Témoignage. "Mon enfant s'est fait éclater la tête." Dysfonctionnements dans une crèche : une maman alerte, l'établissement ferme

Publié le Écrit par Vincent-Seignet Juliette

Une micro-crèche du groupe "Les Chaperons Rouges", basée à Rouen, a été mise en cause pour des cas de maltraitance sur les enfants et des dysfonctionnements. L'entreprise assure avoir mené une enquête interne et engagé des procédures disciplinaires. Le préfet a décidé de fermer la crèche pour trois mois.

Lisa Letellier ne s'en remet toujours pas. Il y a quatre mois, début décembre, la jeune maman reçoit un message de la crèche "Les Malicieux de Beauvoisine" (groupe Les Chaperons Rouges) où son enfant d'un an est scolarisé. "On nous signale que Louison a vomi deux fois, mais qu'il n'y a rien d'alarmant."

Les deux jeunes parents récupèrent leur fille et l'amènent chez le médecin. "Nous nous disons qu'en décembre, c'est le retour des gastros, personne ne s'inquiète, ni nous ni le médecin", confie la jeune maman.

Mais le stress monte quand la petite Louison commence à beaucoup pleurer le jour suivant. "Elle n'est pas comme d'habitude, elle râle beaucoup, elle est très agitée, elle n'a pas d'appétit. Elle est très distraite. Elle a fait une nuit de 13 heures, ce qui n'arrive jamais", se souvient, la gorgée nouée, Lisa Letellier.

"Cela aurait pu être pire"

Deux jours plus tard, Lisa Lettelier est convoquée par la directrice de l'établissement de l'époque (depuis licenciée). "Je vois tout de suite à son visage que ça ne va pas. Elle est toute blanche et livide. Elle me dit qu'elle a besoin de me parler."

"J'ai le cœur qui s'emballe, je suis tétanisée. Elle m'annonce qu'il y a eu un manquement de leur part et que Louison s'est fait éclater la tête et que les vomissements sont arrivés peu de temps après cet accident", rapporte la maman, encore sous le choc que l'établissement ne l'ait pas alerté plus tôt.

À ce moment je suis dans un état inexplicable. Ma fille a eu un choc à la tête et on m'en informe 48h après les faits ? C'est aberrant. Elle a été mise en danger pendant deux jours, cela aurait pu être pire.

Lisa Letellier, maman de Louison

Après cette découverte, les parents déposent plainte auprès de la police et font également un signalement auprès de la PMI (protection maternelle et infantile) de la ville de Rouen. L'information a été sortie par nos confrères de France Bleu Normandie. "Cela a été traumatisant pour notre famille, c'est un bouleversement et puis c'est très culpabilisant pour nous, de ne pas avoir été là pour elle", confie Lisa Letellier.

Choqués, les parents ont décidé de retirer leur enfant de cette crèche peu de temps après l'accident. La plainte, elle, sera finalement classée sans suite une dizaine de jours plus tard, faute de preuves.

Plusieurs plaintes de parents

Contactée, l’entreprise de crèches privées Les Petits Chaperons Rouges, à laquelle appartient la structure "Les Malicieux de Beauvoisine", reconnaît avoir rencontré des "dysfonctionnements" en décembre dernier.

Concernant l'accident de l'enfant de Lisa Letellier, le groupe assure que cela est survenu entre deux enfants de la crèche, "l'un ayant heurté le second qui était assis à ce moment-là". "L'ensemble des soins nécessaires ont immédiatement été prodigués", nous assure la direction du groupe.

Mais d'après France Bleu, à l'origine de cette enquête, les parents de la petite Louison ne sont pas les seuls à avoir alerté sur les dysfonctionnements au sein de l'établissement. Plusieurs parents et d'anciens salariés ont dénoncé des faits de maltraitance.

Six signalements en quelques mois

Comme en témoigne une aide auxiliaire à la petite enfance, qui a "depuis été licenciée". "À plusieurs reprises, j’ai dû aller faire des courses en catastrophe pour que les enfants puissent manger", témoigne à France Bleu cette ancienne employée. Cette dernière fait également état de violences physiques de la part d'une autre auxiliaire.

Selon le département de la Seine-Maritime, il y aurait eu six signalements à la protection maternelle et infantile (PMI) de la ville de Rouen en quelques mois. Deux de parents (dont ceux de Louison) et quatre déposés par des professionnelles différentes, notamment pour manquements et/ou problèmes d'effectifs.

Le groupe "Les Chaperons Rouges" nous a assuré que l’équipe de professionnels a été "entièrement renouvelée depuis les faits du mois de décembre 2023, y compris la direction".

Le groupe a mobilisé en complément une intervenante pédagogique qui intervient une fois par semaine pour accompagner l’installation de la nouvelle équipe et garantir la meilleure qualité d’accueil. Aucun signalement n’a été notifié à la direction de la crèche depuis cet accident.

La direction du groupe "Les Chaperons Rouges"

Face à ces signalements à répétition, le Département de la Seine-Maritime nous a affirmé que la PMI (Protection maternelle et infantile) de la ville de Rouen a transmis les différentes procédures aux services de l'État, à la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités.

La PMI a mis l'accent sur le cas précis de la petite Louison, afin qu'une enquête plus longue et approfondie soit menée par les services de l'État.

Une fermeture pendant trois mois

En fin de journée, vendredi 12 avril 2024, le préfet de la Seine-Maritime a pris la décision d’une fermeture administrative provisoire, pour une durée de trois mois, à compter de ce lundi 15 avril 2024.

Les différents éléments relevés durant cette inspection ont permis de conclure que la sécurité des enfants n’était pas assurée au sein de ce lieu d’accueil.

Préfecture de la Seine-Maritime

"La responsable de la micro-crèche a été chargée d’informer les familles de cette décision. Les services de la CAF de la Seine-Maritime ont aussitôt été mobilisés afin de proposer aux familles concernées un accueil au sein de relais petite enfance, dès ce lundi", indique la préfecture dans un communiqué.

La mission menée par les services de l’État et du Département procédera avant toute réouverture à une contre-visite afin de s’assurer que l’ensemble des constats pointés et des mesures correctives imposées ont bien été pris en compte, indique la préfecture.

Si tel n’était pas le cas, une fermeture définitive pourrait être prononcée.

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