Le 8 mars dernier, 27 prison italiennes ont été le théâtre d'émeutes après la décision des autorités de geler indéfiniment les visites aux détenus et les permissions de sortie. La France, confrontée elle aussi à la propagation du covid-19, a dû imposer le confinement et a suspendu, ce mardi 17 mars, les parloirs jusqu'au 31 mars dans les prisons de l'hexagone. Comme chez nos voisins, cette décision a été mal vécue par certains détenus, comme à Grasse ou à Perpignan.
A Condé-sur-Sarthe, la suspension des parloirs est saluée par les personnels. "C'est une bonne chose", affirme Grégory Ducrocq, "Il n'y a pas de cas de coronavirus dans l'établissement, il faut tout mettre en place pour ne pas que ça arrive." Au sein du centre pénitentiaire, les détenus pouvaient encore ce mardi se rendre en promenade ou au terrain de sport sans restriction particulière. "On essaye de maintenir la vie la plus normale possible tout en évitant la propagation du virus.". Certaines activités (socioculturelles par exemple) sont toutefois interrompues car elles sont animées d'ordinaire par des intervenants extérieurs. "Parmi les détenus, il y en a qui comprennent, d'autres pas", ajoute le représentant syndical.
"Une mesure qui fait mal"
"C'est une mesure qui fait mal mais pas aussi mal que lorsque les surveillants ont bloqué l'établissement et empêché les familles de voir leurs proches", confie Lydia Trouvé, dont un membre de sa famille a été un temps incarcéré à Condé-sur-Sarthe. L'ancienne responsable d'un syndicat de familles de détenus dit comprendre la nécessité d'une telle mesure. "Il y a des familles et des détenus compréhensifs. Et ceux qui n'en ont rien à faire", indique-t-elle, et d'évoquer certains établissements où "jusqu'à 20 familles s'entassent dans un parloir." Ce qui n'est pas le cas à Condé-sur-Sarthe, doté de "box séparés". Reste la peur de voir un de ses proches "contaminé par les surveillants."Chez les personnels, c'est justement la question de la contamination qui préoccupe le plus. Le manque de moyen est une fois encore pointé du doigt par les organisations syndicales pénitentiaires. "Ça fait quinze jours qu'on demande à mettre des choses en place à Condé-sur-Sarthe. J'étais encore à Rennes (ndlr : siège de la direction interrégionale) vendredi dernier. On nous a dit : il n'y a pas d'inquiétude à avoir, on verra lundi", s'indigne Grégory Ducrocq (FO Pénitnetiaire), "c'est comme si, à Condé-sur-Sarthe, le virus prenait son weekend !"
"C'est toujours la pénitentiaire la dernière servie"
Le problème numéro 1 selon le représentant syndical, c'est le manque de protection sanitaire, masques et gels hydroalcooliques. "On demande des produits pour désinfecter les matériels de travail. Il y a des masques dans l'établissement mais ils sont réservés au personnel soignant. C'est toujours la pénitentiaire la dernière servie." Et de dénoncer un manque d'anticipation de l'administration. "C'est une gestion au jour le jour voire à la demie-journée."L'administration pénitentiaire se défend. "Les différentes mesures ont été prises en fonction des stades 1, 2 , 3, elles correspondaient au prise de décision du gouvernement, après avoir parlé des gestes barrières, on a commencé à rentrer dans le dur", explique un représentant de la direction interrégionale pénitentiaire. "Hier (mardi), la ministre a annoncé qu'elle allait équiper l'administration pénintentiaire d'un certain nombre de masques", indique cette même source avant d'ajouter, "on est déjà confronté dans certains établissements à des maladies comme la gale ou la tuberculose. Ce n'est pas une nouveauté. Les personnels connaissent le protocole."
"Renforcer les moyens humains, c'est déjà qu'on maintient une activité"
Le nez dans le guidon du quotidien, les personnels pensent avant tout à leur santé. Mais les images des prisons italiennes et celles, plus récentes, de Grasse et de Perpignan, font naître peu à peu d'autres craintes dans les esprits. "A Condé-sur-Sarthe, pour l'instant, c'est calme", rappelle Grégory Ducrocq, "L'interdiction des parloirs, c'est une bonne chose. Mais les stupéfiants rentrent par les parloirs et quand ça va manquer, ça va être compliqué (...) On redoute le mouvement collectif."Selon la direction interrégionale, ce type d'incident a été envisagé en amont. "On sait que les parloirs sont essentiels dans la vie des détenus, même s'il y a le téléphone et le courrier. On sentait que ça allait arriver (...) On a des plans d'activité si il se passe quelque chose, des plans qui définissent quels moyens déployer." Pas question pour autant de renforcer les effectifs dés maintenant en prévention. "Renforcer les moyens humains, c'est déjà qu'on maintient une activité. On travaille avec des personnels inquiets, vulnérables puisque sujets à certaines pathologies spécifiques, des personnels qui ont aussi des problèmes de garde d'enfant",