Les compagnies d'assurances sont de plus en plus frileuses pour accompagner les communes dans les dommages aux biens, en raison de la hausse des dégâts causés par les violences urbaines et les castrophes naturelles. Résultat : les municipalités se retrouvent seules ou doivent multiplier les dépenses.
Après le passage de la tempête Ciaran à l'automne 2023, d'importants dégâts ont été enregistrés à Saint-Lô dans la Manche. Notamment la salle polyvalente ravagée.
Résultat : 400 000 euros de dégâts, qui ont été couverts par l'assureur de la ville. Mais depuis le 1er janvier, ce dernier a rompu son contrat avec la mairie.
Nous avons reçu un courrier, nous avisant que le contrat était résilié
Emmanuelle Lejeune, maire de Saint-Lô
Un scénario, vécu par plusieurs communes depuis fin 2023, qui est légal : l'article L.113-4 du code des assureurs mentionnant "en cas d'aggravation du risque en cours de contrat, l'assureur a la faculté soit de dénoncer le contrat, soit de proposer un nouveau montant de prime".
Des cotisations multipliées par 4
Ces désengagements sont rarement justifiés mais révèlent qu'avec la hausse des dégâts causés par les violences urbaines et les catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes, plusieurs assureurs décident de ne plus prendre le risque d'accompagner les municipalités, devenues pour certaines plus coûteuses que rentables.
Les tempêtes Ciaran et Domingos qui ont touché la France entre le 1er et le 5 novembre 2023 ont en effet occasionné 517 000 sinistres, pour un coût de 1,3 milliard d'euros pour les compagnies d'assurances comme le révèle France assureurs.
Sans contrat d'assurance depuis fin 2023, la commune de Saint-Lô a tenté de trouver une autre compagnie pour se prémunir en cas de nouveaux sinistres majeurs. Mais les contrats proposés affichaient des cotisations à hauteur de 250 000€ par an. Un gouffre financier comparé aux 70 000€ payés auparavant.
"Le maire ne peut pas se dire qu'assurer un bien va lui coûter beaucoup plus que le bien en lui-même" déplore Emmanuelle Lejeune au micro de France 2.
"On nous a imposé de nouvelles conditions"
Fortement impactée par les violences urbaines lors des émeutes liées à la mort de Naël en juin 2023, la ville d'Hérouville-Saint-Clair (Calvados) a aussi tiqué au moment d'acter son nouveau contrat d'assurance.
"On arrivait à la fin de contrat en décembre 2023. Quand on a relancé le marché, nous n'avons eu aucun candidat", déplore Christophe Vidu, directeur général des finances d'Hérouville-Saint-Clair. "On a entamé des négociations avec notre assureur historique avec qui nous avons resigné, mais avec un doublement de la prime annuelle qui est passée de 45 000 à 90 000 euros."
On nous a aussi imposé une franchise à 2 millions d'euros en cas de sinistres liés à des violences urbaines. Les heurts de 2023 ont vraiment eu un impact sur notre contrat.
Christophe Vidu, directeur général des finances d'Hérouville-Saint-Clair
La commune a également dû accepter des conditions de mise en sécurité des bâtiments. "Si certains bâtiments ne sont pas aux normes, l'assurance ne prendra rien en charge en cas de dégâts. Ce sont de nouvelles petites lignes qui s'ajoutent" fait remarquer Christophe Vidu, qui espère ne pas revivre d'importants dégâts sur la commune normande.
Une mission du gouvernement
Les communes périurbaines sont parmi les plus touchées par ces hausses tarifaires des assurances de dommages aux biens.
"Les budgets communaux sont mis à mal et ça risque de s'accroître avec les événements climatiques qui vont être plus violents. Tout cela risque de limiter la capacité de certaines municipalités à investir" alerte Olivier Paz, président de la communauté de communes Normandie-Cabourg-Pays d'Auge et Président de l'Union des maires du Calvados.
10% des 35 000 communes françaises seraient confrontées à des résiliations de contrats ou de fortes hausses des primes d'assurances selon l'association des Maires de France.
L'assurabilité des communes représente un enjeu majeur actuel et dans le futur. Bruno Le Maire, le Ministre de l'Economie et Dominique Faure, Ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ont lancé une mission pour étudier "l'ensemble des facettes de cette problématique". Des conclusions sont attendues d'ici le mois d'avril.