Deux accidents mortels sont venus endeuiller des fêtes foraines ces derniers jours à Blois et Caen. Une fille éjectée d'un manège, un forain percuté par le wagon d'une attraction : les images insoutenables sont ancrées dans la tête des témoins qui doivent gérer les épisodes de stress post-traumatique.
"Je revois les images du monsieur à terre, avec plein de sang. J'entends le brouhaha, les cris de panique". Plusieurs jours après l'accident qui a coûté la vie à un gérant de manège à la Foire de Pâques de Caen, Céline (le prénom a été modifié) est encore traumatisée. Lorsque le drame s'est produit, elle était en train de s'installer dans le Speed Mouse avec sa fille de 5 ans et son amie de 9 ans.
Quand la vue d'un accident bouleverse le quotidien
Si elles n'ont pas vu le forain être percuté par un wagon alors qu'il tentait de réparer l'attraction sans l'avoir arrêtée, elles ont aperçu le corps de la victime, gisant à terre. Elles ont vécu les minutes d'effroi et d'affolement qui ont suivi. "Quatre jeunes qui venaient de finir leur tour sont arrivés juste derrière nous en criant 'On a percuté quelqu'un, on l'a tué... '. Je me souviens avoir martelé à ma fille 'Ne regarde pas, ne regarde pas !', raconte Céline, qui a encore de très nombreux détails ancrés dans sa mémoire. Depuis ce tragique accident, son quotidien est bouleversé.
J'ai des flashes qui reviennent. Je ne me sens pas bien. Je dors très, très mal. La première nuit, je n'ai pas dormi. Le médecin m'a donné des anxiolytiques pour la nuit suivante. Je fais de l'hypervigilance et, parfois, quand j'entends des cris d'enfants, même dans des contextes différents, j'ai des crises de panique.
Céline, témoin de l'accident mortel de la Foire de Pâques à Caen
À la suite du drame, SOS Médecins a vu débarquer dans ses locaux une dizaine de témoins, tous ébranlés. Le praticien qu'a vu Céline lui a prescrit une semaine d'arrêt, en plus de médicaments pour atténuer son anxiété, son inquiétude et ses peurs.
"Les médicaments vont aider dans un premier temps, mais il ne faut pas qu'ils deviennent une habitude qui s'inscrit dans le temps", prévient Eric Bui, psychiatre au CHU de Caen, créateur du centre régional de psychotraumatisme Normandie. "Le témoin d'un évènement traumatique va d'emblée essayer de masquer les souvenirs de la scène qu'il a vécue. Certains se mettent à boire de l'alcool, pour tenter d'oublier, de moins y penser. Ce n'est évidemment pas la solution", poursuit le praticien, pour qui il convient d'affronter ses blessures morales via des séances avec un professionnel.
Diverses solutions pour dissiper les maux
Comme pour les chutes à vélo, il est important de vite se remettre en selle. Dans le cas de cet accident sur une attraction, Eric Bui conseille de, pas à pas, reprendre contact avec cet univers. "Il faudra peut-être d'abord aller près d'un simple manège, puis dans une fête de village, avant de retourner dans une foire de grande ampleur, en laissant passer quelques semaines ou quelques mois", selon les personnes. Toutefois, si les troubles excèdent un mois, on parlera de syndrome de stress post-traumatique, et il deviendra "sans doute nécessaire" de consulter un spécialiste.
Diverses pratiques peuvent aider à atténuer ou faire disparaître les symptômes. "En psychiatrie, il y a bien sûr l'EMDR, très répandue, mais nous pratiquons aussi la thérapie du processus cognitif, ou celle par exposition prolongée, qui se développent de plus en plus dans la région", explique Eric Bui. La thérapie narrative ou l'hypnose peuvent aussi être une solution si les réminiscences de l’évènement ne se dissipent pas avec le temps.
En attendant, Céline s'est rendue à la cellule d'écoute psychologique mise en place à la suite de l'accident mortel de la Foire de Pâques. Prise en charge par un professionnel, elle pourra bénéficier de son aide pendant trois mois.