Témoignages. D-Day : Trois vétérans français se souviennent de leur 6 juin 1944

Publié le Mis à jour le Écrit par Jean-Baptiste Pattier et Jonathan Pasqué

Hubert Faure, Rémi Dreyfus, Georges Ménage, ces trois Français ont participé à la plus grande opération combinée de tous les temps. Âgés de 97 à 105 ans, ils témoignent de ce jour historique et reviennent sur leurs émotions ressenties lors de la Libération de la France.

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Engagés dans les forces terrestres, aériennes ou maritimes, ils font partis des 3058 Français qui ont pris part au Jour J. Nous avons rencontré Hubert FaureRémi Dreyfus et Georges Ménage.


Hubert Faure, membre du Commando Kieffer
105 ans en juin 2019

Hubert Faure était membre du Commando Kieffer. En cette année du 75è anniversaire du Débarquement, il est l’un des trois derniers Bérets verts encore en vie avec Léon Gautier et Jean Morel. Le 6 juin 1944, il débarque à 7h55 à Colleville-sur-Orne (Colleville-Montgomery de nos jours) en secteur britannique sur Sword Beach. Il participe à la libération de Ouistreham, assure la jonction avec les Britanniques à Bénouville et traverse le pont légendaire de Pegasus Bridge.

On a fait ce qu’on a pu et on voulait surtout mettre les Allemands dehors. Et on a réussi.


L’engagement d’Hubert Faure
Né en 1914 en Dordogne, Hubert Faure est pupille de la nation au lendemain de la Première Guerre mondiale. En 1934, il rejoint la Cavalerie. Prisonnier de guerre en 1940 après la défaite de la France, il entend le discours du 18 juin 1940 du général de Gaulle. Il réussit à s’évader lors de son transfert pour l’Allemagne en août 1940 puis parvient à atteindre la zone libre au sud de la ligne de démarcation. Il rejoint alors l’armée d’armistice. Très vite, il choisit de rejoindre de Gaulle et la France Libre à Londres. En décembre 1942, il passe la frontière espagnole mais il est arrêté par des franquistes. Il est emprisonné dans le camp de Bilbao. Il réussit de nouveau à s’échapper, et se rend au Portugal. Après de nouvelles péripéties, il s’envole pour l’Angleterre aidé par un agent de la France Libre. Le 29 octobre 1943, il s’engage au sein des FFL (Forces Françaises Libres. Il s’engage par la suite dans les commandos de marine et se démarque par ses exploits physiques. Dans le bataillon de fusiliers marins, il se lie d’amitié avec Philippe Kieffer.
 

Rémi Dreyfus, parachutiste SAS
99 ans en juin 2019

Parachutiste SAS (Special Air Service), Rémi Dreyfus est incorporé à la mythique 6ème division aéroportée britannique le Jour J. Le commandement allié avait besoin d’un combattant bilingue anglais-français pour les opérations du 6 juin 1944. Il atterrit dans l’après-midi à bord d’un planeur dans le secteur de Ranville, commune du Calvados, pour sécuriser le flanc le plus à l’est du Débarquement. Dans la nuit du 6 au 7 juin 1944, puis durant les autres nuits, il réalise des patrouilles dans des zones encore occupées par les Allemands pour identifier les lieux où l’ennemi est toujours présent.

C’était heureux, c’était merveilleux, on s’était donné beaucoup de mal pour aller jusqu’en Angleterre. On s’était donné beaucoup de mal pour s’entrainer en Angleterre et devenir des soldats efficaces. On était tout dans la joie de participer à l’opération et être sur le territoire français.


L’engagement de Rémi Dreyfus
Après avoir étudié à la prestigieuse école de commerce HEC, il est mobilisé en 1940. Il assiste à la retraite des armées françaises entre Rambouillet et Limoges. Il est ensuite intégré à l’armée d’Armistice mais les premières mesures anti-juives de Vichy lui interdisent de rester dans cette armée et se retrouve chasser de son régiment. Quelques temps plus tard, son père meurt de chagrin face à la terrible débâcle de la France, la faillite de sa banque et surtout l’antisémitisme ancré dans les lois vichystes. Alors qu’il a été maire durant 25 ans, il lui est interdit d’entrer dans sa mairie. Le désarroi de son père confronté à la disparition de la République et de ses valeurs reste à jamais gravé dans la mémoire de Rémi Dreyfus. Il décide alors de rejoindre la France Libre et de Gaulle à Londres. Il prend le pseudonyme de Daniel Plowright et devient un des officiers de la Mission militaire de liaison administrative mise en place par le général de Gaulle. L’objectif était d’installer une administration dans les territoires français libérés.
 

Georges Ménage, Marin
97 ans en juin 2019

Le Jour J, Georges Ménage est sur le pont de La Renoncule, un des escorteurs français. Il fait route en direction d’Utah Beach, secteur américain et plage la plus à l’ouest des zones du Débarquement. La mission est de protéger la flotte alliée. Le 6 juin 1944, Georges Ménage a le réflexe de prendre son appareil photo et de réaliser des clichés exceptionnels de l’armada alliée et des membres de son équipage. Pour Georges Ménage, son Jour J est un peu « décevant » car il pensait vivre avec ses 79 camarades à bord des instants plus mouvementés mais aucune bataille navale n’a finalement eu lieu. En revanche, l’émotion est immense quand il aperçoit les côtes de France.

Une fois qu’on a pris la route pour entrer en manche, on commence à réaliser qu’il y a des bateaux à droite, des bateaux à gauche, qu’il y en a derrière et devant, la mer est couverte de bateaux littéralement, mais de bateaux ordonnés et à leur place. C’est remarquable.

 

L’engagement de Georges Ménage
Un des membres de sa famille avait été tué durant la Première Guerre mondiale. « Vaincre les Allemands » était pour lui « une affaire personnelle » selon ses mots. Le discours du maréchal Pétain le 17 juin 1940 qui souhaite l’armistice avec l’Allemagne est pour lui une honte absolue. Il n’accepte pas qu’un maréchal de France puisse compromettre de la sorte avec l’ennemi allemand. C’est pourquoi dès le mois de juin 1940, en Bretagne et depuis le port de Paimpol, il parvient à embarquer dans un navire en provenance du Havre pour l’Angleterre. Il s’engage alors pour La France Libre du général de Gaulle. Il participe à la Bataille de l’Atlantique avant de prendre part aux entrainements à partir du mois de mai 1944 en vue d’une opération de débarquement de grande envergure dont la date et le lieu sont toujours tenus secrets. Ces manœuvres se tiennent près de Londonderry, au nord de l’Irlande, ou dans la Baie de Brodick en Ecosse.

Le message de Georges Ménage à la jeune génération


 

Cliquez sur la carte pour retrouver leurs témoignages et leurs parcours

 

Pourquoi les Français du Jour J ont-ils été oubliés ?

Les combattants français du Débarquement ne représentent que 2% des effectifs engagés le 6 juin 1944. Leur nombre très inférieur à celui des soldats américains, britanniques ou canadiens les a souvent relégués au second plan. A cela s’ajoute les rapports compliqués entre le général de Gaulle et les Alliés, surtout avec le président américain Roosevelt. Le général de Gaulle a été écarté des préparatifs du Débarquement, des opérations et ne revient sur le sol français que le 14 juin 1944. Le général de Gaulle ne s’est jamais rendu sur les plages du Débarquement pour les commémorations considérant le 6 juin 1944 comme un fait historique accaparé par les Anglais et les Américains.
 


« Les Français du Jour J » Un livre pour leur rendre hommage

Benjamin Massieu, professeur d’histoire en lycée et chercheur publie à la mi-mai un livre consacré au destin de ces compatriotes qui ont participé au Débarquement. L’histoire et le parcours de Georges Ménage, Hubert Faure, Rémi Dreyfus et de tant d’autres Français sont racontés dans cet ouvrage intitulé « Les Français du Jour J » aux éditions Pierre de Taillac.


Spécialiste des membres du Commando Kieffer, pour ce nouvel opus dédié aux combattants français du D-Day, Benjamin Massieu a consulté les archives du musée de l’Ordre de la Libération aux Invalides à Paris et du Service historique de la Défense au Château de Vincennes. Après avoir tissé un lien étroit avec plusieurs de ces vétérans français, il a pu avoir accès aux documents personnels de ces hommes qui étaient engagés dans les effectifs du 6 juin 1944.


Dominique Kieffer souhaite une cérémonie nationale pour les Français du Jour J
 

La fille de Philippe Kieffer entretient la mémoire de son illustre père, à la tête des 177 Bérets verts le 6 juin 1944 et durant les combats pour la libération de la France et de l’Europe. Elle donne des conférences et intervient en milieu scolaire pour sensibiliser les jeunes à l’engagement de son père, de ses camarades et à l’histoire du Commando Kieffer tout en rappelant les valeurs de la République.

Elle avait 13 ans quand son père est décédé en 1962. Elle se souvient de son humilité, il ne s’étendait pas sur ses faits d’armes. Dominique Kieffer vit dans la dernière demeure de son père, à Cormeilles-en-Parisis dans le Val d’Oise, rue du commandant Kieffer. Cette maison est le rendez-vous de toute la famille. Des objets ayant appartenu à Philippe Kieffer y sont conservés comme sa dague du Débarquement ou son béret vert.

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