Incendie de Lubrizol : le point sur l'enquête deux ans après

Mise en examen de Lubrizol et rapport d'expertise témoignent de l'avancée des investigations concernant l'incendie de Lubrizol et Normandie Logistique qui avait marqué les esprits le 26 septembre 2019. Une enquête qui s'annonce longue avant d'aboutir à un procès.

4500 plaignants individuels et plus de 600 parties civiles constituées (source judiciaire) pour une instruction menée par trois magistrats du pôle santé publique du tribunal de Paris. L’instruction s’annonce longue mais, deux ans après l’incendie qui a marqué les esprits, il y a déjà des avancées.

Nouvelle mise en examen de Lubrizol

Le 14 septembre dernier, à quelques jours de la date anniversaire, Lubrizol a été mis en examen des chefs de « déversement de substances nuisibles dans les eaux » et « rejet en eau douce de substances nuisibles au poisson ».

L'Association des sinistrés de Lubrizol (ASL), partie civile se réjouit de ces avancées mais voudrait qu'après le constat de surmortalité des poissons, l'on étudie l'impact sur la santé humaine.

9500 tonnes de produits toxiques, cancérigènes et mutagènes se sont déversés dans la Seine. Ils ont tué les poissons. Et nous ? Qu'est-ce que nous avons respiré ? Nous voulons que les juges ordonnent à Santé Publique France et aux services de l'Etat un vrai suivi sanitaire de la population. Qu'avons-nous eu à présent ? Une étude sur le ressenti. Quelle honte !

Simon de Carvalho, Président de l’Association des sinistrés de Lubrizol (ASL)

 

Ce qu’on attend de la procédure d’instruction aujourd’hui c’est qu’elle nous permette de nous éclairer sur les origines précises de l’incendie mais aussi ses conséquences sur la population. Sur ce dernier point, ce n’est pas que la procédure d’instruction qui peut agir. C’est aussi les pouvoirs publics. Il faut qu’ils se saisissent de la question. Malheureusement plus le temps avance, plus il est tard. Mais toutes les enquêtes de santé publique qui peuvent être faites à côté sont éclairantes. Chaque jour, on voit des éléments arriver comme ce qui s’est passé pour le lichen.

Me Julia Massardier, avocate de victimes de Lubrizol

Des molécules d'hydrocarbures cancérigènes (HAP) retrouvées en grande quantité dans des lichens 

Début juillet 2021, la préfecture de Seine-Maritime a rendu public sur son site internet deux rapports d’analyses concernant les mesures réalisées dans les lichens par le bureau d’études Aair Lichens.

Les résultats montrent qu'à Serqueux, tout comme à Bosc-Bordel et Romcherolles-en-Bray, dans le pays de Bray, les niveaux de produits cancérigènes relevés dépassent de deux fois le seuil d'alerte. 

Plus d'information, dans l'article suivant :

https://france3-regions.francetvinfo.fr/normandie/seine-maritime/rouen/incendie-lubrizol-un-maire-de-seine-maritime-porte-plainte-contre-l-industriel-et-l-etat-2195914.html

Requête en nullité déposée par Lubrizol rejetée

Pour rappel, Lubrizol avait déjà été mise en examen, le 27 février 2020 et Normandie Logistique avait été placée sous le statut de témoin assisté.
Lubrizol avait d'ailleurs déposé une requête en nullité pour faire annuler sa mise en examen dénonçant des irrégularités dans l'enquête. La requête a été rejetée en juin dernier par la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris.

L'origine de l'incendie au coeur de l'instruction

La question aujourd'hui est de savoir d'où est parti l'incendie et quelle en est la cause.

Les experts de l'Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP), un service spécifique de la gendarmerie nationale étaient chargés d'enquêter sur la zone de départ de l'incendie et d'en déterminer les causes. 

Un rapport a été remis aux juges en charge de l'instruction en décembre dernier.

Concernant la zone de départ de l'incendie, il y avait 3 hypothèses : 2 zones de départ dans l'enceinte de Lubrizol et 1 au sein de Normandie Logistique notamment dans un bureau dans lequel il y aurait eu un radiateur défectueux, hypothèse qu'avait repris le journal Le Monde. Les gendarmes écartent cette hypothèse. Ils ont pu retracer dans le temps le déclenchement des alarmes de Normandie Logistique. La première à s'être déclenchée est la plus éloignée du bureau en question. Les experts penchent pour un départ d'incendie au stockage de produits chimiques à l'extérieur du bâtiment A5.

Gérald Le Corre de l'Union départementale CGT 76

 

Deux hypothèses privilégiées pour les causes de l'incendie

La 1ère est liée à un lampadaire qui aurait pu être défectueux. La 2ème est liée à un choc entre un chariot élévateur et un contenant de produits inflammables. Cependant d'autres hypothèses, écartées à ce jour, méritent à nos yeux des investigations complémentaires notamment la présence de produits incompatibles. Il s'avère que les gendarmes n'ont pas eu accès à la liste définitive des produits stockés dans la zone définie comme étant celle de départ du feu.

Gérald Le Corre de l'Union départementale CGT 76


Si ce rapport d'expertise privilégie un départ de feu chez Lubrizol, il précise, néanmoins, que l'origine n'a pu être précisément et formellement localisée. C'est sur cette phrase que s'appuie la défense de Lubrizol.

Les conclusions de l'expertise ne sont pas définitives. Le rapport fait état de pistes, elles-mêmes fondées sur des hypothèses. Mais la justice ne peut se satisfaire d'hypothèses. Un très grand nombre d'éléments n'ont pas été exploités par les experts. C'est la raison pour laquelle nous avons motivé une demande de complément d'expertise pour que les experts se fondent sur l'ensemble des éléments y compris ceux susceptibles d'amener à des conclusions relatives à un départ de feu du côté de Normandie logistique.

Bénédicte Graulle, avocate de Lubrizol

Reste que ce rapport d'expertise, avec une hypothèse privilégiée de départ de feu chez Lubrizol, a conduit Normandie Logistique à se constituer partie civile en janvier 2020.

Cette constitution de partie civile de NL Logistique a été reçue par les juges d'instruction. Cela veut dire qu'aujourd'hui, NL Logistique est partie civile dans le dossier, donc présumée victime comme des centaines, des milliers de riverains, comme de nombreuses associations de l'environnement.

Christophe Boog, avocat de NL Logistique

La procédure risque de durer de nombreuses années. Rappelons qu'il a fallu 18 ans pour obtenir une condamnation définitive dans la catastrophe d'AZF.

Un procès qui devra condamner un coupable. Viendra alors le temps des dédommagements pour les riverains, professionnels, associations et communes qui ont subi des préjudices.

La commune de Mont-Saint-Aignan, par exemple, au nord de Rouen, survolée par le panache de fumée a engagé des frais suite à cet incendie. 

On a dépensé un certain montant pour rassurer les concitoyens. J'ai fait vider l'eau du bassin de 50 mètres de la piscine et remplacer le sable de tous les bacs à sable des aires de jeux de la commune. Nous avons eu un préjudice en termes de dépenses supplémentaires. C'est pour cela que nous nous sommes constitués partie civile. Si nous pouvons récupérer une partie de notre mise, je ne serai pas contre.

Catherine Flavigny, maire de Mont-Saint-Aignan


Parallèlement, des associations veulent faire reconnaître la responsabilité de l'État et de ses services, dans une partie de la catastrophe. Un combat qu'elles mèneront cette fois ci auprès du tribunal administratif.

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