafiz Mammadov va-t-il rebondir ou s'agit-il d'une nouvelle rodomontade, d'un énième coup de bluff ? Il convient en effet de rester prudent. Dans un pays aussi peu transparent que l'Azerbaïdjan, ces affirmations restent invérifiables. Plusieurs médias azéris semblent également agiter Hafiz Mammadov comme une sorte d'épouvantail pour tenter de destabiliser d'autres potentats locaux, notamment Ziya Mammadov (sans lien de parenté), l'indéboulonnable ministre des Transports d'Azerbaïdjan, et son fils Anar. Ces deux personnages ont été très proches d'"Hafka" et auraient même contribué à sa fortune, mais ils lui auraient tourné le dos depuis. Le nom d'Anar Mammadov avait même été évoqué, en janvier, par Gervais Martel pour reprendre les parts d'Hafiz dans le RC Lens.

Une procédure de la BNP Paribas contre le Baghlan Group

Si Hafiz Mammadov indique que ses problèmes sont "presque" résolus, c'est qu'il a encore d'autres soucis à régler, en dehors de l'Azerbaïdjan. Ça se passe cette fois sous les tropiques dans le cadre exotique et fiscalement bienveillant des Îles Vierges Britanniques. Baghlan Group Limited, l'une des branches off-shore de son groupe, fait l'objet là-bas d'une procédure de liquidation judiciaire initiée à la demande de BNP Paribas Trust Corporation UK Limited, filiale locale de la célèbre banque française. En 2012, le Baghlan Group avait souscrit en association avec elle un emprunt obligataire de 150 millions de dollars sur la bourse des Îles Caïman, comme le rappelle le site anglophone Contact.az. Cet emprunt était destiné à financer Bahar Energy, une filiale de Baghlan, en charge de relancer l'exploitation de gisements d'hydrocarbures en Mer Caspienne. C'est l'incapacité de Mammadov de rembourser en décembre 2013 l'une des échéances de cet emprunt qui a marqué le début de ses gros ennuis. Baghlan a perdu, depuis, ses parts dans Bahar mais la BNP n'a pas fait pour autant une croix sur cette dette dont elle attendait le remboursement cet été.   


A l'issue de l'audience qui a eu lieu le 13 juillet devant le tribunal de commerce des Îles Vierges Britanniques, un liquidateur a été désigné selon le site azéri d'information économique, Abc.az. Les créanciers avaient jusqu'au 29 juillet pour se manifester. Nous avons contacté BNP Paribas pour tenter d'en savoir plus. "Nous ne ferons aucun commentaire", nous a répondu ce mercredi une porte-parole du groupe bancaire français. Le RC Lens peut-il être impacté d'une façon ou d'une autre par cette liquidation ? A ce stade, non. Sur le site de Greenfields Petroleum, une société américaine ex-partenaire de Baghlan au sein de Bahar Energy, il est indiqué que Baghlan Group Limited n'est qu'une filiale à 100% (a wholly-owned subsidiary) de Baghlan Group FZCO, implantée, elle, à... Dubaï, aux Emirats Arabes Unis. C'est elle la "maison-mère" et c'est sa branche azerbaïdjanaise, domiciliée à Bakou, qui détient 99,99% de RCL Holding. Le RC Lens est donc un actif de ce groupe, dont la vente pourrait intéresser ses créanciers. Mais pour contraindre Mammadov à lâcher ses parts, il faudrait que la BNP lance une procédure contre Baghlan Group FZCO, aux Emirats Arabes Unis. Ce qui peut prendre un certain temps, voire ne jamais arriver...

Quelles solutions pour Gervais Martel ?       

Cette année, le RC Lens n'a pas pu compter sur l'argent de son actionnaire majoritaire, qui avait versé une vingtaine de millions d'euros à son arrivée à  l'été 2013. Si Gervais Martel a reçu le feu vert de la DNCG pour évoluer en Ligue 2, c'est au prix d'une réduction drastique de sa masse salariale, avec pour contrainte supplémentaire, de devoir uniquement recruter des joueurs sans club, "gratuits", ou prêtés. Les Sang et Or ont dû aussi céder quelques jeunes prometteurs comme Baptiste Guillaume (parti au LOSC), ainsi que Jeff Reine-Adelaide et Yacine Fortune (vendus tous deux à Arsenal). Ces ventes ont rapporté entre 8 et 10 millions d'euros. Mais le RC Lens ne pourra pas éternellement s'autofinancer.


Tant que Mammadov restera propriétaire du RC Lens, aucun nouvel investisseur ne viendra mettre de l'argent dans le club. Mais jusqu'ici, "il n’a pas voulu céder un seul % de ses parts", déplorait Gervais Martel en conférence de presse fin juin. Le sénateur-maire socialiste d'Orchies, Dominique Bailly - qui disait avoir réuni un groupe d'investisseurs intéressés par le rachat du club - avait suggéré au président lensois de déposer le bilan de RCL Holding pour se débarrasser de son encombrant partenaire azerbaïdjanais. "On dépose le bilan d’une entité quand on est en cessation de paiement", avait sèchement répondu Martel. "Ni la SASP (c'est à dire le club NDR), ni la holding ne sont en cessation de paiement." Selon lui, il existait une autre solution, mais difficile à mettre en oeuvre. "On peut faire un constat de carence de l’actionnaire principal. Mais ça ne se fait pas en 2 secondes, il faut saisir les tribunaux compétents". Juridiquement en effet, cela s'annonce très complexe. Car, comme nous l'expliquions au mois de mai, les statuts de RCL Holding n'ont pas prévu de "clause d'exclusion", au cas où l'un des actionnaires ne remplirait pas ses obligations... 

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