Entretien exclusif. Pascal Houbron, maire de Bihorel depuis près de 25 ans, a cessé provisoirement ses fonctions depuis juin 2024 pour des raisons de santé. Aujourd'hui, il accepte de nous parler de la maladie dont il se relève actuellement. Il espère reprendre ses fonctions en janvier 2025.
Mercredi 16 octobre 2024. Pascal Houbron nous reçoit à son domicile à Bihorel. Nous retrouvons un élu amaigri, mais souriant.
C'est la première fois qu'il accepte une interview depuis qu'il a suspendu ses fonctions cet été 2024 pour raison de santé. "Depuis octobre 2023, je luttais pour ne pas tomber, mon cerveau a dit stop ! Aujourd'hui ça va mieux, mais progressivement."
"Mon cerveau a dit stop"
Le 24 juin 2024, Pascal Houbron publie ce message sur ses réseaux sociaux : "Je me dois de vous dire la vérité. J'ai fait de l’aphasie, pas d’AVC détecté. Mon cerveau m'a dit stop. Je vais mieux avec un traitement adapté." Il décide d'arrêter toutes ses activités professionnelles et électives.
Bihorellaises, Bihorellais,
— HOUBRON 🇺🇦 🇫🇷 🇪🇺 (@PASCALHOUBRON) June 24, 2024
Je me dois de vous dire la vérité.
J'ai fait de l’aphasie, pas d’AVC détecté.
Mon cerveau m'a dit stop. Je vais mieux avec un traitement adapté. Je serais en arrêt total jusqu’au 15/09.
J’ai arrêté toutes mes activités professionnelles et électives.
L'aphasie est un trouble neurologique affectant la communication verbale, parfois la compréhension et la mémoire. "Pendant plusieurs jours, je n'arrivais plus à parler, nous explique le maire. Quand vous êtes un bon orateur et que vous ne parvenez plus à parler en public, à faire un discours à un rythme soutenu, les gens se posent des questions."
C'est très handicapant. Ça ne me permettait pas de parler en public ou même de travailler. Le cerveau a dit stop.
Pascal Houbron, maire (divers droite) de Bihorel
"Lutter contre l'angoisse et la dépression"
Depuis le mois de juin, son quotidien se passe à l'écart de la vie municipale. "Mon quotidien est à la maison. Je suis resté cloîtré chez moi comme durant la période de la pandémie. J'avais un traitement très fort de la psychiatre qui me faisait dormir, poursuit Pascal Houbron. Il fallait lutter contre l'angoisse et la dépression."
Passionné par son métier, Pascal Houbron a toujours été très actif : employé dans le groupe La Poste depuis 37 ans, maire de Bihorel, conseiller Régional de Normandie, délégué de la Métropole Rouen Normandie...
Le droit à la déconnexion n'existe pas quand on est élu. À travailler 70 heures par semaine, mon corps a lâché, peut-être à la suite d'évènements qui me sont arrivés tout au long de ma vie d'élu.
Pascal Houbron
"J'étais hyperactif pendant toutes ces années, voire décennies, mais ça m'allait bien ! C'était ma vie et c'était comme ça que je l'avais conçue. On le choisit d'être élu au service des autres. C'est un métier passion, on aime les gens."
Un retour en 2025
Pascal Houbron se porte mieux aujourd'hui. Après plusieurs mois de rééducation, il parvient de nouveau à s'exprimer. "Le fait de parler régulièrement, on sent que ça revient."
Le maire de Bihorel compte bien reprendre ses fonctions. "J'ai envie de revenir à la mairie de Bihorel, ça fait partie de ma vie, c'est mon engagement."
Son retour progressif est prévu pour janvier 2025.
Un maire sur trois montre des signes d'épuisement
Selon une enquête publiée en novembre par l'Association des Maires de France, 83% des maires jugent leur mandat "usant pour la santé", 38% ont même déjà pensé à démissionner. Une usure qui se traduit par des troubles du sommeil chez 86% des maires interrogés, des coups de fatigue (91%), ou des moments de "lassitude" (90%).
🔴[COMMUNIQUÉ DE PRESSE]
— AMF | Association des maires de France (@l_amf) November 15, 2024
Enquête ELUSAN : Être maire aujourd'hui - Engagés, débordés, malmenés : quels effets sur la santé ?
Les conséquences des mandats pour la santé des élus sont méconnues et la santé des élus n’est pas un sujet mineur. En effet, ne faut-il pas être en bonne… pic.twitter.com/QzgBmWxJiu
Un peu plus tôt, fin août 2024, une première enquête (Amarok) intitulée "Du risque de burnout au bien-être des maires français : sortir de l’ignorance" révélait que plus de 30 % des maires français montrent des signes d'épuisement, dont 3 % en situation critique. Les maires des petites communes rurales sont les plus touchés.
Charge mentale, lourdeur administrative...
Les causes de ces maux, qui génèrent souvent une importante charge mentale, sont variées : lourdeur administrative, investissement démesuré, tensions, agressions, manque de moyens... Les conditions de travail des maires comportent d'importants risques psychosociaux.
En moyenne, un maire passe 27 heures par semaine en mairie auxquelles il faut ajouter 35 heures hebdomadaires s’il est encore en activité. À la fatigue physique s'ajoute une composante mentale liée au stress. Selon l'enquête, 40% des maires déclarent être souvent sous pression.
La charge mentale semble être un tabou chez les élus. Plus de la moitié d'entre eux assurent régulièrement cacher leurs émotions. La maire d'une commune de 9 000 habitants affirme même garder secret le fait qu'elle suit une psychothérapie. "Je pense que ce serait mal vu", confie l'édile.
Face à ces difficultés, quatre sur dix ont pensé à s'arrêter ou démissionner au cours de leur mandat actuel. Pour autant, l'étude de l'AMF démontre que des appréciations positives ressortent aussi de l'engagement des maires, comme le sentiment de faire quelque chose d'utile ou d'apprendre des nouvelles choses.