Témoignages. L'entreprise Europhane ferme plus tôt que prévu aux Andelys, les salariés sous le choc

Publié le Écrit par Mélisande Queïnnec

Le couperet est tombé ce jeudi 9 janvier 2025 pour les salariés du site ZG Europhane des Andelys (Eure). En octobre dernier, ils avaient appris la suppression de 85 emplois, prévue pour la fin du mois de janvier 2025. Ces derniers ont finalement vu leur activité cesser quinze jours plus tôt que prévu.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

C'est un énième coup de massue pour le bassin d'emploi des Andelys et ses 8 000 habitants, déjà fragilisés en janvier 2024 par l'autre gros plan social de l'historique verrerie Holophane (208 salariés licenciés). Sur l'unité de production d'éclairage public Europhane, 85 emplois disparaissent. Seuls les 45 salariés du pôle recherche & développement sont maintenus en poste.

Certaines personnes l'ont très mal vécu ou se sont mises à pleurer. On se considère comme une famille et on nous dit "demain, tu ne verras plus ces gens-là"

Catherine, ex-monteuse câbleuse chez Europhane

Les 85 salariés du site de production, pour certains présents depuis plusieurs décennies dans l'usine euroise, devaient être licenciés fin janvier. La direction les a finalement sommés de rester chez eux dès le 9. En attendant l'officialisation de leur licenciement, ils sont donc en congés payés...Contraints et forcés. Et ne cachent pas leur amertume, eux qui se considéraient comme "une grande famille".

"Il n'y a quasiment plus rien aux Andelys"

Implantée aux Andelys depuis 1968, Europhane constituait l'un des poumons industriels des Andelys avec jusqu'à 500 salariés sur site. Un premier plan social avait eu lieu en 2020, suivi d'une dizaine d'autres licenciements en 2023. Jeudi matin, la direction a informé les salariés concernés par ce nouveau plan social de l'arrêt de leur activité lors d'une réunion d'information.

"Ce n'est pas évident à vivre, confie Catherine, monteuse câbleuse chez Europhane pendant vingt-cinq ans. Ils ont fait l'annonce comme ils le font d'habitude, avec un micro, un Power Point. Ils nous ont dit qu'étant donné que la production était quasiment à zéro, ils ne voyaient pas l'intérêt que les gens restent sur place. On s'y attendait, mais tous les jours quand on revenait, on se disait que c'était une journée de gagnée."

Il n'y a pas de bon moment, pas de bonne façon de faire, c'est peut-être mieux d'apprendre ça tous ensemble plutôt que de recevoir son courrier à la maison et de se dire "ça y est, on ne reviendra plus, c'est fini". J'aimais mon boulot. C'est une page qui se tourne...

Catherine

Il reste peu de temps pour dire au revoir aux collègues, côtoyés pendant si longtemps. Les salariés ne travaillant pas le vendredi, ils se sont quittés de manière précoce et terriblement brutale. Et doivent désormais penser à l'après, déjà, espérer trouver un autre poste ailleurs. Un défi, alors que selon Frédéric Duché, maire (DVD) des Andelys, la moyenne d'âge des salariés est de 54 ans.

"J'ai 58 ans. Je suis trop jeune pour partir à la retraite, mais trop vieille pour retourner travailler. Ça va être compliqué, se désole Catherine. On va rebondir, trouver des formations, on a la cellule de reclassement pour nous aider... On prendra ce qu'on trouve. Mais ce ne sera pas sur le bassin des Andelys, il n'y a quasiment plus rien aux Andelys. On était à dix minutes de chez nous, c'était une qualité de vie."

"D'un seul coup, on parle et ça résonne"

Comme Catherine, Nathalie, salariée d'Europhane depuis 38 ans au pôle logistique, s'inquiète de trouver un poste beaucoup plus loin. Même si elle multiplie les dépôts de CV depuis lundi : "Hier j'étais à Aubevoye, ce matin à Val-de-Reuil, demain j'irai ailleurs. J'y vais, advienne que pourra".

Avec certains de mes collègues, on le savait, il y avait toujours plus ou moins des livraisons mais comme il n'y avait plus de production dans les ateliers, on se doutait bien qu'ils n'allaient pas nous laisser comme ça. Du début à la fin, la direction n'a pas lésiné sur sa façon de faire, c'est moche

Nathalie, ex-salariée dans la logistique chez Europhane

Europhane, "c'était une usine familiale, on n'était pas malheureux, estime-t-elle. J'ai passé 38 ans ici, j'ai créé des liens, j'ai des affinités avec des personnes, je côtoie du monde tous les jours. J'habite à cinq minutes, on travaillait au pied de notre porte. Maintenant, on sait qu'il faudra faire des kilomètres, prendre la voiture. On n'imaginait pas que ça allait être comme ça, ça fait de la peine."

Patrick, 38 ans d'ancienneté, retient difficilement ses larmes : "Je pense à tous ceux à qui je n'ai pas pu dire au revoir... Psychologiquement, ce n'est pas facile."

Il fait partie des six salariés sélectionnés sur les 35 candidats pour démanteler l'unité de production, et reste donc sur site jusqu'au mois de juin pour trier et réexpédier l'ensemble des matières premières encore en stock. En 2015, déjà, il avait vidé le dépôt central : "Le matériel va partir à différents endroits. Il faudra faire des inventaires, ce sera pénible. Ça fait des années qu'on travaille là. D'un seul coup, on parle et ça résonne."

"Un côté très inhumain", pour le maire des Andelys

Europhane fait partie du groupe autrichien Zumtobel, parmi les leaders mondiaux des éclairages publics et professionnels. À l’issue du CSE extraordinaire (comité social économique) du 16 octobre 2024, les négociations avec la direction avaient débuté le 22 octobre. Le 8 novembre, les salariés étaient descendus dans la rue crier leur colère. Mais rien ne présageait, pour eux, une cessation d'activité avant la fin du mois.

Dès l'annonce du plan social, le maire des Andelys, Frédéric Duché avait par ailleurs demandé à la sous-préfecture de constituer un comité de pilotage pour suivre cette crise.

Il se dit aujourd'hui, lui aussi, peiné par la situation : "Le préfet n'était pas au courant, le sous-préfet n'était pas au courant, la direction du travail n'était pas au courant... On est dans un côté très inhumain, à la hauteur de ce que la direction a fait dès le démarrage, en annonçant un PSE [Plan de sauvegarde de l'emploi, ndlr] qui n'avait pas de sens."

(La direction) n'a même pas laissé aux gens la capacité à faire leur deuil de l'entreprise et d'avoir un moment tous ensemble pour se retrouver avant d'être licenciés, tout ça pour des intérêts économiques et financiers.

Frédéric Duché, maire (DVD) des Andelys

Reclassement et accompagnement


Mise en place dans le cadre du PSE et financée par Europhane, la cellule de reclassement devrait néanmoins aboutir à l'accompagnement des salariés. "Nous allons mettre des locaux à disposition de cette cellule pour que les gens puissent être reçus dans des locaux adaptés et pas au-dessus d'un bar comme c'était initialement prévu", souligne Frédéric Duché.

L'édile ajoute qu'un salon de l'emploi et de la formation professionnelle sera organisé le 13 février prochain. La matinée sera consacrée aux ex-salariés d'Europhane : "Il y aura des entreprises sur place. Et puis évidemment, on fera de l'accompagnement au cas par cas en fonction des besoins des uns et des autres, comme on l'a fait pour Holophane".

Qu’avez-vous pensé de ce témoignage ?
Cela pourrait vous intéresser :
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information
en direct

Budget : les collectivités locales au régime sec

regarder