Les commerçants "locaux" rêvent d'un Amazon normand : l'engouement pour les marketplaces

Tout le monde critique Amazon mais en rêve aussi. Acheter en un clic est devenu un nouveau mode de consommation irréversible qui doit maintenant se développer en "local". Supplyshop ou Le tout normand, vous connaissez? Les commerçants traditionnels se confrontent au e-commerce.

Début novembre, aux premiers jours du reconfinement, le maire de Caen, Joël Bruneau annonçait la création d'une plateforme pour les commerçants du centre-ville de Caen. Un outil numérique leur permettant de vendre en ligne. A Alençon, à Cherbourg aussi, les mairies aident au développement de marketplaces, plus ou moins ludiques et performantes.

A Caen, derrière cette "plateforme" se cache un projet plus ancien et déjà existant, Supplyshop.  La ville de Caen offre, en fait, trois mois de cotisations aux commerçants caennais qui souhaitent être référencés sur cette plateforme, avec leurs produits. 

 

 

Nous existons depuis trois ans à Caen. Le but de cette plateforme c'est de devenir un petit Amazon local. En clair, le client qui cherche un produit va par exemple taper chaussures enfant de telle marque "à Caen" sur son moteur de recherche. Et il doit alors tomber sur l'offre de supplyshop. C'est ce qu'on appelle le référencement. C'est notre cœur de métier. Grâce à ce marketplace le consommateur peut consommer dans son commerce local mais de chez lui. On propose par exemple des plateaux apéros tout en un. Nous assurons aussi la livraison.

Antoine Kubrijanow, créateur Supplyshop

 

En même temps, la préfecture du Calvados, après un appel à projet, a financé la création d'un autre marketplace, fait lui, de produits normands : Le tout normand. Lancé il y a une semaine, il est en ligne pour toute la Normandie avec des artisans et fabricants de Seine-Maritime, de l'Eure ou du Calvados, peu importe. "Le tout normand c'est l'idée d'acheter une production locale avec tout ce qui est compris dedans en terme de bilan carbone, travail rémunéré au juste prix, etc. On y entre en sachant que ces principes là sont respectés", précise sa créatrice, Christine Duruisseau.


Référencement, fiche produit, etc : le nouveau monde

Supplyshop a vu son flux boosté de 600 % au printemps dernier. La hausse est moins flagrante aujourd'hui, mais elle est encore réelle. Le concept est tendance : les marketsplaces révolutionnent le modèle de vente comme le concept des Nouvelles Galeries l'a fait en son temps, à la fin du XIXème siècle.
Le besoin se renforce en confinement mais pas seulement. C'est un mode de consommation de notre époque qui s'impose à nous, en un clic. 

Tous les observateurs économiques le disent : on ne reviendra pas en arrière. La transition numérique est faite pour le commerce. Le consommateur paye et commande en virtuel et ne va pas forcément se perdre dans une multitude de sites.
 

Beaucoup de commerçants ont monté leur page, leur e-boutique et pensent que ça suffit. Et bien non, le consommateur aime flâner sur le marketplace ou il va cibler un produit précis dans la barre de recherche. C'est son nouveau supermarché virtuel. A plusieurs, sur une plateforme, on est plus forts.

Christine Duruisseau, présidente de l'Association I'am normand/ Le tout normand

Il faut être aguérri au référencement pour être vu dans l'immensité de l'offre internet. Ce n'est pas donné à tout le monde.
Mais quand on observe le nombre de commerçants qui se lancent, c'est finalement peu. Conséquence: sur ces deux plateformes l'offre reste très limitée.
"L'alimentaire marche très bien depuis le début. Avec l'offre des 3 mois gratuits de la ville de Caen, de nouveaux commerces se lancent et on est en train d'intégrer 20 000  nouveaux produits. C'était important d'y arriver avant Noël mais c'est assez long à mettre en ligne. Il faut encore un peu de patience", raconte Antoine Kubrijanow. 
Les 4500 clients qui commandent régulièrement vont aussi croître avec l'offre, à ne pas douter. 

Même optimisme chez Le tout normand qui vient d'ouvrir. "On en référence de nouveaux tous les jours. On va se développer, c'est sûr."

De nouveaux frais

Mais le e-commerce ne s'improvise pas : les vitrines virtuelles doivent être alléchantes et répondre à des règles précises. Le client ne peut pas toucher mais il doit voir !
" Il faut prendre en photo les produits, créer des fiches produits. On sent que certains se figent à cette idée. C'est nouveau. Ils ne connaissent pas et s'en font une montagne. On est là pour les aider mais parfois ils préfèrent reculer. C'est dommage. La révolution numérique est faite, ils passeront à côté. "

Un gros travail de réflexion doit être mené par les commerçants eux-mêmes : que faire de sa boutique? Critiquer Amazon à tout va et ne pas entrer dans le nouveau monde ou se retrousser les manches pour  découvrir pleinement l'intérêt du digital. 
Il faut dire qu'en plus d'un engagement personnel, ça a un prix. Tout comme la publicité, à une autre époque. 
" L'abonnement annuel de 79 euros me permet de couvrir les charges fixes. Je prends aussi une commission de 8% pour assurer la livraison car nous l'organisons nous même. Il y a chez Supplyshop 8 salariés, de la conception du site, à la partie paniers/commandes."

Il y a aussi du donnant-donnant : avec l'abonnement annuel de 250 euros, Le tout normand met en relation les artisans entre eux. Ce réseaux va permettre aussi d'ouvrir des boutiques temporaires à Noël, un salon annuel est déjà dans le programme post-covid. 
Seul bémol ici : la livraison. Si l'acheteur paie son panier complet en une seule fois sur le site, il devra à chaque vendeur régler les frais d'acheminement. La note peut vite monter. Mais "créer un entrepôt pour nous c'est impossible. Il y a d'autres frais prioritaires comme la création d'une application." 
Au consommateur de savoir pourquoi il paye : faire vivre des commerces locaux. 
 
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