Il est accusé d’avoir assassiné son ex-compagne, Caroline Noureux, et le nouveau conjoint de cette dernière, Christophe Granger, en 2019 à Eu. Cédric Patte sera remis en liberté ce lundi 6 février avant son procès. La décision peut questionner mais correspond en réalité à une stricte application de la loi.
Dans la nuit du 4 au 5 février, Cédric Patte fait irruption au domicile de son épouse, Caroline Noureux, et de son nouveau compagnon, Christophe Granger, armé d’un fusil de chasse. Il est accusé d’avoir utilisé son arme pour tirer deux balles à bout portant. Le couple meurt sur le coup. Dans la foulée, Cédric Patte joint par téléphone la mère de la victime ainsi que la gendarmerie.
Un contexte de séparation tendue
Au moment des faits, Cédric Patte et Caroline Noureux sont en instance de divorce, séparés depuis plusieurs mois après une relation chaotique de sept ans, marquée notamment par la naissance d’un enfant. La séparation est source de tensions, l’un accusant la famille de l’autre d’y avoir contribué.
Aux autorités, l’accusé, inconnu de la justice, évoque la découverte "d’une commande de lingerie fine", faite par Caroline Noureux peu avant les faits. Il dit n’avoir pas supporté qu’elle refasse sa vie, se serait déplacé au domicile du couple pour se suicider et nie l’intentionnalité des tirs.
Le parquet a toutefois requis sa détention provisoire en 2019. Incarcéré à Rouen depuis lors, Cédric Patte a fait l’objet de plusieurs expertises psychiatriques, qui ont relevé chez lui "une froideur affective surprenante" et des sourires "pas toujours à-propos", détaille Maître Stéphanie Audra-Moisson, l’avocate des parents et des frères de Caroline Noureux.
Fin de la durée légale de détention provisoire
Selon la loi, Cédric Patte est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire. La détention provisoire, d’une durée maximum de quatre ans, est renouvelable sous des conditions très strictes détaillées dans les articles 144 et 145 du Code de procédure pénale, si "la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes ou des biens un risque d'une particulière gravité". Elle s’applique en principe le temps de clore l’instruction, et jusqu’au procès. Généralement, le processus dure entre 18 et 24 mois.
Mais l’instruction a été interrompue. Le magistrat instructeur est tombé malade ; les arrêts maladie se prolongent, et son remplacement est décidé tardivement. A ce jour, Cédric Patte est ainsi toujours dans l’attente d’un jugement. Le procès pourrait avoir lieu, au mieux, dans un délai de 12 à 18 mois, précise Maître Fabien Picchiottino, qui assure sa défense. Un accusé qui comparaît libre étant, en outre, moins prioritaire selon le Code de procédure pénale.
Il y a eu un concours de circonstances qui fait que le juge n’a pas pu, dans les quatre années, clore le dossier. C’est un raté important de l’instruction.
Me Fabien Picchiottinoà France 3 Normandie
Quant à son maintien en détention provisoire, il ne pouvait être décidé que sous certaines conditions – et pour une durée n’excédant pas quatre mois. "La chambre de l’instruction aurait pu tordre la loi et dire que sa sortie de prison entraînait un risque d’une particulière gravité, sauf que ce n’était pas le cas", souligne Me Picchiottino. "La cour a simplement fait appliquer la loi."
"La justice est beaucoup trop longue, il n’y a pas assez de juges et de policiers, mais les juges font évidemment en sorte que tout soit fait dans les délais légaux", relève toutefois Me Picchiottino. Le cas Cédric Patte est un cas isolé, donc. "Il y a eu un concours de circonstances qui fait que le juge n’a pas pu, dans les quatre années, clore le dossier. C’est un raté important de l’instruction."
Les familles des victimes en souffrance
Aujourd’hui âgé de 37 ans, Cédric Patte s’apprête à laisser derrière lui les portes de la maison d’arrêt de Rouen. L’ancien manipulateur radio comparaîtra libre à son procès, mais sera placé sous contrôle judiciaire. Outre deux pointages par semaine à la gendarmerie, il devra résider dans la Somme et aura l’interdiction d’entrer en contact avec la famille des deux victimes.
Une situation qui inquiète la famille de Caroline Noureux, traversée par la crainte qu’il tente de fuir. "Quand on risque une peine qui peut aller jusqu’à la perpétuité… Cela peut traverser l’esprit", avance Me Audra-Moisson. "C’est une grande souffrance d’imaginer qu’il soit remis en liberté."
Le deuil ne pourra se terminer que lorsqu’une décision de justice sera posée.
Me Stéphanie Audra-Moissonà France 3 Normandie
Si la préméditation devrait être retenue, reste à savoir quelle qualification juridique sera adoptée – meurtre par conjoint, double-assassinat… Si Cédric Patte interjette appel de la décision, le dossier pourrait être encore retardé.
"C’est compliqué pour les parties civiles que je représente de ne pas avoir d’échéance précise concernant la date du jugement. Le deuil a bien évidemment commencé, mais ne pourra se terminer que lorsqu’une décision de justice sera posée", conclut Me Audra-Moisson.