L'industriel Lactalis prévoit de diminuer de 450 millions de litres ses commandes de lait aux éleveurs français à partir de la fin de l'année. En Normandie, 2 000 producteurs dépendent des commandes de la multinationale.
Coup de massue chez les producteurs laitiers. Le géant Lactalis a annoncé, mercredi 25 septembre, qu'il entend diminuer de 450 millions de litres ses commandes de lait aux éleveurs français à partir de la fin de l'année. Cette baisse, qui représente 9% des volumes achetés, sera progressive et s'étalera jusqu'en 2030.
"C'est une déflagration pour le milieu laitier", a réagi Arnaud Rousseau, le patron de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), au lendemain de l'annonce de la multinationale.
En Normandie, 2 000 producteurs dépendent des commandes de Lactalis, leader mondial des produits laitiers. Les éleveurs normands ne devraient cependant pas être impactés à court terme, la première vague de réductions touchant les Pays de la Loire. "Je pense que les Normands, à court terme, peuvent un peu moins s'inquiéter vu que Lactalis a investi fortement en Normandie", veut rassurer Marie Denis, la présidente de la FNSEA en Normandie.
En 2023, Lactalis a ouvert à Domfront (Orne) la plus grosse unité de fabrication de fromage au monde. "Qui dit usine nouvelle, gros investissement, grosse transformation, dit besoin de producteurs à proximité, du moins on le pense, en espérant qu'ils n'iront pas chercher le lait ailleurs", fait savoir Anne-Marie Denis.
Incertitude sur les ventes
Mais les éleveurs s'inquiètent d'une chute des ventes sur le long terme. La Manche est le département français qui compte le plus de vaches laitières. La Normandie consacre ainsi 35% de sa production agricole au lait, selon les derniers chiffres publiés par la Chambre d'agriculture.
À Catenay (Seine-Maritime), Stéphane Donckele exploite 160 hectares de terres où il élève des vaches laitières. Pour vendre sa production, il a signé un contrat d'exclusivité avec Lactalis. Sa ferme n'est pas encore concernée par la réduction de la collecte, mais depuis l'annonce du géant industriel, il se prépare à faire changer la donne. "Il faut qu'on aille trouver d'autres acheteurs. Il y a les organisations de producteurs, j'ai confiance en eux pour trouver le plan B. Et puis il restera le syndicalisme qui va veiller là-dessus, et qui sait faire les choses quand ça ne va pas", avance celui qui est aussi secrétaire général de la FNSEA dans le département.
Reste que le retrait annoncé de Lactalis crée des incertitudes pour l'avenir de son exploitation. "On avait prévu de faire des choses l'année prochaine sur du confort de travail, sur du bien-être animal. Ça se chiffre à plusieurs dizaines de milliers d'euros, ça s'amortit sur dix ou quinze ans", détaille l'agriculteur. Faute de certitudes sur l'évolution de ses revenus, ses investissements pourraient être mis en pause. "La suite, aujourd'hui, on ne la connaît pas", lance-t-il.
Le prix d'achat en hausse
Le Groupe Lactalis semble pourtant en bonne santé, affichant un chiffre d'affaires de 28,3 milliards d'euros en 2022. Dans un communiqué publié le 25 septembre, il détaille les raisons de la réduction de la collecte, informant qu'il compte baisser sa production de produits laitiers à destination des marchés internationaux pour se recentrer sur les ventes en France, dont les produits sont "mieux valorisés car moins sujets aux aléas des marchés mondiaux". Or, la majorité du volume produit pour Lactalis en France part à l'export, faisant des élevages français les premiers touchés par ce changement de stratégie.
Pour les producteurs qui resteront dans le giron de la multinationale, le prix d'achat du lait sera augmenté, laisse entendre Serge Moly, le directeur de la filière d'approvisionnement en lait du groupe.
Jeudi 26 septembre, la Confédération paysanne, organisation de syndicats agricoles classée à gauche, en a appelé à "un arbitrage public des relations commerciales" et à "une régulation publique et collective des volumes" de lait. "Il est certain pour nous que Lactalis agit pour préserver ses profits", complète l'organisme.
Avant l'annonce de Lactalis, la Normandie était engagée de longue date dans une augmentation de sa production laitière. Les volumes produits ont ainsi bondi de 18% depuis 2001, atteignant 3,83 milliards de litres en 2021, selon le ministère de l'Agriculture. La réduction annoncée des achats fait donc l'effet d'une douche froide.