Après le premier confinement, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a fait intensifier la lutte contre les rodéos urbains. La politique nationale se décline aussi dans nos deux départements de l’Eure et de la Seine Maritime où police municipale et nationale travaillent ensemble pour lutter contre ce fléau. L’investigation et l’utilisation des images de vidéosurveillance sont au cœur du dispositif.
C’est désormais une pratique courante depuis le 1er confinement du printemps 2020. Les contrôles routiers contre les rodéos urbains reviennent presque toutes les semaines pour la Police Nationale de Seine Maritime. Les interventions sont même annoncées avec le hashtag #ContreLesRodéos sur les réseaux sociaux de la Police Nationale 76.
Le phénomène des rodéos urbains n’est pas nouveau mais s’est intensifié depuis le premier confinement. Les réseaux sociaux et certains gangs, comme les Daltons, ont participé à la prise de conscience de cette pratique. Pour y répondre, une politique nationale d’ampleur a été lancée. Depuis 2018, ces courses et ces figures réalisées en motocross sur la voie publique constituent un délit, passible d’un 1 an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Plusieurs cellules anti-rodéos ont été créées dans les métropoles les plus touchées, comme à Rouen ou au Havre. A Rouen, six personnes composent cette cellule spéciale. Il s’agit d’une cellule saisonnière car elle est principalement active durant l’été, lorsque la saison est propice aux rodéos. « Mais elle est dormante durant le reste de l’année, les opérations continuent mais sont moins fréquentes » précise Karim Ben Hasser, secrétaire régional du syndicat de police nationale Alliance.
Juin 2021, nouveau tour de vis avec la fin du couvre-feu. Dans une missive confidentielle, le Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a demandé à Frédéric Veaux, directeur général de la Police nationale, de mettre en place de nouvelles mesures coercitives (à savoir la saisie des véhicules) « dans les lieux les plus touchés ».
Quand la vidéosurveillance remplace le flagrant délit
Si la lutte contre les rodéos semble se faire sur le terrain avec l’interpellation des auteurs et des véhicules, la réalité dans les départements de l’Eure et de Seine Maritime est différente. « Il est beaucoup plus facile, sur le papier, d’imaginer que l’interpellation d’une moto en plein rodéo est simple. En réalité ce n’est simple ni pour le jeune qui est sur la moto, ni pour les riverains, ni pour les policiers » explique Nicolas Gavard-Gongallud, maire-adjoint d’Evreux en charge de la sécurité.
En effet, depuis le 2 juin 2021, les policiers ne sont plus autorisés à prendre en chasse les auteurs de rodéos urbains, en raison de la dangerosité de ces pratiques qui se terminent parfois en drame.
Alors pour lutter efficacement contre les rodéos urbains, place à l’investigation et à l’utilisation des images de vidéosurveillance.
« Le système de vidéo protection nous est indispensable. Déjà pour identifier les auteurs, avoir un descriptif du véhicule voire même une plaque d’immatriculation ou un visage lorsque c’est assez net. On peut aussi utiliser ces images pour caractériser l’infraction lorsque des personnes nous contactent pour nous signaler des rodéos urbains. C’est aussi important lorsque la personne qui s’adonne à des rodéos urbains s’enfuit et va stationner plus loin ou ranger son véhicule dans un garage » détaille Marine Selles, Commissaire centrale adjointe de la circonscription de sécurité publique d’Evreux.
Des collaborations ponctuelles avec des bailleurs sociaux permettent d’élargir le périmètre d’action. La Commissaire adjointe d’Evreux précise que « grâce à un travail collaboratif avec les bailleurs sociaux, des visites de caves préventives sont réalisées pour empêcher les rodéos motorisés ».
Du côté de Rouen, l’Office national des forêts (ONF) a parfois été sollicité pour mener des opérations en périphérie de Rouen affirme Karim Ben Hasser, secrétaire régional du syndicat de police nationale Alliance.
« Bike life » la nouvelle tendance des rodéos urbains
Alors quel bilan pour ces politiques anti-rodéos sur nos territoires ? Sur la circonscription d’Evreux, 13 personnes ont été mises en cause et 9 motos ont été saisies depuis avril 2020. A Rouen, 39 personnes ont été mises en garde à vue par la cellule anti-rodéo lors des étés de 2020 et 2021. L’arrivée de l’automne entraîne un ralentissement inexorable de ces « cross bitume » illégaux.
Les procédures sont longues et complexes pour caractériser ces infractions puis pour qu’elles soient traduites en justice.
Karim Ben Hasser, Secrétaire régional du syndicat de police nationale Alliance
Difficile de juger l’efficacité des opérations à la lecture des seuls chiffres puisque « les procédures sont longues et complexes pour caractériser ces infractions puis pour qu’elles soient traduites en justice » résume le représentant syndical d’Alliance Karim Ben Hasser. Pour autant, à en croire les représentants de police nationale et municipale de Rouen et Evreux, le dispositif est efficace.
« Etant donné que la politique nationale est très ciblée sur les rodéos, on fait encore des opérations régulièrement. Mais à Evreux, Louviers, Val-de-Reuil ou Vernon cela se transforme en contrôles routiers puisque nous n’avons plus de cas de rodéos urbains comme lors de l’année dernière » explique la Commissaire centrale adjointe de la circonscription de sécurité publique d’Evreux, Marine Selles.
Pendant que la lutte contre les rodéos se poursuit, une nouvelle tendance voit le jour : les bike life. Ces rodéos à vélos sont tout aussi dangereux que ceux en véhicules motorisés. Pour l’instant, ils ne tombent pas sous le coup de la loi sur les rodéos urbains puisque celle-ci ne concerne que les engins motorisés.