Depuis le 7 novembre et jusqu'à la fin de l'année, un important dispositif de surveillance est déployé aux abords des parcs à huîtres pour prévenir toute tentative de vol.
Avec plus de 25 000 tonnes chaque année, la Normandie est la première région productrice d'huîtres. Plus de la moitié sont commercialisées durant la période des fêtes de fin d'année. Alors, pour les ostréiculteurs, les mois de novembre et décembre sont cruciaux. Pas question de manquer cette saison Et encore moins de se la faire voler.
A Grandcamp-Maisy, dans le Calvados, la base conchylicole et ses 28 entreprises adhérentes ont investi dans un système de vidéosurveillance. Chaque entrée est scrutée par une caméra. "Dès que quelqu'un rentre, on sait qui c'est. On peut identifier les plaques d'immatriculation et les visages", se félicite Guy Le Courtois, le président de la coopérative d'utilisation du matériel agricole, qui assure que le dispositif répond aux règles de la CNIL (Commission nationale informatique et liberté). L'objectif : prévenir les dégradations sur les bâtiments, les vols d'huîtres et de matériels en tout genre, des poches aux batteries en passant pas les feux de tracteur. Et le système semble donner satisfaction. "Avant les caméras, c'était pas loin de 150 à 200 voitures (qui circulaient) la nuit sur la base. Maintenant, quand on en a trois ou quatre, c'est déjà pas mal. C'est très dissuasif."
Un grand champ à ciel ouvert
Pour autant, les ostréiculteurs ne dorment pas sur leurs deux oreilles. Sécuriser les parcs est une autre paire de manche. "Le site est vulnérable, il n'y a pas de barrière, il ne peut pas y avoir de clôtures, c'est comme si vous rentriez dans un grand champ à ciel ouvert", souligne André Gilles Taillepied, ostréiculteur. "Il y a quelques années, sur l'estran où ça découvre plus facilement, j'avais mis des vieilles tables (à huîtres) en bout de rangée pour éviter que les gars puissent rentrer et sortir facilement." Mais la DDTM (Direction départementales des territoires et de la mer) a interdit ce dispositif, estimant qu'il était dangereux pour la circulation des tracteurs.
Alors, depuis plusieurs années, les uniformes bleu marine ont fait leur apparition sur les plages du Calvados à l'approche des fêtes. "Depuis le 7 novembre, le début de la phase préparatoire des fêtes - un moment décisif pour les ostréiculteurs- et jusqu'à la fin des fêtes, on a des surveillances tout azimut, à cheval, à moto tout-terrain, des surveillances discrètes, notamment de nuit avec des moyens de visions nocturnes (et des tenues de camouflage), pour être certains d'avoir sur les parcelles les bonnes personnes autorisées à travailler, qu'il n'y ait pas de dégradation et pas de vol", indique le colonel Christophe Junqua, commandant de groupement. Chaque tracteur habilité à circuler dans les parcs dispose ainsi d'un numéro permettant aux gendarmes de contrôler la circulation.
Des professionnels "véreux" ?
Selon le commandant de gendarmerie, les potentiels suspects sont "un peu de tous les milieux : il y a des badauds qui viennent se servir directement sur les parcs à huîtres mais il faut quand même un peu s'y connaître pour venir sur les parcelles et passer inaperçu." Et c'est sans doute cette deuxième menace que craignent le plus les producteurs locaux. "Il peut y avoir ce que moi ou certains collègues appellent des professionnels véreux qui peuvent faire le travail qu'on fait là mais à l'inverse de nous", raconte André Gilles Taillepied, ostréiculteur, "Si on vient l'après-midi, ils vont venir la nuit. Et là, ça peut faire mal, parce qu'au lieu de prendre une poche ou deux, ils vont en prendre 50, 100 voire débarrasser toute une rampe. Les poches font 15 à 17 kilos, ça fait une quantité importante."
Depuis la mise en place du dispositif le 7 novembre dernier, aucun vol n'a été recensé dans les parcs à huîtres du secteur. Ce type de délit est d'ailleurs plus rare en Normandie que dans d'autres régions ostréicoles (comme la Bretagne ou l'Aquitaine). "C'est plutôt une opération de prévention", reconnait le colonel Christophe Junqua, "mais à partir du moment où la surveillance s'amenuise sur certains secteurs, il peut y avoir une récurrence importante des vols et ces vols sont extrêmement sériels, c'est-à-dire qu'en l'espace d'une semaine, on peut avoir quasiment la totalité d'une production qui disparaît. On veut absolument éviter ce manque à gagner qui peut être important, brutal pour une société de production."
Les gendarmes ne sont pas là que pour prévenir les vols dans les parcs à huîtres. Les producteurs font eux-mêmes l'objet d'une surveillance. "Un de nos axes de travail c'est de lutter contre toutes les fraudes et toutes les atteintes sanitaires qui peuvent remettre en question la sécurité du consommateur mais aussi l'image et la réputation du secteur et déboucher sur des fermetures administratives", rappelle Christophe Junqua. Le dispositif de surveillance va être de plus en plus renforcé à l'approche des fêtes de fin d'année et mobiliser jusqu'à une quarantaine de militaires à Géfosse-Fontenay et Grancamp-Maisy.