TEMOIGNAGES. "Rares sont les années où nous ne devons pas appeler la police" : ces deux enseignantes sont à bout de souffle

Entre les réformes incessantes, l’assassinat de Samuel Paty, la hausse des menaces : les professeurs sont de plus en plus nombreux à abandonner leur profession. Le secteur peine à séduire au niveau national. Deux enseignantes normandes ont accepté de nous livrer leur quotidien, parfois éprouvant.

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Le mal-être des enseignants est de plus en plus palpable et la Normandie n’échappe pas à ce phénomène. Une des raisons, selon Mathilde, professeure des écoles de CE2-CM2 à Val-de-Reuil (Eure), est la perte de temps administrative.

Le blues des enseignants 

“On a des quantités de papiers à renvoyer constamment, c’est quelque chose qui alourdit notre quotidien dans la classe et c'est cela qui rend le métier plus difficile d'avant", regrette-t-elle.   

Professeure en zone d’éducation prioritaire (ZEP), Mathilde connaît bien son métier. Elle y est entrée il y a dix ans. Motivée et enjouée au début de sa carrière, elle baisse de plus en plus les bras, car, selon elle, la situation s’aggrave.

Là aujourd’hui, on ne peut plus répondre aux besoins des élèves. Ce sont eux qui en pâtissent.

Mathilde, professeure des écoles

Si elle a encore la foi, elle se pose beaucoup de questions sur son avenir et le futur de sa profession. Elle note aussi une hausse des altercations entre professeurs et parents d’élèves, “avec des courriers assez vindicatifs”. Un constat que partage Julie, enseignante dans une classe de CM1-CM2 dans une petite école rurale de Seine-Maritime. 

Après huit ans dans l’éducation nationale, cette maîtresse engagée a le blues. “Rares sont les années où nous ne devons pas appeler la police pour venir nous aider à la sortie avec une famille”. Et quand ce ne sont pas les parents qui posent problème, ce sont les élèves.

Manque de reconnaissance

Parfois, la situation dégénère et les professeurs, comme Julie, se sentent démunis. Toujours autant d’élèves, pas assez de professeurs : les classes sont submergées.

"Quand on a une situation très explosive avec les enfants avec des bagarres, nous n’avons aucune solution. On est chacun dans notre classe, on n’a pas un adulte en plus dans l’école."

Soit, je sors dehors avec l’enfant en crise, mais j’ai 25 enfants qui ne sont plus surveillés dans la classe. Soit, je reste dans ma classe et je sors l’enfant en crise, mais là je peux être accusée de défaut de surveillance

Julie, professeure des écoles

Des situations difficiles à gérer “avec pas assez de moyens”, regrettent ces deux femmes. À cela s’ajoute l’absence de considération pour la profession. “On nous renvoie toujours à notre passion et à notre engagement pour nos élèves. Moi je suis dévouée pour eux, mais parfois cela a des limites”, clame Julie.

Les professeurs jettent l’éponge 

Si Mathilde et Julie restent toujours très attachées à leur métier, certains, épuisés, quittent le navire.

“C’est un phénomène qui prend de l’ampleur ces dernières années mais qui devient en ce moment très impressionnant”, indique Laurent Baussier, professeur de français dans le secondaire et secrétaire départemental (FO) pour les lycées et collèges de l’Eure. 

Les démissions ont été multipliées par huit, en huit ans à l’échelle nationale. En 2021, plus de 2800 enseignants ont quitté leur métier, c'est cinq fois plus qu'il y a dix ans. Si ce chiffre représente toutefois 0,3% des enseignants en France, c’est une tendance que l’éducation nationale n’arrive pas à enrayer.

En plus de ces démissions, le métier attire de moins en moins. Les chiffres pour le concours d’entrée témoignent de cette tendance. Préparer la société de demain avec les moyens d’hier : forcément, cela ne séduit plus. 

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