Anomalie dans le football français, le club caennais était jusqu'à présent détenu par un groupe d'actionnaires à parts égales. En difficulté financière, Malherbe va changer de mains, celles d'un fond d'investissement américain.
C'est un feuilleton qui dure déjà depuis plusieurs mois. Et certains, comme l'entraîneur Pascal Dupraz, aimeraient bien qu'il se termine pour que le club se dote enfin d'un cadre suffisamment clair pour envisager son avenir et sa nouvelle saison. Ces derniers jours, les choses s'accélèrent. Le président Fabrice Clément, arrivé un an plus tôt à l'issue d'une saison médiocre, s'est vu remercier la semaine dernière. Ce lundi, débute une semaine historique pour le Stade Malherbe de Caen qui va voir son actionnariat profondément modifié.
Si le patron des Maîtres laitiers du Cotentin Jean-François Fortin a longtemps incarné la direction du Stade Malherbe de Caen, au point que son débarquement fut vécu par les supporters comme un psychodrame, il n'a jamais été l'actionnaire principal du club. Car d'actionnaire principal, Malherbe n'en avait pas. Jusqu'à présent. Une anomalie dans le football français où chaque acteur de l'élite (ligue 1 et ligue 2) a un unique propriétaire (holding ou homme d'affaire). Dans l'ex Basse-Normandie, c'est un groupe d'actionnaires (le "SMC 10") qui se partageaient, à parts égales, 80% du capital.
L'ironie de l'histoire
En 2018, Jean-François Fortin avait tenté de bouleverser ce mode de fonctionnement, ancré dans la culture et l'histoire du club, en soutenant la montée au capital d'un actionnaire arrivé un an plus tôt, le chef d'entreprise Pierre-Antoine Capton. Ce qui lui vait valu d'être débarqué par les autres actionnaires. Ironie de l'histoire, ces derniers s'apprêtent aujourd'hui à céder leurs parts dans le cadre d'un projet de reprise concocté par.... Pierre-Antoine Capton. Ce lundi, ce sont les petits actionnaires (le club des 50), possèdant les 20 % restants, qui vont être sollicités.Depuis le départ de Jean-François Fortin, la santé financière du Stade Malherbe de Caen s'est considérablement dégradée pour diverses raisons (relégation en ligue 2 et la perte des droits télé, masse salariale trop importante et de conséquentes indemnités de départ qui ont plombé les comptes). La crise du coronavirus et le confinement n'ont bien évidemment rien arrangé. Début mars, président et porte-parole des actionnaires se voulaient rassurants. Mais en coulisses, les tensions étaient vives et les grandes manoeuvres s'enclenchaient.
L'aide des Américains
A la manoeuvre, justement, l'un des poids-lourds de l'audiovisuel français, le Trouvillais Pierre-Antoine Capton. Au mois de mai, Fabrice Clément, encore président, consent à évoquer chez nos confrères de France Bleu une réflexion autour d'une éventuelle recapitalisation. Sans donner plus de détails. C'est au début de l'été que les contours du projet élaboré par le producteur télévisuel se dessinent. Pour redresser Malherbe, le Normand est allé chercher de l'aide outre-atlantique, Oaktree, un fond d'investissement basé à Los Angeles et gérant plus de 100 milliards de dollars d'actifs.Un club français sous pavillon américain, c'est loin d'être une première. L'un des clubs emblématiques du football français, L'Olympique de Marseille, est détenu par Franck Mc Court depuis 2016. En juillet dernier, le Toulouse Football Club (TFC) a été cédé à RedBird Capital Partners, un autre fond d'investissement américain. L'envolée des droits télé et le coût exhorbitant des franchises des sports stars aux Etats-Unis (foot US, basket ou baseball), expliquent, selon les spécialistes, l'intérêt des investisseurs outre-atlantique pour le "soccer" européen.
Pour le moment, l'alliance formée par le chef d'entreprise normand et le fond d'investissement s'est bien gardée de livrer la moinde information concernant son projet de reprise. Selon nos informations, celui-ci devrait être officialisé en fin de semaine, avant le match Caen-Ajaccio, le deuxième de la saison. Certains de nos confrères évoquent une répartition de 80% pour Oaktree et 20% pour Pierre-Antoine Capton, qui serait prioritaire en cas de cession future des parts du fond américain. Olivier Pickeu, ancien joueur de Malherbe (1989-1992) et directeur sportif du SCO d'Angers prendrait les rênes du club.
Les "petits" actionnaires, eux, auront la primeur des informations ce lundi 24 août, lors de leur assemblée générale. Selon de France Bleu Normandie, il va leur être demandé "de vendre leurs actions pour un prix inférieur de l'ordre de 40% à la valeur d'achat". Le ticket d'entrée du "club des 50", qui n'avait aucun rôle décisionnaire, était, comme le rapporte l'un des"petits" actionnaires à nos confrères, de 8000 euros minimum.