La "France moche" : comment transformer des zones commerciales comme celle de Barentin

Le gouvernement a lancé, lundi 11 septembre, un vaste plan de rénovation des zones commerciales. La France en compte pas moins de 1500 comme à Barentin, près de Rouen, qui ouvre un nouveau concept de halles. Le centre aurait-il entamé sa mue ?

C’est un bâtiment de 600m2 au milieu d’une vaste zone commerciale de 120 hectares à Barentin, près de Rouen (Seine-Maritime). À l’intérieur, trois commerces ont déjà ouvert leurs portes dans ce nouveau concept de halles.

Un boucher-charcutier, un fromager et un primeur réunis dans une halle, façon marché d’antan. D’ici peu un boulanger devrait les rejoindre.

Du supermarché au circuit court 

Il y a quelques mois seulement, l’entrepôt était occupé par un supermarché discount. Depuis le 1er septembre, c’est la carte de l’artisanat local qui est mise en avant à l’image de Wilfried Quatresous. Si cet ancien boucher indépendant de Forges-les-eaux a rejoint l’enseigne Le Bœuf Tricolore, il l’assure :

Je travaille avec la filière locale. Le bœuf, le veau et l’agneau viennent des abattoirs de Cany-Barville, les volailles de Bréauté. C’est vrai que nous avons de beaux espaces de vente mais nous restons des artisans.

Wilfried Quatresous, boucher-charcutier

Même tendance pour Steven Le Gall et ses fromages qui compte déjà deux boutiques à son actif à Rouen et Sofiane Chebbi, primeur de père en fils, également présent au MIN de Rouen et à Petit-Quevilly.

Quelques jours après l’ouverture, la démarche est appréciée des clients. Gisèle, retraitée, est venue s’approvisionner en fruits et légumes. "C’est plus familial, plus humain que les grandes surfaces. Ici, il y a quelqu’un pour renseigner si on en ressent le besoin. Ça change de la distance que les gens avaient prise en se servant tout seul et en faisant n’importe quoi dans les rayons des supermarchés."

Sandrine elle aussi est séduite. "Au moins, je sais d’où viennent la viande et le fromage. C’est plus chaleureux. Et dans les grandes surfaces, les prix ne sont pas toujours si intéressants qu’on le pense. C’est une bonne initiative car à Barentin, il y a beaucoup de magasins et d’entreprises qui ferment. Sans cette halle, ça aurait encore été un local de plus laissé vide."

Quand le modèle des années 70 s'essouffle

Aujourd’hui, la zone commerciale du Mesnil-Roux compte 222 enseignes qui génèrent 2 500 emplois. C’est l’une des principales du département, juste derrière celle de Tourville-la-Rivière, au bord de l’A13, en direction de Paris. Lancée en 1973, par André Marie, le maire de l’époque, elle ne compte au départ qu’un hypermarché et un vaste parking. Au fil du temps, la zone s'étend - jusqu’à près de 120 hectares - et un nouvel agrandissement devrait voir le jour, sur la commune de Pissy-Pôville.

Si 5 millions de visiteurs se bousculent chaque année à Barentin, au pied de la célèbre réplique de la statue de la Liberté, le modèle tend à s’essouffler. De nombreux magasins parmi lesquels Alinéa  ont fermé leurs portes et plusieurs cases restent vides, parfois depuis plusieurs années.

Cette évolution, Christophe Bouillon, le maire de Barentin en a fait le constat : 

Ce qui a changé c’est que les zones commerciales comme la nôtre ont été créées à un moment où tout était conçu pour la voiture, où trouver du foncier n’était pas un problème, où le coût de l’énergie ne posait pas question. Une époque où l’on ne parlait pas encore du climat.

Christophe Bouillon, maire de Barentin

Pendant près d’un an, le maire de Barentin, également président de la communauté Caux-Austreberthe a donc mené une vaste enquête. Parmi les enseignements de cette étude : l’absence d’aménagement pour permettre la circulation des piétons et des vélos, la mauvaise desserte de la zone par les transports en commun, la multitude de giratoires rendant la desserte labyrinthique, le manque d’espaces verts et de biodiversité… En un mot, la zone du Mesnil-Roux n’a pas su entamer sa mue.

"Aujourd’hui, le monde a changé, accéléré par la pandémie de Covid" poursuit l'édile. "Les consommateurs commandent de plus en plus par internet. Ils veulent que leurs achats prennent le moins de temps possible et vivre une expérience différente. Ils ne veulent plus simplement pousser un caddie mais se promener, flâner. Ils recherchent du loisir."

Un vaste "plan de reconquête" de cette zone et une trentaine d’actions ont été lancés par la communauté de communes Caux-Austreberthe. Parmi les priorités : amener le vélo, les transports en commun et aussi des logements au cœur de la zone. "Notre objectif est que les habitants puissent vivre à côté des commerces. Il nous faut donner une seconde vie à cette zone qui est déserte le soir à partir de 20h et les dimanches". Christophe Bouillon ne s’interdit rien : développer une activité industrielle ou logistique fait aussi partie des pistes.

Mais il le sait, cette évolution ne se fera pas en un claquement de doigts. "C’est là tout l’intérêt d’avoir le soutien de l’Etat. Cela permet d’aller plus vite". La zone commerciale de Barentin vient d’être retenue par le gouvernement dans le cadre de son plan de transformation des zones commerciales périphériques. À ses côtés, Grasse et Chartres font aussi partie de la première phase d’expérimentation de ce plan.

Lancée ce lundi 11 septembre, par Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, et Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME et du Commerce, cette action vise à repenser le modèle des 1500 à 1800 zones commerciales que compte la France. C’est là que la majeure partie des achats sont effectués par les consommateurs : 72% des dépenses réalisées dans le commerce physique le sont dans les zones commerciales d’après les chiffres du gouvernement.

Mais "leur modèle ne répond plus, pour beaucoup, aux enjeux de notre époque" dixit Olivia Grégoire.

Le gouvernement prévoit donc une simplification administrative des démarches pour accélérer ce type de chantier, des pouvoirs de décision accrus donnés aux maires en la matière et un accompagnement des collectivités par les services de l’Etat. À Àa clé également, une enveloppe de 24 millions d’euros pour financer les étudie préparatoires.

Un arsenal qui devrait permettre à une trentaine de territoires de faire peau neuve. La liste des heureux élus sera connue en novembre prochain. Le véritable changement à la périphérie des villes devrait encore prendre quelques années.

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