Thierry Granturco, ancien maire de Villers-sur-Mer (Calvados), est poursuivi pour des faits de harcèlement moral sur d'ancien collaborateurs. L'affaire fait grand bruit dans cette commune de la Côte fleurie. Le procès a été délocalisé à Alençon.
"J'ai pris conscience que ma famille était en souffrance, et que je ne pouvais plus leur dire que ça allait se tasser, que les choses finiraient par se calmer". En mars dernier, Thierry Granturco, maire de Villers-sur-Mer dans le Calvados depuis 2020, annonçait sa démission de son mandat. L'élu local dénonçait menaces, insultes et intimidations dont il aurait été victime, ainsi que sa famille, pour justifier son départ. "Je n’ai jamais pensé qu’on s'en prendrait à mon chien, qui a eu la patte fracassée par un inconnu, à ma maison, à mes voitures, qu’on glisserait régulièrement dans vos boîtes aux lettres des invectives à mon encontre et à celles de mes fils."
Cela faisait déjà plusieurs mois que la petite commune de la Côte Fleurie, et plus particulièrement sa mairie, était en proie à des tensions. À l'automne 2023, Thierry Granturco est placé en garde à vue à la gendarmerie d'Argentan dans le cadre de plaintes déposées par des collaborateurs (membre de sa majorité et employés municipaux) pour des faits de harcèlement. Un an plus tard, les deux parties se retrouvent ce jeudi 26 septembre au tribunal correctionnel d'Alençon.
De grandes ambitions
Auréolé de son succès à la tête du club de football de la ville (six montées en 7 ans, de la D2 à la N2), ce chef d'entreprise et avocat spécialisé dans le droit du sport avait réussi à rafler la mairie à l'équipe sortante. Le Normand d'adoption (natif de Lyon) avait de grandes ambitions pour la commune qu'il voulait affranchir de la tutelle de Deauville. À la veille de l'audience au tribunal correction d'Alençon, joint par téléphone, Thierry Granturco s'interrogeait :"est-ce une affaire politique ?".
Les témoignages apportés ce mercredi à la barre font pourtant état de faits de harcèlement, de dénigrement moral, d'intimidation et de remise en cause du travail accompli. "Un tyran", dénonce l'un d'entre eux, "un pervers narcissique qui s'attaque aux faibles", fustige une autre. Un employé municipal évoque ainsi des reproches fréquents, des blagues à son encontre en public (le maire le faisait constamment passer pour quelqu'un de jeune, d'inexpérimenté), mais aussi des sollicitations régulières pour travailler les week-ends et jours fériés. L'employé estime que ces comportements ont entraîné chez lui une dépression et des envies suicidaires.
"17 plaintes en quatre ans de mairie"
Parmi les cinq plaignants figurent également des membres de l'ancienne majorité de Thierry Granturco. Les anciens adjoints du maire racontent qu'il se mêlait en permanence de leur travail, n'hésitait pas à les contredire voir les désavouer en public. L'un d'entre eux qualifie l'ancien maire de Villers-sur-Mer de despote. Les élus en tension avec Thierry Granturco auraient été "mis à pied" pendant un mois avec pour consigne de ne pas revenir à la mairie.
Ces accusations, le prévenu les réfute. Il reconnaît simplement une "gestion très interventionniste". La veille, au téléphone, il se justifiait ainsi : "un maire est juridiquement responsable de tout. Alors, oui je voulais être au courant des dossiers, voire les valider." Ce jeudi, à l'audience, il développe : "J'ai passé quatre ans à faire face à des prises d'initiative malheureuses. Après avoir demandé cinq fois "s'il te plaît, informe-moi", on se demande si en face, c'est vraiment une méconnaissance des circuits de décisions."
Soulagé de ne plus être maire
Thierry Granturco reconnait deux erreurs : un programme, selon lui, trop ambitieux (plus de 200 mesures à faire passer en six ans) et avoir tenté de gérer la mairie comme il l'avait fait avec ses entreprises. Et de faire le constat que ça n'a pas fonctionné parce que certaines personnes, estime-t-il, n'avaient pas les compétences de travail nécessaires. D'où "des moments d'agacement".
Après avoir rappelé que la qualification de harcèlement nécessité une récurrence des faits, le procureur de la République a condamné les méthodes management de l'ancien maire de Villers-sur-Mer et recquis à son encontre une peine de 10 mois de prison avec sursis, 10 000 euros d'amende et une interdiction de rentrer en contact avec les victimes durant trois ns. La décision a été mise en délibéré.