RC Lens : Gervais Martel pris en étau ?

Egratigné lundi soir par le président de région Daniel Percheron, Gervais Martel va peut-être devoir affronter un retour en force de son associé et actionnaire majoritaire, Hafiz Mammadov, avec lequel il est en froid depuis plus d'un an.

"Depuis qu'André Delelis (ancien maire de Lens NDR) s'est retiré, le RC Lens décline". Cette petite phrase lâchée lundi soir par Daniel Percheron au micro de France Bleu Nord a sonné comme un violent de désaveu de la gestion de Gervais Martel depuis le titre de champion de France décoché par les Sang et Or en 1998. "Ce que je crains, c'est que devant les difficultés, le président - qui fait des miracles - réduise en quelque sorte chaque fois un peu le moteur", a-t-il ajouté. "Aucun club en France n'a bénéficié des 130 millions d'euros qui ont irrigué le Racing Club de Lens en 3 ans et demi. Je crois qu'il faut savoir à un moment donné quelle est la vérité de notre club".

Le président socialiste du Conseil régional du Nord Pas-de-Calais - qui avait accompagné Gervais Martel, fin juin, devant la DNCG, le gendarme financier du foot français - a surpris son monde en annonçant en début de semaine qu'il était allé en Azerbaïdjan rencontrer personnellement Hafiz Mammadov, l'actionnaire majoritaire du club. "Je lui ai demandé d’ouvrir le capital du club, d’ouvrir la gouvernance aux forces vives du territoire. Sa réponse fut positive", a-t-il affirmé. Une démarche qui a de quoi surprendre.

Une alliance Percheron-Mammadov-Thuilot ?

Ce mercredi, le journal L'Equipe révèle de nouvelles informations sur cette rencontre Percheron/Mammadov. D'après le quotidien sportif, les deux hommes se sont entretenus au domicile de l'homme d'affaires à Bakou, les 27 et 28 septembre. Le président de région était accompagné de l'ambassadeur de France, du chef du protocole du ministère des affaires étrangères d'Azerbaïdjan et de Xavier Thuilot, l'ex-directeur général adjoint du RC Lens écarté cet été par Gervais Martel. Daniel Percheron aurait été alerté "il y a quelques semaines" par Didier Roudet (directeur général adjoint NDR) et Jocelyn Blanchard (directeur sportif) , très inquiets de la situation financière du club malgré le feu accordé en juin dernier par la DNCG.
Selon L'Equipe, qui cite une "source diplomatique", Hafiz Mammadov serait en phase de réhabilitation politique mais aussi financière dans son pays, ce qu'annonçaient déjà certains médias locaux l'été dernier.  Il serait prêt à s'impliquer de nouveau à Lens avec une ouverture du capital et la mise en place d'une nouvelle gouvernance, plus transparente. Mammadov souhaiterait ainsi créer "un contre-pouvoir" à Gervais Martel. Il aurait également rappelé à Daniel Percheron qu'il avait prévenu le président des Sang et Or de ses difficultés financières dès le mois d'avril 2014 et qu'il lui avait demandé de s'auto-gérer provisoirement. Mais Gervais Martel l'aurait "volontairement doublé en proposant un budget de L1 bien supérieur à la DNCG", affirme le quotidien sportif.

Cohabitation impossible ?

Du coup, Hafiz Mammadov aurait accepté de se rendre à Lens en novembre, pour une inauguration privée du Stade Bollaert-Delelis rénové. Les retrouvailles avec Gervais Martel s'annoncent à l'évidence très tendues tant le président du RC Lens n'a pas manqué d'égratigner publiquement, ces derniers mois, son partenaire azerbaïdjanais. "Soit il resurgit – ce dont je doute –, et il demeure l’actionnaire principal. Soit on trouvera une autre solution", déclarait-il encore fin septembre dans une interview à La Voix du Nord. "J’espère trouver une issue d’ici à décembre. On ne peut pas continuer avec un actionnaire invisible. Notre dernier contact remonte à cinq ou six semaines et il me dit qu’il est toujours là mais je vois bien la réalité des choses. Ça fait un an que je me démerde tout seul."


En jouant la carte Mammadov, Daniel Percheron entend-il désormais le pousser vers la sortie ? Si telle est son intention, le risque de blocage est grand car les statuts de RCL Holding, la société parisienne qui possède le club artésien, protègent le président des Sang et Or. Gervais Martel ne détient que 0.01% du capital (contre 99.99% pour Mammadov) mais 40% des voix au conseil d'administration (contre 60% pour Mammadov), ainsi qu'une minorité de blocage sur les décisions stratégiques importantes. Aucune évolution de l'actionnariat ne peut se faire, en principe, sans son aval.

Comment opérer un changement de gouvernance ?

Selon Daniel Percheron, Hafiz Mammadov aurait accepté de descendre ses parts à 98% pour permettre l'entrée au capital d'une coopérative d'intérêt collectif qui regrouperait supporters, collectivités locales et entrepreneurs du cru, sur le modèle des "trusts" qui existent en Angleterre. Une idée défendue depuis plusieurs années par le sénateur-maire PS d'Orchies, Dominique Bailly. Mais ce dernier - pourtant cité par Daniel Percheron lundi soir - semble avoir été tenu à l'écart des récentes manoeuvres opérées autour du club. "Je n'étais pas à Bakou", nous a-t-il confié. "Il y une interrogation dans tout ça. Celle d'une holding avec un actionnariat majoritaire d'Hafiz Mammadov. Moi, je n'ai aucune certitude sur son positionnement aujourd'hui. On me dit qu'on a été le voir, qu'il serait d'accord pour... Depuis des mois, comme vous, j'entends cette petite musique, que ce soit sur ce projet ou sur un autre. C'est compliqué, si je prends l'image symbolique d'une chaîne qui représenterait le Racing Club de Lens, d'avoir un maillon dont on n'est pas sûr. On en est là encore aujourd'hui avant de se donner des perspectives d'avenir plus fortes. De ce que je peux avoir comme retours, on est sur du verbal, il n'y a rien de signé. Je ne pense pas qu'il y ait de contractualisation avec Hafiz Mammadov. Il y a donc encore cette part d'incertitude".


"Tout le monde sait qu'à un moment donné, il faudra changer de gouvernance, le tout c'est de le faire avec des certitudes et des bases solides", estime Dominique Bailly, qui avait plaidé en juin pour un dépôt de bilan de la holding qui aurait permis une reprise du club par d'autres investisseurs, sans Mammadov. "La représentativité des supporters semble actée par tout le monde désormais, c'est très bien. Mais si vous n'avez pas les fonds nécessaires , vous avez beau avoir un pouvoir de décision, ce n'est pas ça qui assurera la pérennité financière du club". Quoiqu'il en soit , si cette future coopérative veut peser dans la balance, il faudra impérativement revoir les statuts juridiques de la holding. Ce qui ne peut se faire qu'avec l'accord de Gervais Martel. "Il est incontournable comme l'est Mammadov aujourd'hui dans la constitution statutaire de la holding", analyse l'élu socialiste. "Ça fait quand même beaucoup".  L'approche de certaines échéances va-t-elle contraindre Gervais Martel à plier ? Selon Daniel Percheron, un engagement  aurait été pris auprès de la DNCG pour réformer la gouvernance du club avant le 31 octobre prochain. Les semaines qui viennent s'annoncent donc très tendues en coulisses... 
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