Rouen : pourquoi le collectif des "Jardins joyeux" a-t-il été expulsé d'un ancien foyer religieux ?

Surpris dans leur sommeil vers 8 heures du matin, les habitants "squatteurs" ont été évacués sur décision de justice. Le vaste domaine et son parc dans le quartier de l'hôtel de ville avaient été vendus pour construire un projet immobilier cossu.

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"On était une vingtaine de personnes à peu près, il y avait des familles avec des enfants. Ils ont paniqué avec l'ouverture des portes" . Un des représentants du collectif des "jardins joyeux" raconte ce réveil tonitruant du 11 janvier 2022.

D'après des témoins, il y a eu quelques escarmouches et jets de gaz lacrymogènes.  Huit personnes ont été interpellées dans la rue pour attroupement, entrave à la circulation et rébellion. Elles ont été placées en garde à vue.   

Les habitants squatteurs se sont rassemblés calmement dans le quartier pendant qu'un camion chargeait des affaires du collectif.

Depuis juin 2021, ce groupe avait investi à Rouen l'ancien foyer religieux pour jeunes filles, inoccupé mais déjà propriété d'un promoteur immobilier.

Pas de "trêve hivernale" pour les occupants

La cour d'Appel de Rouen avait autorisé l'expulsion du collectif à compter du 10 janvier. 

Ce 11 janvier, une douzaine de fourgons de police et de CRS ont stationnés au pied de la fontaine monumentale Sainte-Marie. Les forces de l'ordre ont quadrillé le dédale pittoresque de rues médiévales.

Les occupants du foyer espéraient que la "trêve hivernale" les protégerait de l'expulsion. La loi ne prévoit cependant plus, depuis 2020, cette disposition pour les logements et terrains "squattés".

Dans la soirée du 11 janvier, un rassemblement a eu lieu devant l'hôtel de ville de Rouen.

Les manifestants se sont introduits dans la mairie et se sont installés dans la salle du conseil municipal pour parler de l'avenir de leur mouvement et du relogement des personnes sans domicile qui vivaient dans l'ancien foyer des religieuses.

Un îlot de verdure convoité, près de l'hôtel de ville 

Le quartier Saint-Nicaise a beaucoup de charme. A l'abri des murs clos, il cache de grands jardins, ceux d'anciens couvents et monastères.

Le collectif des "jardins joyeux" milite pour la préservation d'espaces verts publics, des jardins partagés ouverts à des évènements culturels. En 2016, un autre collectif idéaliste "Nuit debout" avait investi l'ancien presbytère de l'église. Il avait été délogé.

Dans ce quartier, l'association de la Boise de Saint-Nicaise s'est elle engagée pour la "valorisation patrimoniale, sociale et culturelle de l'église Saint-Nicaise". 

Depuis de nombreuses années, les congrégations quittent leurs monastères, trop coûteux à entretenir et rénover.

Ces mètres carrés près de l'hôtel de ville et des transports en commun sont rachetés par des promoteurs immobiliers. Leurs projets haut-de gamme intègrent le patrimoine ancien, chapelles, cloitres avec des bâtiments neufs. 

Le permis de construire déposé et accepté

Le collectif expulsé a reçu le soutien de Jean-Michel Bérégovoy, écologiste, 2e adjoint au maire de Rouen. Il prend la défense de "ce mouvement porteur d'espoir d'un urbanisme différent  et d'une écologie solidaire".

Le groupe Europe Ecologie les Verts de Rouen a dénoncé l'expulsion "en plein hiver"  et fustigé le promoteur accusé de "détruire sans sourciller un joyau patrimonial en condamnant le magnifique jardin de l’ancien foyer Sainte-Marie pour
un simple trou de verdure entouré de béton".

Le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, a fait le point sur ce dossier et réagi à l'expulsion.

"La décision d’expulsion n’est pas prise par la mairie mais par la préfecture. Cette situation résulte d’un permis de construire qui a été déposé et accordé, expurgé de tout recours judiciaire, sous la mandature précédente. La mairie de Rouen n’avait donc pas de moyen juridique de faire quoi que ce soit ."

Le projet immobilier, dont il n'existe pour l'instant pas de maquette pour le public, peut cependant être discuté avec la ville. Il devra aussi respecter l'environnement de ce secteur historique. La municipalité donnera son point de vue. 

"Sur le plan politique, j’essaie de trouver des solutions. Pour trouver des compromis, pour améliorer le projet sur la question patrimoniale, sur les espaces verts. Mais sur le plan de l’affectation du terrain, de la propriété du terrain, on peut penser que la mairie a son mot à dire mais ce n’est plus le cas"    

Le collectif des "jardins joyeux" pourrait lui engager un nouveau recours devant la Justice. Le chantier de construction peut, lui, démarrer.

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