Eve Pottier avait 24 ans quand elle a fait don de ses ovocytes au CHU de Caen (Calvados). Un parcours d'une année pour soutenir des femmes et des hommes dans leur désir de fonder une famille, "sans discrimination liée à l'âge ou au sexe". Elle nous raconte son combat.
Le sujet peut faire "peur". Eve Pottier redoutait la réaction de sa famille à l'annonce de son premier don d'ovocytes il y a un an et demi, à 24 ans. Alors elle a trouvé une vidéo explicative sur l'assistance médicale à la procréation pour les convaincre. "Mes parents ont été émus. Ils ont trouvé l'idée géniale, se souvient la designer graphique. Mais ma grand-mère m'a dit que ça allait me retirer des trucs !".
"Un don utile, sans discrimination d'âge ou de sexe"
Les idées reçues sur le don de gamètes (cellule reproductrice mâle ou femelle), Eve Pottier en a l'habitude. Elle-même n'y connaissait pas grand-chose avant de s'intéresser à la question sur les réseaux sociaux. "C'est un sujet très peu connu des jeunes alors qu'il pourrait tous nous concerner un jour, surtout si l'on souhaite devenir parent", explique la jeune donneuse.
Il y a beaucoup plus de personnes en attente de ces dons de gamètes qu'on ne le pense.
Eve PottierDonneuse d'ovocytes
Pour Eve, le don d'ovocyte − la cellule reproductrice féminine, présente dans les ovaires −, est d'abord un geste "utile" : "Il permet de donner aux hommes et aux femmes, seules ou en couple, la possibilité de procréer, sans discrimination liée à l'âge ou au sexe".
En France, les besoins en don de spermatozoïdes et d'ovocytes ont explosé avec la nouvelle loi bioéthique. Proclamée en 2021, elle élargit la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. De fait, 2 500 femmes sont actuellement sur liste d'attente pour recevoir un ovocyte, dans l'espoir de fonder leur famille.
"Je me suis mise à la place d'une personne receveuse. Il y a une attente de deux ans pour les femmes, ce qui est énorme quand on a pour projet de devenir parents. C'est super de contribuer à réduire ce temps d'attente", confie Eve Pottier.
10 minutes d'opération
Le processus de don d'ovocytes s'étale sur une année. Eve s'est rendue au CHU de Caen à plusieurs reprises pour s'entretenir avec l'équipe médicale. "Cela a commencé par un premier entretien d'information, suivi d'un examen de santé et d'un rendez-vous avec une psychologue", explique la donneuse, qui redoutait particulièrement la phase dite de la stimulation ovarienne.
"Au final, ce n'est pas douloureux du tout. Il faut juste souffler, plaisante Eve. Pendant deux semaines, on stimule nos ovaires avec des injections dans le ventre. On ne sent pas la seringue, c'est comme un petit stylo avec une pointe!". Après plusieurs échographies – pour s'assurer du bon développement des œufs −, Eve a été opérée au CHU pour réaliser la ponction des ovocytes. L'ultime étape de sa démarche.
L'opération a duré 10 minutes, c'est très court. Et tout cela, avec de la musique !
Eve PottierDonneuse d'ovocytes
"C'était génial, on a beaucoup rigolé dans le bloc. J'ai même pu écouter Manu Chao pendant l'opération", sourit Eve qui a été anesthésiée localement durant la ponction. "Il faut savoir qu'on adapte l'anesthésie en fonction des douleurs que l'on peut ressentir", rassure la jeune femme. Arrivée à 8h du matin à l'hôpital, elle est repartie à midi après trois heures en salle de repos.
"Je voudrais le refaire"
Depuis son don, Eve porte ce combat auprès de ses proches. "J'essaie de les convertir à ce sujet du mieux que je peux. Je leur explique que le processus peut paraître long et impressionnant mais que ce n'est pas difficile à faire".
Parler du don de gamètes contribue aussi à "désinhiber" le sujet, soit "le rendre moins tabou ou honteux, surtout pour les générations précédentes". Et répondre notamment aux questionnements de ses ami.e.s sur le caractère anonyme du don. "Certains me disent que j'ai un enfant quelque part alors que pas du tout. Ce n'est pas mon enfant !".
En France, une donneuse ne peut pas savoir si son don a abouti à la naissance d’un ou plusieurs enfants. Par ailleurs, elle ne peut donner ses ovocytes que deux fois dans sa vie, entre 18 et 37 ans. "Je voudrais le faire une deuxième fois", confie Eve Pottier, convaincue de la nécessité d'aider des familles en devenir.