Depuis 2019, la Normandie a mis en place un plan de sauvegarde pour préserver l'abeille noire, le plan Apinoire. Cette espèce menacée d'extinction est progressivement réhabilitée dans la région, notamment grâce aux apiculteurs expérimentés qui gèrent de mains de maîtres les ruchers de fécondation.
Multiplier les colonies d'abeilles noires
Depuis plusieurs décennies déjà, on sait que l'abeille noire est une espèce menacée d'extinction. Cela fait près de 50 ans que ces petites pollinisatrices sont sujettes à des croisements génétiques, dus à leur fécondation avec d'autres espèces. Pour assurer la pérennité des abeilles noires, les apiculteurs normands ont pris les choses à bras-le-corps et sont intervenus. Leur objectif principal étant de multiplier les colonies existantes tout en veillant à maintenir le pedigree des abeilles noires.
Les apiculteurs expérimentés se chargent pour cela de "créer" de futures reines afin de les implanter dans de nouvelles colonies. On peut parler de création, puisqu'à leur sortie du cocon, les larves sont toutes identiques. Ce qui veut dire que sans l'intervention des apiculteurs, les larves seraient toutes vouées au même destin d'ouvrières. Devenir reine dépend des conditions d'élevages, plus spécifiquement de l'alimentation des larves.
Au sein de la colonie, la reine pond près de 2000 œufs par jour. Les petites larves qui sortent de ces œufs sont nourries de gelée royale par les ouvrières lors de leurs premières 24 heures. C'est pendant cette période que les apiculteurs vont venir chercher leur future reine. Ils l'extraient pour cela de sa colonie d'origine avant de la réimplanter dans une colonie éleveuse, qui va lui donner de la gelée royale en grande quantité pour en faire une reine.
Les ruchers de fécondation pour préserver les abeilles noires
En Normandie, l'une des actions mise en place pour préserver l'abeille noire est l'implantation de ruchers de fécondation. Nous sommes allés rendre visite à un rucher école du Pays-d'Auge qui a pris le temps de nous expliquer les techniques de greffages. Mais au-delà de ça, ce rucher du Livarot forme des apprentis apiculteurs afin qu'ils perfectionnent leur savoir sur les abeilles. Ils se formeront également à l'élevage des reines, une étape essentielle pour veiller à la bonne filiation de l'abeille noire de Normandie. Ce sont cependant les apiculteurs expérimentés qui se chargent des greffages, une opération minutieuse qui demande un certain savoir-faire et une grande minutie. Pour assurer la pérennité de la race, la première étape est de prélever les larves pour les implanter dans leur future colonie.
Ici par exemple, on peut observer une jeune abeille. C'est une ouvrière qui émerge de son cocon et qui n'a donc pas été prélevé par les apiculteurs pour devenir une reine. C'est en effet à l'état de larve que les abeilles noires de Normandie sont destinées à devenir des reines en étant captées pour être déposées dans un mélange d'eau et de gelée royale. Cette composition, déposée au fond d'une cupule en plastique sera la première maison de la de la future reine. Un cocon artificiel que les apiculteurs déposeront dans une colonie orpheline où elle restera une dizaine de jours, nourrie à la gelée royale par les ouvrières. Ce temps passé, elle sortira de son alvéole pour être placé dans une ruchette afin d'être fécondée par des faux-bourdons. Un apiculteur du Pays-d'Auge précise néanmoins que toutes les conditions doivent être réunies pour le vol nuptial. "Il faut [...] que la température soit supérieure à 17 degrés, que le vent soit inférieur à 5 mètres seconde et que le ciel soit clair. S'il n'y a pas ces conditions-là, elle attendra le jour suivant et ainsi de suite jusqu'à ce que la météo puisse lui permette de faire son vol d'accouplement." Une attente qui en vaut la peine, puisque les abeilles noires possèdent de nombreux atouts pour notre environnement et notre région.
Le rôle essentiel des abeilles noires
L'Association de l' Abeille Normande du Calvados (ANC), insiste sur la nécessité de protéger l'abeille noire. Et cela pour trois raisons principales :
- L'intérêt patrimonial : l'abeille noire fait partie du patrimoine génétique de la Normandie. Elle existe depuis 1 million d'années maintenant.
- L'intérêt écologique : l'abeille noire possède un rôle essentiel dans la pollinisation des fleurs. D'autant plus que cette espèce n'est pas difficile, un adhérent de l'association précise : "si on lui fournit un environnement diversifié [l'abeille noire] va aller chercher la diversité au niveau du nectar, qu'elle va récolter. Cette abeille arrive à bien s'adapter sur une diversité importante de fleurs".
- L'intérêt économique : même si l'abeille noire est moins productive que d'autres espèces, elle reste régulière dans sa production de miel et pollinise un grand nombre de fleurs. Elle demande aussi moins d'entretien aux apiculteurs dans sa production.
Plus adaptée au climat local, l’abeille noire va vraisemblablement assurer une pollinisation plus constante, régulière et variée que les sous-espèces importées.
L'association de l'Abeille Normande du Calvados
Pour parvenir à sauvegarder l'abeille noire, la Normandie, première région de conservation de l'abeille noire à ce jour, a développé de multiples ruchers conservatoires. Une espèce qui fait partie des 25 races locales désormais protégées dans 5 conservatoires en Normandie.
Les ruchers conservatoires ne sont autres que des périmètres définis où des professionnels s'assurent du bon pedigree des abeilles et vérifient que le plus grand nombre de mâles de la sous-espèce qui convient soient dans le secteur afin d'assurer la fécondation. Découvrez plus en détail le projet de conservation APINOIRE dans notre article sur le sujet.