Lundi 24 juin 2024, au tribunal de Bobigny, la procureure, Alice Dubernet, représentante du ministère public, a détaillé ses réquisitions dans le cadre du procès de trafic de drogues de Canteleu et de l'ex-maire Mélanie Boulanger, ainsi que de son adjoint Hasbi Colak.
Lundi 24 juin 2024, nouvel épisode au parquet de Bobigny dans le cadre du procès sur l'affaire du vaste trafic de drogues à Canteleu (Seine-Maritime).
Après les enquêtes de personnalités, la procureure, Alice Dubernet, a détaillé ses réquisitions pour les 19 prévenus : deux élus - l'ex-maire Mélanie Boulanger et l'ancien adjoint au commerce Hasbi Colak -, des membres de la famille Meziani mais aussi des petites mains des trafiquants de drogues.
Un an de prison avec sursis requis pour l'ex-maire
La procureure demande au tribunal de condamner Hasbi Colak et Mélanie Boulanger pour les quatre faits de complicité de trafic de stupéfiants retenus contre eux.
Elle demande un an de prison avec sursis pour l'ex-maire de Canteleu, 10 000 euros d'amende et une interdiction d'inéligibilité pour cinq ans.
Pour Hasbi Colak, la procureure sollicite au tribunal 18 mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende et une interdiction d'inéligibilité pour cinq ans.
L'avocat de Mélanie Boulanger n'a pas souhaité faire de commentaires. Dans les couloirs du tribunal, se murmurent cependant que ces réquisitions étaient attendues, qu'il n'y a "aucune surprise".
Avant ses réquisitions, la procureure a évoqué "un trafic de stupéfiants qui est infiltré depuis des années à Canteleu, qui a infiltré toutes les strates, jusqu’à sa mairie".
Bonjour ! ☀️
— Théo Thomas (@theotthomas) June 24, 2024
Je suis à #Bobigny aujourd’hui pour le procès impliquant Mélanie Boulanger et 18 autres prévenus.
Aujourd’hui, ont lieu les réquisitions de la Procureure et les plaidoiries de la défense.
À dérouler 👇🏻@f3normandie @ManonLoubet2 pic.twitter.com/YPc92tyAlx
"Il a fait entrer le loup dans la bergerie"
La procureure demande au tribunal de condamner Hasbi Colak pour les quatre faits de complicité de trafic de stupéfiants retenus contre lui. Elle demande au président d'écarter toute notion de "contrainte".
"Hasbi Colak, en tant qu’élu de la République, ne peut pas dire oui à tout, à tout le monde, sans poser de questions. Du fait de sa fonction d’élu de la République, il devait poser des questions. Il n’a posé aucune question", explique-t-elle.
Elle ajoute qu'"Hasbi Colak a été embauché pour avoir des informations de terrain, c’est son rôle.
Mais dès que ça concerne le trafic de drogue, le clan Meziani, il devient sourd, aveugle, muet. Par cette action [de prêter son véhicule], il a aidé à faire un rechargement de cocaïne".
La procureure assure que "c’est une personne de confiance Hasbi Colak pour les Meziani. C’est dans son restaurant que l’on se retrouve pour discuter. C’est un point d’ancrage, le restaurant d’Hasbi Colak pour les Meziani".
Pour elle, c'est lui qui a "fait entrer le loup dans la bergerie". "Il a permis aux Meziani de s’infiltrer dans le premier échelon de l’Etat, qu’est la mairie de Canteleu."
Si Mélanie Boulanger et Hasbi Colak ont tous les deux refusé d’évoquer leur relation intime lors des audiences, la procureure estime qu'elle est pourtant au centre de cette affaire.
Cette relation a propulsé Mélanie Boulanger au cœur de l’engrenage, au cœur d’un pacte avec les grands, au cœur d’un pacte avec les Meziani.
Alice Dubernet, procureure de la République
"Mélanie Boulanger devait déposer plainte"
La procureure de la République précise que l'édile n’est pas "corrompue". "Elle n’a rien gagné financièrement. Elle n’est pas non plus coupable de favoritisme. Mais, on tombe dans la complicité de trafic de stupéfiant, par abstention", souligne-t-elle.
"En tant que maire, Mélanie Boulanger devait déposer plainte, devait dénoncer les menaces dont elle et la ville étaient directement visées. En tant que maire, elle devait donner des noms. Ces abstentions n’ont fait que renforcer les Meziani dans leur sentiment de puissance", énumère la procureure.
Elle assure que Mélanie Boulanger "donne des informations importantes". "Le renforcement de patrouilles de police, ce sont des informations importantes, surtout dans une ville qui manque de présence policière. Évidemment qu’avec ces informations, les trafiquants vont être plus prudents", martèle-t-elle.
Comme pour Hasbi Colak, vous ne retiendrez pas le discours de la peur M. le Président, Mélanie Boulanger avait moyen de donner des noms, de porter plainte, de satisfaire à ses obligations légales en tant que maire, de ne pas laisser faire.
Alice Dubernet, procureure de la République
La procureure demande que Mélanie Boulanger soit reconnue coupable des quatre faits pour complicité de trafic de stupéfiants qui lui sont reprochés. "Les peines doivent être à la hauteur du trafic de stupéfiants", demande la procureure.
Canteleu, le "territoire" des Meziani
"Ça fait des années que tout le monde sait que les Meziani ont le monopole du trafic de stupéfiants à Canteleu, assure la procureure. Tout le monde sait que Canteleu, c’est le territoire des Meziani."
En tant que tête identifiée du trafic, elle requiert une condamnation pour trafic de stupéfiants, import de stupéfiants et association de malfaiteurs pour Aziz Meziani, qui est en cavale au Maroc. Montacer Meziani sera jugé ultérieurement en novembre, pour raisons de santé.
Pour Fouzia Meziani, la grande sœur "des voyous", la procureure demande au président de la condamner pour sa participation active au trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs.
Mais elle demande de la relaxer pour les faits d’importations de stupéfiants par manque d’éléments.
On n’est pas dans un jeune trafic qui vient de s’installer. Vous avez la preuve que ce trafic est présent depuis des années et se transmet. Une dynastie qui commence dans un petit village au Maroc. Ils [les Meziani] ont accès par cet ancrage, à la source, au cannabis.
Alice Dubernet, procureure de la République
Concernant les complices des Meziani, Mohammed M. et Camel B. sont identifiés comme ceux qui gèrent le trafic de stupéfiants à Canteleu. La procureure demande huit ans d'emprisonnement pour les deux hommes, un maintien en détention, une peine de 50 000 euros d'amende, une interdiction de port d'arme pendant dix ans, une interdiction de se rendre en Seine-Saint-Denis et en Seine-Maritime pendant cinq ans et 10 000 euros leur sont confisqués.
Pour quasiment tous les autres prévenus, les réquisitions suivent tous les motifs de mises en examen.