Bio ou pas bio ? à Marchésieux, dans les marais du Cotentin, on a la réponse

Bio ou pas bio? On a le sentiment aujourd'hui que l'agriculture est à la croisée des chemins. Pour en juger, faisons étape à Marchésieux, une commune du centre-Manche, historiquement engagée... Voici pourquoi et comment...

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Vous êtes bio ou pas bio ? Moitié moitié.
Parfaite réponse de normand.
On peut l’entendre à Marchésieux dans la Manche. Un 50/50 qui ne manque pas de surprendre. Certes en Normandie comme ailleurs l’agro-écologie gagne du terrain mais on est en général bien loin de cette proportion. Que se passe-t-il donc là à Marchésieux dans les marais du Cotentin? C’est une réalité ancrée dans une longue et riche histoire que nous découvrons dans ce feuilleton en quatre épisodes signés Rémi Mauger, Cyril Duponchel, Carole Lefrançois, Olivier Cunat et Fabrice Lefeuvre.

Jusqu’où faut-il remonter? À une bonne quarantaine d’années sans doute après qu’une « conscience écologique » soit venue titiller la société. En 1974 la candidature à l’élection présidentielle d’un certain René Dumont pose les bases d’une remise en cause des relations entre l’homme et la nature. Il est agronome, il n’est pas révolutionnaire, pas opposé à la propriété foncière mais il plaide en faveur d’une agriculture partageant équitablement les fruits du travail et soucieuse de la préservation de la terre. Il dénonce le productivisme et une forme de fuite en avant mise en œuvre dès l’après-guerre et renforcée par la politique agricole commune.

Nous voici donc à Marchésieux, non pour en raconter l’histoire mais pour voir où en sont ces paysans dans ce marais du Cotentin là où, mine de rien, les pratiquants du bio ont fait des émules. 50/50, un record. Et quelques surprises à la clé…
 

L'agriculture à Marchésieux : toute une histoire

Intervenants :
Pascal Férey, président (FNSEA) de la chambre d'agriculture de la Manche
Michel Houssin, agriculteur - Confédération paysanne

A Marchésieux, dans les marais du Cotentin, l’écho des sirènes du progrès se propage avec peine. C’est un pays pauvre où certains agriculteurs comprennent que le modernisme uniforme ne passera pas par eux.
Parmi ces paysans avisés il y a Léon Ourry. Dans sa jeunesse il fut membre de la FNSEA, le syndicat majoritaire des campagnes françaises mais il va s’en éloigner et contester sa ligne productiviste. Lui l’ancien de la JAC, la Jeunesse Agricole Catholique confirme son tournant idéologique en adhérant au PSU puis aux mouvements écologistes. Maire de sa commune pendant plus de vingt ans il lance une réflexion sur la dépendance énergétique et contribue à la création de l’Aden, Association Des Energies Nouvelles puis de l’Adame des Marais. Le remembrement opéré localement, la volonté commune de replanter des haies là où la restructuration territoriale les condamne, le choix d’investir dans une chaudière municipale, toute cette logique de production/consommation locale lui doivent beaucoup. A lui-même et toute la dynamique collective qu’il sut impulser. Bien sûr cette vision du monde et ces pratiques ne furent pas partagées par tous au village, loin de là. Nombreux étaient les agriculteurs acquis à la cause du progrès qui regardaient comme des indiens ces écologistes utopistes. Mais les temps ont changé, beaucoup changé. L’agriculture bio est en vogue, répondant à la demande croissante d’une société qui va jusqu’à prendre en grippe les agriculteurs dits conventionnels, accusés de ne respecter ni leur terre, ni leurs cultures ni leurs animaux.

 

 Marchésieux bio ? p'têt ben qu'oui, p'têt ben que non...

Intervenants :
Christophe Salmon, agriculteur
Patrick Poulain, agriculteur retraité
Pascal Férey, président (FNSEA) de la chambre d'agriculture de la Manche
Léon Ourry, agriculteur retraité

Poursuivons notre drôle de partie de campagne. Qu’avons-nous découvert dans l’épisode précédent ? Qu’il existe dans un coin assez atypique de Normandie une commune où l’agriculture dite conventionnelle est presque minoritaire tant la tendance à l’agro-écologie apparue ici de longue date s’est ancrée dans le territoire. Sur une surface agricole d’environ 2 000 hectares (la commune est vaste) Marchésieux compte une douzaine d’exploitations pour la plupart laitières. Elles réunissent une vingtaine d’agriculteurs dont une moitié dans le camp des bio.
Et les autres ? Compliqué. Tous ne sont pas à l’image de l’enfant du pays Pascal Férey, grand patron de la FDSEA du département, qui n’a pas fini de nous étonner au fil de ce feuilleton. Lui, ses troupes et les « zécolos de Marchoux » - affectueux diminutif autochtone – n’ont pas toujours entretenu des relations cordiales. Or après des décennies de guéguerre autour d’une agriculture plus ou moins verte et attentive à l’environnement cet homme-là, actuel président de la Chambre d’agriculture de la Manche a le courage d’avouer qu’il en a manqué, qu’il ne s’est pas converti au bio parce que c’est compliqué et qu’il a eu « la trouille ».

- Pourquoi vous n'êtes pas bio ?
- Parce que c'est trop complexe pour moi. Faut être extrêmement compétent. (...) Ca fait 27 ans que j'ai pas mis une charrue dans le sol. (...)  Je suis à la limite du bio mais je n'ai pas franchi le pas. Parce que je suis un trouillard.
Pascal Ferey, président FDSEA de la Manche


Cela dit le journal dont il est le directeur de la publication, le célèbre Agriculteur normand, organe du syndicat FNSEA, a beau multiplier les pages consacrées à l’agro-écologie les paysans de Marchésieux ne sont encore qu’à moitié convertis. Les autres restent donc conventionnels comme on le dit communément. Et convaincus que leurs pratiques raisonnables et raisonnées ne justifient en rien l’agribashing dont ils sont l’objet. Ceux qui témoignent ici défendent encore la culture du maïs, cette nourriture vouée aux gémonies au prétexte qu’elle favorise l’usage des pesticides et le développement des nitrates. Preuves à l’appui ils affichent les résultats des analyses d’eau dans leur zone sensible de captage : ils s’améliorent nettement depuis plusieurs années. De plus, signe de leur verdissement, ils sèment de l’herbe dans leurs prairies de Marchésieux…    

   

 Entretenir et non exploiter la biosphère : le quodien de Marchésieux

Intervenants :
François-Marie Hébert
René Lamazure, maire-adjoint de Marchésieux (50)
Maxence Calais, agriculteur


Bonne nouvelle. A l’heure où bien des agriculteurs sont regardés de travers par des citadins les soupçonnant de maltraiter la terre, Marchésieux nous recadre un brin. Nous ne sommes pas n’importe où, c’est une commune qui se soucie de la biodiversité depuis un bail. Sous la houlette de Léon Ourry et de ses camarades, les associations de sauvegarde et de promotion ont rempli leurs fonctions, essaimé leurs idées et modifié les mentalités. Bien sûr, de vastes étendues de maïs fourrager couvrent encore de nombreuses prairies mais globalement le paysage a été préservé et les haies bocagères y sont encore présentes et entretenues. C’est d’ailleurs l’une des raisons d’être de l’Aden, l’association des énergies nouvelles. Son but est de promouvoir et valoriser les haies en évitant leur arrachage. Les branchages issus de leur entretien sont broyés et après séchage c’est ce bois déchiqueté qui devient l’unique combustible de la chaudière municipale. Faut-il être du camp des bio pour s’engager ainsi ? Point du tout répond le président de l’Aden François-Marie Hébert pour qui ces clivages sont du passé à Marchésieux. Cela n’empêche pas cet agriculteur nouvellement retraité de se montrer très sensible à la cause environnementale et climatique. Et celui que l’on découvre ici en cueilleur de glands, de noix et de marrons autochtones en vue de quelques replantations n’est pas peu satisfait que son ancienne exploitation laitière conventionnelle soit reprise par Maxence Calais, un jeune éleveur ayant choisi de se convertir à l’agriculture biologique. Il y voit un heureux et bénéfique signe des temps…
 

La guerre du bio n'a pas lieu à Marchésieux

Intervenants :
Emmanuel Cardet, agriculteur
Stéphanie Goude, cuisinière
Cécile Lefranc, Familles rurales Marchésieux
Marie-Noëlle Houssin
Pascal Férey, président Chambre d'agriculture Manche – FDSEA
Léon Ourry, agriculteur retraité


Quel bilan tirer de ce moment passé à Marchésieux ? Quelle leçon de choses (vues et entendues) dans cet univers atypique de la campagne normande ? N’oublions pas que la Normandie ne se situe qu’au 9ème rang national en matière d’agriculture biologique avec moins de 2 000 exploitations concernées c’est-à-dire moins de 5% de la surface agricole. Le chiffre apparait presque dérisoire par rapport à l’exemple affiché à Marchésieux.
Qui avons-nous rencontré ? Des paysans convertis et convaincus, sûrs d’avoir préserver dans leur territoire une agriculture durable. Nous ne sommes pas dans les plaines céréalières ou au pays de la ferme des 1 000 vaches. Léon Ourry, l’ancien, désormais vieux sage du village l’avait toujours dit : rien ne vaut le lait dans cette contrée de marais où l’herbe pousse naturellement. Rien de mieux si la production est payée au juste prix. Le lait bio l’est. Certains jeunes fraichement installés pourraient le faire mentir, eux font du pain ou du maraîchage. Mais, fidèles aux logiques et coutumes communales, ils alimentent la cantine scolaire. Le local était aussi l’un des chevaux de bataille des paysans-militants d’une agriculture modeste, à visage humain.
 
Quid des autres, ceux qui témoignent moins volontiers dans leurs champs de maïs ? Qu’ils se rassurent, Pascal Férey veille au grain. Le big boss, le patron de la FDSEA et de la Chambre d’agriculture de la Manche sait que les temps ont changé. Et dans ce dernier épisode c’est bien lui qui comme promis nous surprend encore. Il rend un hommage appuyé à ceux dont il fut l’adversaire sur le terrain idéologique mais finalement pas sur le plan écologique. Il voit en Marchésieux « la commune de la concorde ». Ils y verront sans doute une sacrée reconnaissance de leur…  bio travail !
 
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